Réf. : Cass. civ. 1, 12 septembre 2019, n° 18-17.783, FS-P+B (N° Lexbase : A4798ZNZ)
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N0340BYA
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par Manon Rouanne
le 18 Septembre 2019
► Commet une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle, l’huissier mandaté, par les propriétaires de parcelles données à bail rural, pour délivrer, au preneur, des congés aux fins de reprise, qui, à la vue de la discordance entre les termes de son mandat et les pièces produites, n’a pas émis de doutes quant à l’exactitude des informations fournies par ses mandants et n’a pas eu son attention attirée sur un changement de preneur malgré des documents l’attestant, ayant pour conséquence l’erreur sur la qualité de preneur, emportant nullité de ces congés et, ainsi, la reconduction des baux visés ; l’argument selon lequel l'huissier de justice n'a pas disposé des éléments lui permettant de délivrer le congé à la personne ayant qualité de preneur étant, dès lors, sans influence sur la caractérisation du lien de causalité entre sa faute et le préjudice subi.
Telle est la solution dégagée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 12 septembre 2019 (Cass. civ. 1, 12 septembre 2019, n° 18-17.783, FS-P+B N° Lexbase : A4798ZNZ).
En l’espèce, des propriétaires de parcelles données à bail rural ont mandaté un huissier de justice pour mettre fin à ces contrats de bail. En exécution de ce contrat de mandat, ce dernier a alors délivré quatre congés aux fins de reprise à un groupement agricole d'exploitation en commun. Du fait d’une erreur de celui-ci quant aux personnes ayant la qualité de preneur des baux ruraux concernés, ces congés ont été, par jugement, déclarés nuls au motif de l’absence de leur délivrance à la personne ayant qualité de preneur au jour de la notification des actes. Le prononcé de la nullité des congés ayant eu pour conséquence la reconduction des baux pour une période de neuf ans, les propriétaires ont alors engagé, à l’encontre de l’huissier, une action en responsabilité contractuelle afin d’obtenir indemnisation du préjudice subi.
La cour d’appel (CA Nancy, 27 février 2018, n° 16/02816 N° Lexbase : A1248XHP) n’a fait que partiellement droit aux demandes des propriétaires en ne condamnant l’huissier de justice à ne payer aux mandants qu’une indemnité au titre de l’un des congés. Si les juges du fond ont caractérisé, en l’occurrence, une faute de l’huissier résultant de la délivrance des congés à une personne n’ayant pas la qualité de preneur au moment de la notification des actes emportant leur nullité, ils ont considéré, en revanche, que cette faute n’était pas susceptible d’engager la responsabilité de son auteur car n’étant pas en lien de causalité avec le préjudice dans la mesure où il n'était pas justifié que le changement de preneur avait été porté à la connaissance du mandataire.
Ne suivant pas l’argumentaire développé par les juges du fond, la Cour de cassation casse l’arrêt rendu par ces derniers.
La Haute cour affirme, en effet, que c’est à tort que la cour d’appel, pour écarter tout lien de causalité entre la faute de l’huissier et le préjudice subi par les propriétaires, a considéré que celui-ci ne disposait pas des éléments suffisants pour lui permettre de délivrer un congé régulier au véritable preneur, alors, qu’à la vue de la discordance entre les termes de son mandat et les pièces produites, il était tenu d’émettre un doute quant à l’exactitude des informations fournies par ses mandants et aurait dû avoir son attention attirée sur un changement de preneur eu égard aux documents faisant état de ce changement.
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