Le Quotidien du 2 décembre 2019 : Négociation collective

[Brèves] Encadrement des pouvoirs du ministre du Travail en matière de restructuration des branches professionnelles par le Conseil constitutionnel

Réf. : Cons. const., décision n° 2019-816 QPC du 29 novembre 2019 (N° Lexbase : A8689Z39)

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[Brèves] Encadrement des pouvoirs du ministre du Travail en matière de restructuration des branches professionnelles par le Conseil constitutionnel. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/55100364-breves-encadrement-des-pouvoirs-du-ministre-du-travail-en-matiere-de-restructuration-des-branches-pr
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par Charlotte Moronval

le 04 Décembre 2019

► La disposition permettant de fusionner des branches professionnelles en vue de «renforcer la cohérence du champ d'application des conventions collectives» est censurée mais le reste des dispositions contestées, sous deux réserves d'interprétation, permettant au ministre du Travail de fusionner le champ d'application des conventions collectives d'une branche professionnelle avec celui d'une branche de rattachement présentant des conditions sociales et économiques analogues, est conforme à la Constitution.

Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision du 29 novembre 2019 (Cons. const., décision n° 2019-816 QPC du 29 novembre 2019 N° Lexbase : A8689Z39).
L’affaire. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 2 octobre 2019 par le Conseil d'Etat (CE, 1° et 4° ch.-r., 2 octobre 2019, n° 431750, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A5128ZQY, lire N° Lexbase : N0682BYW) d'une QPC relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des paragraphes I et V de l'article L. 2261-32 du Code du travail (N° Lexbase : L0011LMD), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, pour la liberté de choisir son avenir professionnel (N° Lexbase : L9567LLW), et des articles L. 2261-33 (N° Lexbase : L6673K9Z) et L. 2261-34 (N° Lexbase : L6674K93) du même code, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C).

Conformité à la Constitution. Le Conseil constitutionnel relève que les dispositions contestées portent atteinte à la liberté contractuelle, dans la mesure où les partenaires sociaux qui souhaitent négocier un accord de remplacement sont, d'une part, contraints de le faire dans le champ professionnel et géographique déterminé par l'arrêté de fusion du ministre du Travail et, d'autre part, tenus d'adopter des stipulations communes pour régir les situations équivalentes au sein de la nouvelle branche. Le Conseil constitutionnel juge cependant que, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu remédier à l'éparpillement des branches professionnelles, dans le but de renforcer le dialogue social au sein de ces branches et de leur permettre de disposer de moyens d'action à la hauteur des attributions que la loi leur reconnaît. Ce faisant, le législateur a poursuivi un objectif d'intérêt général.

Censure d’une disposition. Concernant la censure de la disposition permettant au ministre du Travail de «fusionner plusieurs branches afin de renforcer la cohérence du champ d'application des conventions collectives», le Conseil constitutionnel juge que le législateur n'a pas déterminé au regard de quels critères cette cohérence pourrait être appréciée et qu'il a ainsi laissé à l'autorité ministérielle une latitude excessive dans l'appréciation des motifs susceptibles de justifier la fusion. Le législateur a, ce faisant, méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant la liberté contractuelle.

Réserves d’interprétation. Le Conseil constitutionnel constate qu'une atteinte est portée aux exigences constitutionnelles, résultant des articles 4 (N° Lexbase : L1368A9K) et 16 (N° Lexbase : L1363A9D) de la Déclaration de 1789, par les dispositions mettant fin de plein droit à l'application de la convention collective de la branche rattachée à défaut de conclusion d'un accord de remplacement dans le délai de cinq ans suivant la date d'effet de la fusion. Mais en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu, en cas d'absence ou d'échec de la négociation collective, assurer l'effectivité de la fusion, en soumettant les salariés et les entreprises de la nouvelle branche à un statut conventionnel unifié. Dès lors, et compte tenu de l'objectif d'intérêt général précédemment évoqué, la privation d'effet des stipulations de la Convention collective de la branche rattachée qui régissent, non des situations propres à cette branche, mais des situations équivalentes à celles régies par la convention collective de la branche de rattachement, ne méconnaît pas le droit au maintien des conventions légalement conclues.

En revanche, par une première réserve d'interprétation, le Conseil constitutionnel juge que ces mêmes dispositions ne sauraient, sans porter une atteinte excessive au droit au maintien des conventions légalement conclues, mettre fin de plein droit à l'application des stipulations de la convention collective de la branche rattachée qui régissent des situations spécifiques à cette branche.

S'agissant, enfin, des effets de la restructuration des branches sur la représentativité des partenaires sociaux, le Conseil constitutionnel relève que le fait de priver les organisations syndicales de salariés représentatives dans les anciennes branches de la possibilité de signer l'accord de remplacement ou une nouvelle convention de branche lorsqu'elles ont perdu leur représentativité dans la nouvelle branche ne méconnaît pas la liberté contractuelle et le droit au maintien des conventions légalement conclues. Il en va de même, en cas de perte de représentativité, de la faculté pour les organisations professionnelles d'employeurs de s'opposer à l'extension de l'accord de remplacement.

En revanche, dans le cas particulier où les organisations représentatives dans chacune des branches fusionnées ont, dans le délai de cinq ans, entamé la négociation de l'accord de remplacement avant la mesure de l'audience suivant la fusion, les dispositions contestées pourraient aboutir, si ces organisations ne satisfaisaient plus aux critères de représentativité à l'issue de la nouvelle mesure de l'audience, à les exclure de la négociation alors en cours. Par une seconde réserve d'interprétation, le Conseil juge, par conséquent, que ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître la liberté contractuelle, être interprétées comme privant les organisations d'employeurs et de salariés, en cas de perte de leur caractère représentatif à l'échelle de la nouvelle branche à l'issue de la mesure de l'audience suivant la fusion, de la possibilité de continuer à participer aux discussions relatives à l'accord de remplacement, à l'exclusion de la faculté de signer cet accord, de s'y opposer ou de s'opposer à son éventuelle extension (sur La restructuration des branches professionnelles, cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E7447E9P).

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