La responsabilité de l'huissier de justice ne s'apprécie qu'au regard du but poursuivi par les parties et de leurs exigences particulières. Telle est la solution dégagée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 25 mars 2010 publié sur son site (Cass. civ. 1, 25 mars 2010, n° 09-12.294, F-P+B+I
N° Lexbase : A1345EUD). En l'espèce, par un acte établi par un huissier de justice, des personnes physiques ont consenti un bail commercial pour l'exploitation d'une teinturerie à des époux qui ont simultanément fondé une société. A la suite de la liquidation judiciaire de la société, l'huissier de justice a cherché à obtenir le recouvrement de la créance de loyers de ses mandants auprès des époux, lesquels ont alors engagé une action pour obtenir l'annulation du bail, en l'absence de mention précisant qu'ils agissaient pour le compte de leur société en formation, le remboursement des loyers, dont ils s'étaient acquittés personnellement, et la condamnation de l'huissier de justice à leur payer des dommages-intérêts. La cour d'appel de Douai, par un arrêt du 18 décembre 2008, a débouté les époux de leur demande. Elle a énoncé que "
le devoir de conseil auquel est tenu le rédacteur d'actes s'apprécie au regard du but poursuivi par les parties et de leurs exigences particulières lorsque, dans ce dernier cas, le praticien du droit en a été informé", et "
que si le professionnel doit veiller, dans ses activités de conseil et de rédaction d'actes, à réunir les justificatifs nécessaires à son intervention, il n'est, en revanche, pas tenu de vérifier les déclarations d'ordre factuel faites par les parties en l'absence d'éléments de nature à éveiller ses soupçons quant à la véracité des renseignements donnés". Or, ici, la cour d'appel relève que les époux n'avaient aucunement appelé l'attention de l'huissier de justice sur le fait que les signataires du bail avaient entendu agir, non en leur nom personnel, mais pour le compte d'une société en formation destinée à reprendre leurs engagements. Elle en déduit l'absence de faute de l'huissier. La Haute juridiction confirme l'arrêt d'appel.
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