Le seul fait de placer en rétention administrative un étranger en situation irrégulière accompagné de son enfant mineur ne constitue pas, en soi, un traitement inhumain ou dégradant interdit par la CESDH. Telle est la solution de deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 10 décembre 2009 (Cass. civ. 1, 10 décembre 2009, n° 08-14.141, Préfet de l'Ariège
N° Lexbase : A4182EPL et n° 08-21.101, Préfet d'Ille-et-Vilaine
N° Lexbase : A4183EPM). Dans les deux affaires, à la suite du placement en rétention administrative de personnes étrangères ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, les préfets ont demandé à des juges des libertés et de la détention de prolonger ces mesures de rétention, puis ont formé un recours contre les décisions qui les en ont déboutés. Pour confirmer les décisions de ces juges, les magistrats délégués des premiers présidents des cours d'appel ont retenu que les personnes retenues étant accompagnées d'enfants en bas âge, leur maintien dans un centre de rétention, même disposant d'un espace aménagé pour les familles, constituait un traitement inhumain au sens de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et libertés fondamentales (
N° Lexbase : L4764AQI). Ils invoquaient, d'une part, des conditions de vie anormales imposées aux enfants après avoir été gardé à vue avec leurs parents, et, d'autre part, la grande souffrance morale et psychique infligée à ceux-ci par cet enfermement, souffrance manifestement disproportionnée avec le but poursuivi de les reconduire à la frontière. La Haute juridiction considère, à l'inverse, que ces magistrats se sont prononcés par des motifs impropres à caractériser, dans l'espèce dont ils étaient saisis, un traitement inhumain ou dégradant. L'obligation faite aux juges de veiller au respect par les autorités nationales des dispositions de la CESDH ne peut donc les conduire à refuser d'appliquer une loi pour des motifs abstraits d'ordre général. Ils ne peuvent, ainsi, écarter l'application d'une disposition légale qu'après avoir recherché la façon concrète dont elle est mise en oeuvre. Il revient donc aux juges des libertés et de la détention saisis d'une demande de prolongation de la rétention administrative de personnes étrangères en situation irrégulière accompagnées de leurs enfants mineurs de vérifier les conditions dans lesquelles ces dernières sont effectivement retenues, afin de s'assurer de façon concrète que cette rétention ne constitue pas un traitement inhumain ou dégradant prohibé à l'article 3 de la CESDH.
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