Réf. : Cass. civ. 1, 11 mars 2020, n° 18-20.414, F-D (N° Lexbase : A76113IQ)
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N2935BYD
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par Manon Rouanne
le 08 Avril 2020
► Est invalide et entraîne, en conséquence, la caducité des offres d’achat connexes, l’offre d’achat portant sur l’entièreté d’une parcelle placée en indivision qui n’a été acceptée que par l’un des deux propriétaires indivis, lequel ne disposait pas de mandat apparent lui permettant de représenter le coïndivisaire dont le consentement faisait, dès lors, défaut et n’a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité n’ayant jamais prétendu agir au nom et pour le compte de celui-ci.
Telle est l’absence de consentement à la vente de l’ensemble des propriétaires du bien indivis objet de la vente faisant échec à celle-ci retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 11 mars 2020 (Cass. civ. 1, 11 mars 2020, n° 18-20.414, F-D N° Lexbase : A76113IQ).
Dans cette affaire, une société, souhaitant faire l’acquisition de plusieurs parcelles voisines, a présenté, aux deux propriétaires indivis d’une parcelle, une offre d’achat portant sur celle-ci, laquelle n’a été acceptée que par l’un d’eux. Cette société a, ensuite, fait, à leurs propriétaires respectifs, deux autres offres d’achat de parcelles voisines qui ont été acceptées par ceux-ci. Deux mois après l’acception des offres d’achat, le notaire a rédigé une promesse synallagmatique de vente. Toutefois, le propriétaire indivis de la parcelle ayant fait l’objet de la première offre d’achat qui n’avait pas donné son consentement à la vente en acceptation l’offre de manière expresse a, par lettre recommandée, notifié à la société acheteuse son refus de vendre. Faisant fi de ce refus, cette dernière a mis en demeure les deux propriétaires indivis de régulariser, par la signature de l’acte authentique, la promesse de vente aux conditions de l’offre d’achat initialement émise. Dès lors, ceux-ci ont, en présence des propriétaires des autres parcelles qui ont invoqué la caducité de leurs offres d'achat et sollicité la condamnation de la société au paiement de dommages-intérêts, assigné la société aux fins de voir juger qu'ils étaient libres de disposer de leur bien et d'obtenir le paiement de dommages-intérêts.
La cour d’appel (CA Aix-en-Provence, 17 avril 2018, n° 16/14951 N° Lexbase : A2219XLR) ayant fait droit à la demande des propriétaires, d’une part, en déclarant non-valide l’offre d’achat portant sur la parcelle placée en indivision du fait du défaut de consentement de l’un des propriétaires indivis, en retenant que cette offre concernait l'entière propriété de la parcelle concernée et non uniquement les parts indivises du coïndivisaire ayant accepté l’offre et que les coïndivisaires étaient libres de disposer de leur bien, ainsi qu'en déclarant caduques les offres d’achats connexes et, d’autre part, en rejetant la commission, par le propriétaire indivis ayant accepté l’offre, d’une faute qui aurait eu pour conséquence l’engagement de sa responsabilité, la société a, alors, formé un pourvoi en cassation.
Tout d’abord, pour contester l’absence de validité de l’offre d’achat, la société s’est, comme moyens au pourvoi, dans un premier temps, opposée au fait, pour les juges du fond, de s’être fondés sur l’absence de faute commise par le propriétaire indivis ayant accepté l’offre pour écarter l’existence d’un mandat apparent détenu par ce dernier, en affirmant que l’existence d'un mandat apparent suppose que la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire soit légitime et que les circonstances l'autorisent à ne pas vérifier ces pouvoirs, mais n'est pas subordonnée à l'existence d'une faute commise par le mandataire apparent. Dans un second temps, le demandeur au pourvoi a contesté le rejet, par la cour d’appel, de l’existence d’un mandat apparent sur le fondement de sa connaissance de l’existence de deux propriétaires distincts dont les noms étaient mentionnés sur l'offre d'achat mais que seule la signature de l’un d’eux y était apposée et du fait que ce dernier n’avait pas prétendu agir au nom de son coïndivisaire et n’avait remis aucun document laissant à penser qu’il disposait du pouvoir de le représenter sans retenir, au contraire, que ni le comportement du propriétaire ayant accompli toutes les démarches menant à la signature de l’acte authentique sans plus alerter quant à une opposition de son coïndivisaire à la vente ou une absence de consentement de celui-ci, ni les termes de la promesse mentionnant les deux coïndivisaires, n’étaient de nature à faire naître une croyance légitime de la part de la société dans l’existence d’un mandat apparent.
Ensuite, le demandeur au pourvoi a soutenu qu’il n’avait pas eu l’intention d’acquérir l’ensemble de la parcelle mais uniquement la part relevant de la propriété du coïndivisaire ayant accepté l’offre, laquelle était, dès lors, valide.
Enfin, la société a allégué la faute commise par le propriétaire indivis ayant accepté l’offre de nature à engager, à son égard, sa responsabilité en ayant accepté l’offre, puis accompli toutes les étapes menant à la signature de l’acte authentique sans émettre aucune réserve ni informer quant au défaut de consentement de son coïndivisaire à la vente.
Ne suivant pas l’argumentaire développé par le demandeur au pourvoi, la Cour de cassation confirme l’arrêt rendu par la cour d’appel, d’une part, en déclarant non-valide l’offre d’achat litigieuse entraînant la caducité des offres connexes et, d’autre part, en ne caractérisant pas de faute commise par l’acceptant ayant pour conséquence le rejet de l’engagement de sa responsabilité.
En effet, pour prononcer le défaut de validité de l’offre en cause, la Haute juridiction, en premier lieu, écarte l’existence d’un mandat apparent en retenant qu’aucun élément ne permettait de démontrer que l’acceptant avait agi au nom de son coïndivisaire, que l'identité des deux propriétaires de la parcelle était précisée dans le corps de l'acte et que l’âge avancé de ce dernier ne permettait pas à l’autre propriétaire indivis de contracter en son nom et, en second lieu, affirme que la société n'avait jamais souhaité acquérir uniquement les parts indivises de l’acceptant, qu'elle devait acquérir les trois parcelles en même temps et que chacune des offres d'achat avait été effectuée sous la condition suspensive de l'acquisition des autres parcelles, de sorte qu’elle ne pouvait se prévaloir de la vente de la part appartenant au propriétaire n’ayant pas donné son consentement et que les offres connexes étaient, de fait, caduques.
De surcroît, à l’instar des juges du fond, le juge du droit rejette la commission par le propriétaire acceptant d’une faute et, ainsi, fait obstacle à l’engagement de sa responsabilité au motif qu’aucun élément ne démontre que celui-ci ait prétendu agir au nom de son coïndivisaire et que même s'il avait signé l'offre sous la mention générique " le vendeur ", l'identité des deux propriétaires de la parcelle était précisée dans le corps de l'acte.
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