La condamnation des auteurs à l'origine de la publication par voie de presse d'un article accusant nommément un fonctionnaire des impôts de graves irrégularités n'est pas contraire à la liberté d'expression. Tel est le sens de l'arrêt rendu par la CEDH le 18 février 2010 (CEDH, 18 février 2010, Req. 42396/04, Taffin et contribuables associés c/ France
N° Lexbase : A1170ES7). En l'espèce, un animateur d'émissions de télévisions avait fait l'objet de contrôles fiscaux. Celui-ci avait déclaré lors d'un entretien dans une publication trimestrielle éditée par une association, que l'inspectrice des impôts en charge du contrôle fiscal, nommément désignée, avait "
commis des faux", avait décidé "
d'avoir [sa]
peau à n'importe quel prix", et avait "
commis, non seulement des erreurs, mais des graves irrégularités". L'inspectrice a saisi la justice afin que l'animateur, la directrice de la publication et l'association soient déclarés civilement responsables du délit de diffamation publique envers un fonctionnaire. La directrice fit appel de la décision et se pourvut en cassation (Cass. crim., 25 mai 2004, n° 03-86.641, F-D
N° Lexbase : A1173ESA, invoquant, sans succès, l'atteinte à la liberté d'expression sur le fondement de l'article 10 de la CESDH (
N° Lexbase : L4743AQQ). La CEDH rappelle qu'une restriction de la liberté d'expression n'est admise que si elle est prévue par la loi, vise un (ou plusieurs des) but(s) légitime(s), et est nécessaire dans une société démocratique pour les atteindre. Elle constate qu'en l'espèce, la restriction est prévue par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (
N° Lexbase : L7589AIW), et qu'elle vise la protection de la réputation ou des droits d'autrui. En outre, elle réaffirme que l'exercice de la liberté d'expression comporte des devoirs et responsabilités valant aussi pour les médias. Ces devoirs et responsabilités sont particulièrement importants s'il existe un risque de porter atteinte à la réputation d'une personne nommément citée et de nuire aux droits d'autrui. Les médias doivent, ainsi, vérifier le degré de crédibilité des déclarations factuelles diffamatoires à l'encontre de particuliers. Or, la Cour constate que la requérante a échoué à démontrer, devant les juridictions internes, aussi bien la vérité de ces allégations que sa bonne foi. En outre, elle souligne que les fonctionnaires doivent, pour s'acquitter de leurs fonctions, bénéficier de la confiance du public sans être indûment perturbés, et qu'il peut, dès lors, s'avérer nécessaire de les protéger particulièrement contre des attaques verbales offensantes lorsqu'ils sont en service. La Cour déclare enfin que la condamnation de la requérante et la peine qui lui a été infligée n'étaient pas disproportionnées au but légitime poursuivi, et que les motifs invoqués par les juridictions internes pour justifier ces mesures étaient pertinents et suffisants. En conséquence, les autorités nationales pouvaient raisonnablement tenir nécessaire l'ingérence dans l'exercice, par la requérante, de son droit à la liberté d'expression, afin de protéger la réputation et les droits d'autrui. Elle en conclut l'absence de violation de l'article 10 de la CESDH.
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