L'acquisition des éléments incorporels de l'actif d'une société, comprenant un brevet et le résultat de travaux effectués dans la continuité de ce brevet par un salarié investi d'une mission inventive qu'elle avait employé, ne confère pas au cessionnaire la qualité d'ayant droit de l'employeur, en sorte que ce cessionnaire, qui a déposé un brevet à partir de ces éléments, n'est pas fondé à opposer au salarié que l'invention, dont celui-ci est l'auteur et revendique la propriété, est une invention de mission lui appartenant. Le droit à rémunération supplémentaire du salarié ne peut être invoqué qu'à l'encontre de l'employeur et prend naissance à la date de réalisation de l'invention brevetable. Telle est la solution dégagée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 31 janvier 2018 (Cass. com., 31 janvier 2018, n° 16-13.262, FS-P+B
N° Lexbase : A4760XCB).
En l'espèce, un salarié a été recruté par la société A titulaire d'un brevet français. Il a été licencié et a été embauché par la société B. Parallèlement à cette embauche, les éléments incorporels de l'actif de la liquidation judiciaire de la société A, comprenant le brevet dont la société B était devenue propriétaire, ont été cédés de gré à gré à sa
holding (la société C). Cette dernière a déposé un brevet français désignant le salarié comme coinventeur, qui a été publié le 16 juillet 2010. Prétendant que ce brevet reprenait les revendications issues des travaux, effectués avec ses propres moyens, de développement d'un procédé, contenues dans l'enveloppe Soleau qu'il avait déposée le 18 janvier 2008 à l'INPI, le salarié a assigné les société C et B pour obtenir le transfert à son profit de la propriété de ce brevet. Les sociétés C et B lui ayant opposé qu'il s'agissait d'une invention de mission réalisée pendant qu'il était salarié de la société A, aux droits de laquelle venait la première, tandis que la seconde venait elle-même aux droits de la société C, en qualité de cessionnaire dudit brevet, il a demandé, subsidiairement, le paiement de la rémunération supplémentaire due à ce titre.
La cour d'appel (CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 30 juin 2015, n° 13/10097
N° Lexbase : A1328NM7) a, d'une part, retenu que l'invention, objet du brevet litigieux, était une invention de mission, pour rejeter les demandes formées à titre principal par le salarié tendant au transfert de propriété de ce brevet. Elle a, d'autre part, fait droit à sa demande subsidiaire de paiement de la rémunération supplémentaire. Le salarié s'est pourvu en cassation et les sociétés B et C ont formé un pourvoi incident.
Enonçant la solution précitée, la Haute juridiction censure sur ces deux points l'arrêt d'appel (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0778ETY).
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