La lettre juridique n°412 du 14 octobre 2010 : Fiscalité des entreprises

[Chronique] Chronique de droit fiscal des entreprises - Octobre 2010

Lecture: 21 min

N2735BQD

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Chronique] Chronique de droit fiscal des entreprises - Octobre 2010. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3351729-chronique-chronique-de-droit-fiscal-des-entreprises-octobre-2010
Copier

par Frédéric Dal Vecchio, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

le 04 Janvier 2011


Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en droit fiscal des entreprises réalisée par Frédéric Dal Vecchio, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Cette chronique revient sur les conséquences d'une option irrégulière pour le régime de l'article 151 octies du CGI (N° Lexbase : L2463HNK) applicable lors de l'apport d'une entreprise individuelle à une société (CE 9° et 10° s-s-r., 30 juillet 2010, n° 317425, publié au recueil Lebon). Puis, le Conseil d'Etat apporte des précisions relatives à l'évaluation des cessions de titres obligataires convertibles en actions (CE 9° et 10° s-s-r., 1er juillet 2010, n° 304673, mentionné dans les tables du recueil Lebon). Enfin, la fiscalité applicable aux dépenses de mise aux normes de sécurité continue d'alimenter le rôle des juridictions administratives (CAA Paris, 7ème ch., 18 juin 2010, n° 08PA04849, mentionné dans les tables du recueil Lebon).


  • Apport en société d'une entreprise individuelle et opposabilité d'une option exercée irrégulièrement : session de rattrapage au profit de l'administration fiscale (CE 9° et 10° s-s-r., 30 juillet 2010, n° 317425, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9292E7B)

Cette décision publiée au recueil Lebon offre des circonstances particulièrement originales et constitue une importante décision qui concerne l'hypothèse d'une option irrégulière pour la mise en société d'une entreprise individuelle.

Rappelons que ce régime (CGI art. 151 octies ; art. 38 de la loi n° 2005-1720, 30 décembre 2005 N° Lexbase : L6430HEU ; loi n° 2009-1673, 30 décembre 2009, de finances pour 2010 N° Lexbase : L1816IGD (1)) permet principalement de se prévaloir :

- d'un sursis pour les stocks ;

- d'un étalement de l'imposition, au nom de la société bénéficiaire de l'apport, pour les plus-values sur immobilisations amortissables (cf. régime des fusions : CGI, art. 210 A N° Lexbase : L3936HLD) ;

- d'un report d'imposition pour les plus-values sur immobilisations non amortissables constatées lors de la mise en société de l'entreprise individuelle ;

- d'une exonération de droits d'enregistrement si l'apporteur s'engage, notamment, à conserver les titres rémunérant l'apport pendant trois ans (CGI, art. 809 I bis, N° Lexbase : L3484IAB).

Martingale du contentieux fiscal entre l'administration et les contribuables, parfois même entre les rédacteurs d'actes et leurs clients (Cass. civ. 1, 18 décembre 2001, n° 98-20.246, N° Lexbase : A7099AX9 ; M. Cozian, Manuel du parfait gaffeur : comment rater fiscalement la mise en société de son entreprise ?, JCP éd. E, 2005, p. 1458), les faits de l'espèce rapportent qu'en 1998, un contribuable a fait l'apport de son entreprise individuelle de vente et de réparation de motocyclettes et accessoires à une société en responsabilité limitée dont il a reçu 932 parts sociales en rémunération. La plus-value d'un montant de 92 819 euros n'a pas été imposée au titre des revenus de 1998 du fait de l'option pour le régime de l'article 151 octies du CGI. Puis, en 2000, le contribuable a cédé les titres en question à un tiers, ce qui a mis fin au report d'imposition.

Souhaitant faire échec aux prétentions du service, le contribuable a alors exposé une thèse originale en soutenant que la déclaration souscrite au titre de l'année 1998 ne comportait pas l'ensemble des éléments exigés par les dispositions de l'article 151 octies et 41 0 A bis de l'annexe III au CGI (N° Lexbase : L6931HLB) (2) imposant la production d'un état de suivi des plus-values dont l'imposition est reportée (3) à peine de déchéance immédiate du régime optionnel quant aux plus-values reportées. Par conséquent, l'administration aurait dû lui refuser le bénéfice des dispositions de l'article 151 octies du CGI et imposer la plus-value déclarée au titre de l'année 1998 lors du dépôt des déclarations en 1999. Le contribuable entendait ainsi opposer la prescription puisque la notification de redressements lui avait été adressée en janvier 2003.

Cette thèse, qui n'aura pas les faveurs des juges du fond (CAA Lyon, 5ème ch., 24 avril 2008, n° 05LY01902 N° Lexbase : A3135D9Y), sera écartée par le Conseil d'Etat par un considérant de principe selon lequel : "l'administration fiscale est en droit d'opposer au contribuable les conséquences du régime fiscal pour lequel il a opté, sans que ce contribuable puisse utilement se prévaloir, ultérieurement, de ce qu'il ne remplissait pas les conditions auxquelles le bénéfice de ce régime est subordonné, ce qui aurait permis à l'administration de le remettre en cause dès les premiers effets de l'option". Ainsi, le service n'était pas tenu de remettre en cause le bénéfice du report d'imposition, dès le dépôt de la déclaration d'impôt sur le revenu, et l'administration fiscale pouvait opposer un des événements entraînant l'expiration du report d'imposition ; au cas particulier la cession, le 20 mars 2000, des titres reçus en contrepartie de l'apport.

Pourtant, les textes applicables aux faits de l'espèce permettaient d'abonder dans le sens des écritures du contribuable : les dispositions de l'article 151 octies étaient dénuées d'équivoque puisqu'il était mentionné que "le défaut de production de l'état mentionné [...] entraîne l'imposition immédiate des plus-values reportées". On aurait pu en déduire qu'il s'agissait d'une formalité substantielle (CE 3° et 8° s-s-r., 16 mars 2009, n° 304749, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0951EEX).

Selon la sensibilité des fiscalistes, plusieurs conclusions s'infèrent de cette décision.

Certains concluront en louant le pragmatisme du juge de l'impôt administratif qui souligne la primauté de la volonté déclarée du contribuable à bénéficier d'une fiscalité dérogatoire sur la souscription de formalités devenues, de facto, secondaires alors même que l'état de suivi des plus-values en report d'imposition, qui n'a pas été joint par le contribuable, était une condition de fond exigée par la loi fiscale.

D'autres estimeront, en revanche, qu'il est ainsi permis ainsi à une administration, qui n'a pas exercé un contrôle du dossier du contribuable en temps utiles, de lever malgré tout l'impôt en rattachant, en l'espèce, le fait générateur de l'imposition à la cession ultérieure des titres reçus en rémunération de l'apport. Cette session de rattrapage revient à suppléer les carences des services chargés du contrôle fiscal et, d'une certaine manière, à tourner les règles de la prescription car l'impôt qui aurait dû être recouvré à la suite de l'exercice irrégulier de l'option, mais avant l'expiration du délai de reprise, sera in fine mis à la charge du contribuable lors de la cession des titres ou de tout autre événement mentionné par l'article 151 octies du CGI quelle qu'en soit la date effective.

  • Obligations convertibles en actions cédées à un tiers : contrôle du juge de l'impôt quant à leur évaluation (CE 9° et 10° s-s-r., 1er juillet 2010, n° 304673, mentionné dans les tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6006E3T)

Cette décision confirme des principes sur le plan procédural (A) et illustre le contrôle effectif du juge de l'impôt sur l'évaluation de titres de sociétés lors de leur cession (B).

A - Sur le plan procédural

La société Financière du Val prétendait pouvoir opposer les dispositions de l'article L. 52 du LPF (N° Lexbase : L3957AL7) aux termes desquelles : "Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois". Cette garantie ne concerne que "Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes" n'excède pas 763 000 euros (4) s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou de 230 000 euros s'il s'agit d'autres entreprises proposant des prestations de services ou exerçant une activité non commerciale (5). En revanche, en cas de graves irrégularités privant la comptabilité de valeur probante, la durée de vérification sur place ne pourra excéder six mois (LDFR pour 2007, n° 2007-1824, art. 14 N° Lexbase : L5490H3Q) (6).

La conséquence tirée par l'administration fiscale dans sa doctrine (D. adm. 13 L-1314, 1er juillet 2002, § 12), en cas de violation de cette garantie légale, est la nullité absolue et inconditionnelle de la procédure même en cas d'accord tacite ou express du contribuable quant à la durée de la vérification sur place (7).

Mais que recouvre la notion de chiffre d'affaires à laquelle la loi fiscale se réfère ? En 1997, une réponse ministérielle indiquait que cette garantie ne concernait pas les entreprises dont l'objet était civil et dont l'activité se bornait à la gestion non commerciale de leur patrimoine immobilier (8).

Le Conseil d'Etat (CE 9° et 10° s-s-r., 21 décembre 2007, trois arrêts, n° 281068 N° Lexbase : A1471D3U, n° 281123 N° Lexbase : A1472D3W et n° 281124 N° Lexbase : A1473D3X) a confirmé les analyses des juridictions d'appel (CAA Paris, 2ème ch., 11 mars 2005, trois arrêts, n° 01PA01660 N° Lexbase : A4445DIH, n° 01PA01650 N° Lexbase : A4442DID et n° 01PA01649 N° Lexbase : A4441DIC) (9) en ce sens.

Au cas particulier, c'est sans surprise, compte tenu de la jurisprudence précitée, que le Haut Conseil rejette le moyen de la société dont l'activité financièr (10) ne relevait pas de la garantie instituée par les dispositions de l'article L. 52 du LPF (11). En revanche, à notre connaissance, c'est la première fois que le Conseil d'Etat était saisi de la question relative à la compatibilité de l'article L. 52 du LPF avec les stipulations des articles 8 (N° Lexbase : L4798AQR) et 14 (N° Lexbase : L4747AQU) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article 1er du premier protocole additionnel, application rejetée au cas d'espèce.

Il était également soutenu que l'absence d'appel interjeté par le ministre d'un précédent jugement rendu par un tribunal administratif sur des faits similaires devait être considéré comme une prise de position formelle, au sens des dispositions de l'article L. 80 B du LPF (N° Lexbase : L9343IER), au regard du prix de cession de 3 000 francs (environ 450 euros) arrêté par la société requérante en faveur d'un cessionnaire. Bien qu'il censure les juges d'appel pour n'avoir pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant (12), le Conseil d'Etat écarte in fine cet argument, ce qui est conforme à sa jurisprudence "Société du casino municipal d'Aix-Thermal" (13).

B - Sur le fond

La question résolue par la décision "Société Financière du Val" a trait à l'évaluation de la valeur vénale d'obligations convertibles en actions. Cette société holding a cédé en 1991, à une société appartenant au même groupe familial, 2 460 actions. Puis, elle a procédé au même jour au rachat, sur le marché hors cote de la bourse de Nantes, des titres précédemment vendus. Cette opération a fait apparaître une moins-value et, à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 mars 1991, 1992 et 1993, l'administration a considéré que les opérations d'achat et de revente constituait un acte anormal de gestion compte tenu du niveau anormalement bas du prix fixé à 3 400 francs (518 euros) par action alors que le service, qui avait retenu dans un premier temps un prix unitaire de 11 619 francs (1 771 euros), l'a finalement réduit à 7 512 francs (1 145 euros). Bénéficiant d'une décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés prononcée par les premiers juges, la société Financière du Val s'est, toutefois, pourvue en cassation après annulation du jugement par la Cour administrative d'appel de Nantes (CAA Nantes, 1ère ch., 5 février 2007, n° 04NT00207 N° Lexbase : A3645DWW). Réglant l'affaire au fond, le Conseil d'Etat dit pour droit que : "la valeur vénale d'actions non cotées en bourse sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue". Or, l'instruction du dossier a permis de mettre en évidence que si l'administration avait fait droit à la demande de la contribuable tendant à évaluer la valeur des actions cédées sur la base de la valeur liquidative ressortant du dernier bilan clos précédant la cession du 15 février 1991, le vérificateur avait toutefois refusé de tenir compte de la probabilité de conversion, estimée par la contribuable à 70 %, de 10 000 obligations convertibles en actions, émises en 1987 pour une durée de quinze ans, inscrites au passif du bilan. La Haute juridiction administrative admet que, si l'acquéreur des titres litigieux peut voir sa participation diluée du fait de l'exercice de la conversion des obligations en actions nouvelles, le prix unitaire à retenir doit tenir compte des circonstances concrètes de la transaction faisant l'objet de l'évaluation contestée. Or pour valider les redressements notifiés à la société Financière du Val et écarter tout risque de décote, le Conseil d'Etat va retenir un fait déterminant : les mêmes personnes avaient la maîtrise "de l'ensemble des éléments susceptibles d'affecter la valeur des titre cédés" et les "obligations convertibles étaient détenues par les acteurs de la cession". De sorte que la probabilité de conversion des obligations en actions et de dilution du capital étaient en réalité nulle. Si, par principe, le juge de l'impôt -qu'il soit judiciaire ou administratif- apprécie la valeur vénale des titres de sociétés non cotées sur un marché réglementé "en tenant compte de tous les éléments permettant d'obtenir un chiffre aussi proche que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande" (concl. L. Olléon, sous les décisions : CE 3° et 8° s-s-r., 3 juillet 2009, deux arrêts, n° 301299 N° Lexbase : A5618EIW, n° 306363 N° Lexbase : A5623EI4, BDCF, 2009, n° 129), le juge de l'impôt procède à un examen minutieux de la transaction : c'est ainsi que dans l'affaire n° 301299, le Conseil d'Etat a refusé l'application d'un abattement de 33 % pour non-liquidité appliqué par l'administration fiscale, ni même une décote de minorité de 20 %, dès lors que, dans le cadre du plan d'actionnariat proposé aux dirigeants de la société, il avait été pris un engagement permanent à l'égard du contribuable de lui racheter les actions en litige à une valeur de marché fixée à dire d'expert ; de sorte que cet engagement de rachat garantissait une liquidité permanente.

  • Traitement fiscal des dépenses correspondant à des travaux de mise aux normes de sécurité (CAA Paris, 7ème ch., 18 juin 2010, n° 08PA04849, mentionné dans les tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3249E44)

Quel sort fiscal réserver aux dépenses correspondant à des travaux de mise aux normes de sécurité ?

Depuis 2005, le droit comptable prévoit l'immobilisation des "dépenses d'acquisition, de production d'immobilisations et d'améliorations engagées pour des raisons de sécurité ou liées à l'environnement" (PCG, art. 321-10 (14), règlement n° 2004-06 du Comité de réglementation comptable du 23 novembre 2004, art. 5-2 N° Lexbase : X7716ACR). Dans ses commentaires (BOI 4 A-13-05 N° Lexbase : X5228ADY (15)), l'administration fiscale fait remarquer que le droit comptable rejoint son analyse formulée en 1997 (16), mais l'on notera, cependant, une évolution dès lors que l'immobilisation des dépenses de mise en conformité -obligatoire sous l'empire de la doctrine de 1997- dépend, désormais, de trois conditions cumulées dont celle relative à "leur non-réalisation [entraînant] l'arrêt immédiat ou différé de l'activité ou de l'installation de l'entreprise" (17). A contrario, la réalisation des travaux n'entraînant pas l'arrêt immédiat ou différé de l'activité ou de l'installation de l'entreprise devrait être considérée comme une charge déductible du résultat (18).

Les faits de l'espèce sont antérieurs à 2005 et la question de la déductibilité du résultat imposable des travaux de mise en conformité aux normes de sécurité est régulièrement soumise au contrôle du juge de l'impôt, juge de la légalité objective, avec les inévitables difficultés liées à la qualification juridique des faits soumis à la censure du juge du fond (v. par exemple : CAA Douai, 3ème ch., 5 mars 2009, n° 07DA00315 N° Lexbase : A5661EEE ; CAA Douai, 3ème ch., 25 juin 2008, n° 07DA00479 N° Lexbase : A8387D9I ; CAA Marseille, 3ème ch., 13 mars 2008, n° 04MA01863 N° Lexbase : A1149D9G ; CAA Bordeaux, 4ème ch., 23 décembre 2004, n° 01BX00045 N° Lexbase : A2219GBS).

A la suite d'une vérification de comptabilité menée à l'encontre d'une filiale intégrée de la société K., cette dernière a relevé appel d'une décision rejetant sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1994, 1995 et 1996. En effet, la société filiale avait inscrit au bilan des exercices en litige des provisions ayant trait au coût des travaux de mise en conformité aux normes de sécurité et de protection des salariés de son parc de machines-outils. Ces travaux étaient légalement imposés à la société (décret n° 93-40 du 11 janvier 1993 N° Lexbase : L8433AI8 ; Directive 89/655 du 30 novembre 1989 N° Lexbase : L9936AUK).

La cour administrative d'appel de Paris, après avoir visé l'article 39 du CGI (N° Lexbase : L3894IAH), rappelle un classique de la littérature fiscale puisque ne sont pas qualifiées de charges déductibles les dépenses qui entraînent normalement une augmentation de la valeur pour laquelle un élément immobilisé figure à son bilan (CE Contentieux, 2 mars 1990, n° 67828 N° Lexbase : A4972AQ9) ou encore les dépenses qui ont pour effet de prolonger d'une manière notable la durée probable d'utilisation d'un élément de l'actif immobilisé (CE Contentieux, 9 juillet 1980, n° 17194 N° Lexbase : A7395AIQ) qui ne peuvent faire l'objet que d'un amortissement. On peut également ajouter les dépenses qui ont pour résultat l'entrée d'un nouvel élément dans l'actif immobilisé d'une entreprise (CE 8° et 9° s-s-r., 5 octobre 1977, n° 99687 N° Lexbase : A3804B7Z). Le Conseil d'Etat a déjà statué dans le même sens pour des faits comparables à ceux jugés par la juridiction parisienne (CE 9° s-s., 7 mai 2009, n° 312058 N° Lexbase : A7727EGB).

Le juge d'appel dit également pour droit : "qu'une entreprise peut valablement inscrire en charges d'un exercice déterminé ou porter en provision et déduire des bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes qui ne seront supportées que postérieurement à la condition notamment, si les frais généraux ou la provision tendent à permettre de réaliser certains travaux d'entretien ou de réparation, que ces travaux n'aient d'autre objet que de maintenir un élément de l'actif en état tel que son utilisation puisse être poursuivie jusqu'à la fin de la période correspondant à sa durée de vie objective appréciée lors de son acquisition".

Dans cet arrêt, la cour administrative d'appel censure l'administration pour erreur de droit dès lors que le service a estimé que la société ne pouvait valablement provisionner les travaux de mise aux normes de sécurité et de protection des salariés "au seul motif que, par nature, [ces] travaux [...], compte tenu de leur caractère obligatoire, autorisant le fonctionnement des machines dans des conditions réglementaires, prolongent nécessairement leur durée probable d'utilisation". De même, l'administration ne sera pas suivie par le juge de l'impôt lorsqu'elle affirme "en termes très généraux", sans l'établir, qu'eu égard notamment à leur ampleur, les travaux en cause auraient eu pour effet de prolonger de manière notable la durée normale d'utilisation des équipements ou qu'ils auraient eu pour conséquence un accroissement de leur valeur vénale.

Le contrôle in concreto du juge de l'impôt interdit par conséquent à l'administration toute défense "impressionniste".


(1) CGI, art. 151-0 octies : "Les reports d'imposition mentionnés aux articles 151 octies à 151 nonies sont maintenus en cas de report ou de sursis d'imposition des plus-values constatées à l'occasion d'événements censés y mettre fin, jusqu'à ce que ces dernières deviennent imposables, qu'elles soient imposées ou exonérées, ou que surviennent d'autres événements y mettant fin à l'occasion desquels les plus-values constatées ne bénéficient pas d'un report ou d'un sursis d'imposition". Ainsi, selon la rédaction Francis Lefebvre (Mémento Fiscal, 2010, § 19755) : "le report d'imposition de l'article 151 octies du CGI sera maintenu si les titres reçus en rémunération de l'apport en société font l'objet d'un nouvel apport en société placé sous le régime du report d'imposition de l'article 151 nonies IV bis du CGI (N° Lexbase : L1201IE9)".
(2) "I L'état dont la production est prévue au quatrième alinéa du II de l'article 151 octies du code général des impôts mentionne les éléments suivants : a) Le nom de l'apporteur, son adresse au moment de la production de l'état et l'adresse du siège de la direction de l'entreprise à laquelle étaient affectés les éléments d'actif apportés ou du lieu de son principal établissement ; b) Au moment de la production de l'état, la forme, la dénomination sociale, le numéro SIRET, l'adresse du principal établissement ou du siège de la direction de la société bénéficiaire de l'apport et, si elle est différente, l'adresse de son siège social ; c) La date de l'apport ; d) Le nombre de titres reçus en rémunération de l'apport et leur valeur à cette date correspondant à la valeur des apports ; e) Pour chaque élément non amortissable apporté, l'état mentionne les renseignements visés aux a, b et e du 1° du I de l'article 38 quindecies ainsi que le montant de la plus ou moins-value réalisée lors de l'apport et son régime fiscal à cette date ; f) En cas de cession de tout ou partie des éléments non amortissables apportés, la nature du ou des biens cédés et la date de la cession par la société bénéficiaire de l'apport ; g) En cas de cession à titre onéreux, de rachat ou d'annulation de tout ou partie des droits sociaux reçus en rémunération de l'apport, la nature et la date de l'opération ainsi que le nombre de titres concernés ; h) En cas de transmission à titre gratuit, les nom et adresse du ou des bénéficiaires ; i) En cas de transformation de la société bénéficiaire de l'apport, la date de l'opération, la forme nouvelle adoptée par la société. II Les dispositions du I s'appliquent au bénéficiaire de la transmission mentionné au premier alinéa du a du I de l'article 151 octies du code général des impôts qui prend l'engagement visé à ce même a".
(3) "L'apporteur doit joindre à la déclaration prévue à l'article 170 au titre de l'année en cours à la date de l'apport et des années suivantes un état conforme au modèle fourni par l'administration faisant apparaître les renseignements nécessaires au suivi des plus-values dont l'imposition est reportée conformément au premier alinéa du a du I. Un décret précise le contenu de cet état".
(4) Limites prévues à l'article 302 septies A du CGI (N° Lexbase : L2540HNE) instituant le régime simplifié d'imposition.
(5) S'agissant des contribuables se livrant à une activité agricole, le montant annuel des recettes brutes ne doit pas excéder la limite prévue au b du II de l'article 69 du CGI (N° Lexbase : L3060HNN), soit 350 000 euros.
(6) Cette garantie n'est, par ailleurs, pas opposable par le contribuable si l'administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale. Enfin, lorsqu'il s'agit de répondre aux observations du contribuable ou d'instruire les réclamations formulées par ce dernier, le délai de trois mois n'est évidemment pas invocable par le contribuable.
(7) La jurisprudence abonde dans le même sens tant en ce qui concerne le juge administratif (CE Contentieux, 6 avril 2001, n° 205365 N° Lexbase : A4649AYT) que judiciaire (Cass. com., 31 janvier 2006, n° 02-18.309, FS-P+B+R, N° Lexbase : A6432DM8).
(8) Rép. min. Lux, JOAN 21 avril 1997, p. 2081, n° 46380 : "L'article L. 52 du Livre des procédures fiscales limite à trois mois la durée d'intervention sur place des vérifications de comptabilité des entreprises industrielles et commerciales ou des contribuables se livrant à une activité non commerciale ou agricole lorsqu'ils relèvent d'un régime d'imposition forfaitaire ou simplifié. Le législateur a entendu alléger les contraintes inhérentes au contrôle fiscal susceptibles de peser sur la gestion des petites et moyennes entreprises qui exercent une activité économique effective. Les entreprises dont l'objet social est civil et dont l'activité se borne à la gestion non commerciale de leur patrimoine immobilier sont exclues du dispositif".
(9) Est exclue du champ d'application de l'article L. 52 du LPF l'entreprise qui exerce une activité civile de location immobilière de locaux nus même sous la forme d'une société à responsabilité limitée et quand bien même elle relèverait de l'IS. La circonstance que tout ou partie de parts d'une société civile immobilière serait détenue par une personne morale relevant de l'impôt sur les sociétés -dont on rappelle que la quote-part de bénéfices lui revenant est alors soumise au régime de l'article 238 bis K du CGI (N° Lexbase : L4886HLK)- est indifférente. Il en est de même lorsque les revenus de la SCI semi-transparente sont imposés dans les mains des associés au titre des revenus fonciers (CE 3° et 8° s-s-r., 9 juillet 2003, n° 230168 N° Lexbase : A1937C9M).
(10) La nature de l'activité l'emporte sur la forme juridique de la société mais cette solution ne peut être étendue à l'ensemble de la réglementation fiscale en vigueur : d'autres dispositions du CGI font, en revanche, prévaloir la forme de la société sur son activité (v. en matière de crédit d'impôt recherche l'interprétation des dispositions de l'article 244 quater B du CGI (N° Lexbase : L0137IKB) dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce par le Conseil d'Etat : CE 3° et 80 s-s-r., 7 juillet 2006, n° 270899 N° Lexbase : A3542DQA : "Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société C. exerce à titre principal une activité de formation professionnelle et de conseil en organisation industrielle ; que le tribunal administratif de Paris a confirmé son exclusion du bénéfice des articles susvisés du code général des impôts au motif que son activité ne présente pas un caractère industriel et commercial ; que, toutefois, comme il a été dit ci-dessus, il ne résulte ni des dispositions précitées du code général des impôts, ni de leurs travaux préparatoires, qu'elles excluent de leur bénéfice une société commerciale soumise à l'impôt sur les sociétés, comme c'est le cas en l'espèce, du seul fait que l'activité de ses salariés n'a pas un caractère industriel et commercial ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce motif pour rejeter la requête").
(11) V. : CAA Douai, 2ème ch., 28 juin 2005, n° 02DA00809 (N° Lexbase : A2371DKZ) ; TA Lille, 4ème ch., 6 juin 2002, n° 99-3752, RJF, 2002, n° 1276. La notion de chiffre d'affaires devait être entendue au sens des dispositions de la loi du 30 avril 1983 et du décret du 29 novembre 1983 (décret n° 83-1020, 29 novembre 1983 N° Lexbase : L1189AIU). Selon ces textes, le chiffre d'affaires ne comprend que les ventes de marchandises et de production de biens et services à l'exclusion des produits financiers.
(12) "Un moyen inopérant est un moyen qui serait intrinsèquement recevable mais qui même s'il était fondé, serait sans aucune influence possible sur la solution du litige dans lequel il a été soulevé" : R. Odent, Contentieux administratif, tome 1, Dalloz, 2007, p. 954.
(13) CE 2 juin 1976 n° 89361 : "Considérant que ne peuvent être regardées comme des interprétations, formellement admises par l'administration, d'un texte fiscal, ni, en tout état de cause, une instruction administrative portant réglementation des jeux dans les casinos publiée en 1951 dés lors que la taxe sur les prestations de services n'a été instituée que par l'article 1er de la loi du 10 avril 1954, ni le fait, pour l'administration, de ne pas avoir relevé appel d'un jugement de première instance qui avait donné satisfaction au contribuable" ; Dr. fisc., 1976, comm. 1554.
(14) "1- Le coût d'acquisition d'une immobilisation corporelle est constitué de : son prix d'achat, y compris les droits de douane et taxes non récupérables, après déduction des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement ; de tous les coûts directement attribuables engagés pour mettre l'actif en place et en état de fonctionner selon l'utilisation prévue par la direction. [...] 2- Les immobilisations corporelles acquises pour des raisons de sécurité ou liées à l'environnement, bien que n'augmentant pas directement les avantages économiques futurs se rattachant à un actif existant donné, sont comptabilisées à l'actif si elles sont nécessaires pour que l'entité puisse obtenir les avantages économiques futurs de ses autres actifs -ou le potentiel des services attendus pour les entités qui appliquent le règlement n° 99-01 ou relèvent du secteur public. Ces actifs ainsi comptabilisés appliquent les règles de dépréciation prévues à l'art. 322-5".
(15) "40. Le 2 de l'article 321-10 du PCG prévoit que, bien que n'augmentant pas directement les avantages économiques futurs se rattachant à un actif existant donné, les dépenses d'acquisition, de production d'immobilisations et d'améliorations engagées pour des raisons de sécurité ou liées à l'environnement doivent être inscrites à l'actif du bilan. En effet, ces dépenses revêtent un caractère nécessaire pour que l'entreprise puisse obtenir les avantages économiques futurs attachés aux immobilisations liées. Les dépenses de mise en conformité concernées doivent répondre de manière cumulative aux trois conditions suivantes, dégagées dans l'avis du Comité d'urgence du CNC n° 2005-D du 1er juin 2005 : - être engagées pour des raisons de sécurité des personnes ou environnementales ; - être imposées par des obligations d'ordre légal ou réglementaire ; - et leur non-réalisation doit entraîner l'arrêt immédiat ou différé de l'activité ou de l'installation de l'entreprise".
(16) "Sur le plan fiscal, il est de règle que les dépenses qui ont pour résultat l'entrée d'un nouvel élément dans l'actif (cf. section 1) ou qui entraînent normalement une augmentation de la valeur pour laquelle un élément figure au bilan (section 2) ou bien qui ont pour effet de prolonger d'une manière notable sa durée probable d'utilisation (section 3) ne constituent pas des charges immédiatement déductibles mais ouvrent droit à amortissement (cf. 4 D). Tel est le cas des dépenses de mise aux normes qui doivent être amorties sur la durée probable d'utilisation des équipements de sécurité" : Doc. adm. 4 C 214 § 2, 30 octobre 1997.
(17) Instruction précitée, § 40.
(18) "A condition, bien sûr, que conformément à la jurisprudence rendue antérieurement aux nouvelles règles comptables, [les dépenses] n'aient pour effet ni d'augmenter la valeur vénale du bien, ni d'en prolonger la durée d'utilisation", EFL, BIC, IX, § 14530.

newsid:402735

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.