Le contrat de location-gérance conclu en violation des conditions exigées du loueur, qui n'ont pas pour finalité la protection des intérêts particuliers des parties, est atteint d'une nullité absolue et la déchéance du droit à renouvellement du bail, prévue par l'article L. 144-10 du Code de commerce (
N° Lexbase : L5725AIU), est encourue dès lors que le preneur consent un contrat de location-gérance atteint par la nullité prévue à l'alinéa 1er du même texte. Par conséquent, le bailleur des locaux dans lesquels sont exploités le fonds de commerce peut s'en prévaloir. Tel est l'enseignement d'un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 22 mars 2018 (Cass. civ. 3, 22 mars 2018, n° 17-15.830, F-P+B
N° Lexbase : A7894XHT).
En l'espèce, le locataire d'un local commercial a donné son fonds de commerce en location-gérance. La bailleresse des locaux commerciaux lui a délivré deux congés avec refus de renouvellement de bail commercial sans indemnité d'éviction en invoquant l'absence d'exploitation du fonds de commerce mis en gérance pendant deux années au moins. La locataire a assigné la bailleresse en contestation des congés.
La cour d'appel (CA Pau, 10 janvier 2017, n° 16/01761
N° Lexbase : A6051S4U) a jugé que les motifs des congés portant refus de renouvellement sans indemnité d'éviction ne sont pas justifiés et que le bailleur est tenu au paiement d'une indemnité d'éviction. Pour ce faire, l'arrêt retient que, si la locataire a donné le fonds de commerce en location-gérance sans l'avoir préalablement exploité pendant deux années au moins, contrevenant ainsi aux dispositions de l'article L. 144-3 du Code de commerce (
N° Lexbase : L3187DYP), cette faute, qui existe dans ses rapports contractuels avec le locataire-gérant, peut entraîner la nullité du contrat, mais ne constitue pas un motif grave et légitime privatif d'une indemnité d'éviction dès lors que la bailleresse ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle lui cause sur le fondement de l'article 1382 ancien (
N° Lexbase : L1488ABQ), devenu l'article 1240 (
N° Lexbase : L0950KZ9), du Code civil.
La Cour de cassation saisie d'un pourvoi, énonçant la solution précitée, censure l'arrêt d'appel au visa des articles L. 144-3 et L. 144-10 du Code de commerce.
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