Dans cette affaire, les requérants ont été mis en examen, en mai 1998, notamment pour prise illégale d'intérêts et complicité de ce délit. Il était reproché au premier, alors président du conseil général de l'Oise, d'avoir reçu des avantages indirects de la part d'une société, dirigée par le second, qui s'était vue attribuer le marché de communication du conseil général. Renvoyés en jugement devant le tribunal correctionnel de Beauvais, ils furent condamnés le 26 octobre 2000 respectivement à six mois et quatre mois d'emprisonnement avec sursis, au paiement d'amendes délictuelles de 200 000 francs chacun (environ 30 500 euros), ainsi qu'à la privation de leurs droits civiques pendant deux ans. Toutefois, le 29 novembre 2001, la cour d'appel d'Amiens les relaxa et, sur pourvoi du ministère public, le 27 novembre 2002, la Cour de cassation cassa et annula l'arrêt d'appel et renvoya l'affaire devant la cour d'appel de Paris (Cass. crim., 27 novembre 2002, n° 02-81.581
N° Lexbase : A4428A4R). Et, le 14 avril 2005, la cour d'appel de Paris conclut à la culpabilité des requérants. Le 30 novembre 2005, la Cour de cassation rejeta les pourvois des requérants contre cet arrêt, après s'être assurée que la cour d'appel avait caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit poursuivi (Cass. crim., 30 novembre 2005, n° 05-82.773
N° Lexbase : A4385E3S). Invoquant l'article 6 § 1 de la CESDH (
N° Lexbase : L7558AIR), les requérants soutenaient que la formation de la Cour de cassation ayant confirmé leur condamnation n'était pas impartiale, du fait que sept juges sur neuf avaient déjà statué une première fois dans l'affaire. Selon eux, la Cour de cassation devrait être composée autrement lorsqu'elle examine un pourvoi formé contre un arrêt rendu après une première cassation. La CEDH, dans son arrêt du 24 juin 2010 (CEDH, 24 juin 2010, Req. 22349/06
N° Lexbase : A2725E3C) note, tout d'abord, que sept des neuf juges ayant siégé au sein de la chambre de la Cour de cassation qui a statué sur le pourvoi contre l'arrêt de condamnation avaient auparavant siégé au sein de la chambre qui s'était prononcée sur le pourvoi contre l'arrêt de relaxe. Elle estime que cela était de nature à susciter des doutes quant à l'impartialité de la Cour. Ensuite, elle relève que, consécutivement au premier pourvoi, la Cour de cassation s'est prononcée au regard des éléments factuels sur la réalité de l'infraction reprochée, en caractérisant à la fois l'élément matériel et moral du délit. A la suite du deuxième pourvoi, la Cour de cassation a été amenée, une nouvelle fois, à vérifier l'appréciation par la cour d'appel de renvoi des éléments constitutifs de l'infraction. Dans ces conditions, il existait en effet des raisons objectives de craindre que la Cour de cassation avait fait preuve d'un parti pris ou de préjugés quant à la décision qu'elle devait rendre lors du second pourvoi. La Cour en conclut, par quatre voix contre trois, que l'article 6 § 1 a été violé.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable