Le préjudice né de la perte du droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction est distinct de celui réparé par cette indemnité. Tel est l'enseignement d'un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 30 novembre 2017 (Cass. civ. 3, 30 novembre 2017, n° 16-17.686, FP-P+B
N° Lexbase : A4826W4I).
En l'espèce, par contrat du 24 mai 2000, avait été concédée à une société la jouissance, pour une durée indéterminée, d'un emplacement dans le centre commercial La Vallée Village. Le 4 mars 2011, son contractant lui avait notifié un congé. Après annulation d'une sentence arbitrale du 10 août 2012, complétée le 24 septembre 2012, un arrêt irrévocable du 14 janvier 2014 avait requalifié le contrat liant les parties en bail commercial, annulé le congé et, au constat de l'impossibilité de réintégrer le locataire dans les lieux, ordonné une expertise sur le montant de l'indemnité d'éviction. Après le dépôt du rapport de l'expert, le locataire a sollicité sa réintégration dans les lieux et l'annulation de l'expertise et la désignation d'un autre expert, en contestant le montant de l'indemnisation proposé par l'expert. Pour rejeter la demande du locataire en réparation de la perte de son droit au maintien dans les lieux, l'arrêt d'appel, objet du pourvoi, avait retenu que l'indemnisation de la perte du droit au maintien dans les lieux avait déjà été prise en compte par la fixation d'une indemnité d'éviction qui indemnise le préjudice subi par le défaut de renouvellement du bail. La Cour de cassation censure cette solution en précisant que le préjudice né de la perte du droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction est distinct de celui réparé par cette indemnité. Les juges du fond avaient, par ailleurs, rejeté la demande de réintégration du locataire en raison de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 14 janvier 2014. Ils sont approuvés sur ce point par la Cour de cassation. Sa demande d'annulation du rapport avait également été rejetée par l'arrêt objet du pourvoi. La Cour de cassation approuve aussi les juges du fond sur cet aspect en raison de l'absence de manquement de l'expert judiciaire au principe d'impartialité. Au moment de la désignation de cet expert judiciaire, le précédent avocat du centre commercial, trésorier d'une fondation dont l'expert est le président, n'était en effet plus l'avocat de ce centre commercial depuis près d'un an. La Cour de cassation approuve enfin les juges du fond de n'avoir pas retenu la violation du principe du contradictoire, peu important l'absence de dépôt d'un pré-rapport (cf. l’Ouvrage "baux commerciaux"
N° Lexbase : E5182AEN).
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