La lettre juridique n°333 du 15 janvier 2009 : Collectivités territoriales

[Textes] L'adoption de la loi relative à la législation funéraire, une étape nécessaire dans un processus encore inachevé

Réf. : Loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008, relative à la législation funéraire (N° Lexbase : L3148ICL)

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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

le 07 Octobre 2010

La loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008, relative à la législation funéraire, a été publiée au Journal officiel du 20 décembre 2008. Ceci marque l'aboutissement d'un processus démarré le 22 juin 2006, avec l'adoption en première lecture à l'unanimité par le Sénat, et par l'Assemblée nationale, le 20 novembre 2008, de la proposition de loi relative à la législation funéraire, dite proposition Sueur. L'adoption en deuxième lecture de ce texte par la Haute Assemblée, le 10 décembre 2008, vient donc parachever ce cheminement législatif, qui vient apporter de nombreuses modifications concernant la crémation, les cendres, ou les pouvoirs du maire en matière de construction funéraires. Longtemps gouverné par le droit canonique, le droit des funérailles a largement évolué depuis la fin du XIXème siècle, notamment avec la loi du 15 novembre 1887, sur la liberté des funérailles (modifiée par la loi n° 96-142 du 21 février 1996, relative à la partie législative du Code général des collectivités territoriales N° Lexbase : L5292ICY), qui offre à tout individu la liberté de choisir la forme et les rites de son inhumation. En outre, la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993, modifiant le titre VI du livre III du Code des communes et relative à la législation dans le domaine funéraire (N° Lexbase : L9730A9A), a mis fin au monopole communal en matière d'organisation des obsèques, même si le service extérieur des pompes funèbres est demeuré une mission de service public, et que les communes ont conservé leur compétence exclusive en matière de création et d'extension des cimetières. La loi n° 2008-1350 marque une nouvelle étape dans cette évolution en fixant trois objectifs : améliorer les conditions d'exercice de la profession d'opérateur funéraire et simplifier les démarches des familles endeuillées (I), fixer le statut et prévoir la destination des cendres des personnes décédées ayant choisi la crémation (II), et faire évoluer la conception et la gestion des cimetières (III).

I - Dispositions relatives aux nouvelles conditions d'exercice des opérateurs funéraires et à la protection des familles endeuillées

A- L'amélioration des conditions d'exercice de la profession d'opérateur funéraire

Le monopole communal des pompes funèbres a été supprimé par la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993 précitée. Désormais, le service public communal des pompes funèbres, qui est un service public industriel et commercial, est assuré par les régies, entreprises et associations habilitées par le préfet. Ce service public comprend les diverses prestations nécessaires aux funérailles et, notamment, la fourniture de personnel et des objets et prestations nécessaires aux crémations (CGCT, art. L. 2223-19 N° Lexbase : L7918HBU). En raison de la disparition du monopole, les personnes qui pourvoient aux funérailles peuvent fournir, elles-mêmes, les services et objets funéraires, tels que l'urne. (1).

Toutefois, les activités funéraires restent une mission de service public, qui doit se dérouler dans le cadre d'une réglementation visant à assurer : le bon ordre, l'hygiène et la salubrité publique ; la protection des familles des défunts dans leurs relations avec les opérateurs funéraires ; et la neutralité du service public, notamment en matière religieuse, les opérateurs ne devant effectuer aucune discrimination entre les usagers en raison de leur orientation religieuse. Même si la profession d'opérateur funéraire a été modernisée, les conditions de délivrance de l'habilitation demeurent insatisfaisantes. C'est pourquoi le présent texte subordonne l'exercice de la mission de service extérieur des pompes funèbres à une habilitation délivrée par le préfet (CGCT, art. L. 2223-24 N° Lexbase : L9556DNA). Ce dernier devra, notamment, s'assurer "de conditions minimales de capacité professionnelle du dirigeant et des agents".

En outre, la loi exige des opérateurs funéraires des garanties plus strictes de professionnalisme, en créant un diplôme national pour chacun des métiers relevant du domaine funéraire, cette innovation n'entrant, toutefois, en vigueur, que le premier jour de la cinquième année suivant la publication de la présente loi.

B - La simplification des démarches des familles endeuillées

Les familles endeuillées, souvent vulnérables, doivent, cependant, choisir l'opérateur et le type de prestations dans un délai très court alors qu'elles ne sont, souvent, pas en mesure de comparer les devis des différents opérateurs. En outre, l'on doit constater que la transparence des prix pratiqués par les opérateurs funéraires s'avère actuellement insuffisante. Désormais, le maire pourra donc consulter les devis des entreprises qui devront répondre à des normes fixées par arrêté du ministre chargé des Collectivités territoriales, (CGCT, art. L. 2223-21-1 N° Lexbase : L3376ICZ). Ceci devrait permettre de faciliter la comparaison entre les prix et les prestations offertes par les différents opérateurs funéraires.

L'article L. 2223-33 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L8794AAX) se voit modifié, afin de préciser que la durée au cours de laquelle tout démarchage commercial en matière funéraire est interdit auprès des familles endeuillées est de deux mois à compter du décès. Rappelons que l'interdiction de démarchage commercial couvre, non seulement les prestations funéraires relevant du service extérieur des pompes funèbres, mais, également, toutes prestations connexes, telles que la marbrerie funéraire. Cette précision devrait permettre de clarifier le dispositif, en garantissant une plus grande sécurité juridique aux professionnels du funéraire, alors que la Chambre criminelle de la Cour de cassation avait auparavant indiqué que l'article L. 2223-33 précité ne fixait aucune limite dans le temps à l'interdiction de démarchage, dans un arrêt rendu le 27 juin 2006 (Cass. crim., 27 juin 2006, n° 05-85.627, F-P+F N° Lexbase : A3846DQI).

Les conditions de surveillance des opérations funéraires, destinées en particulier à éviter la substitution de corps, se voient rénovées à travers la réduction du nombre des opérations funéraires devant être effectuées sous la surveillance de personnes habilitées, à savoir par les fonctionnaires de police, sous la surveillance du chef de circonscription, pour les communes dotées d'un régime de police d'Etat, ou par un garde champêtre ou un agent de police municipale délégué par le maire, sous la responsabilité de ce dernier, dans les autres communes. Dorénavant, seules seront soumises à une surveillance obligatoire les opérations de fermeture du cercueil, d'exhumation, de réinhumation et de translation de corps. Auparavant, devaient, également, faire l'objet d'une surveillance, les soins de conservation ou le moulage du corps.

Conséquence logique, les vacations, dont le montant est fixé par le maire après avis du conseil municipal dans une fourchette comprise entre 20 et 25 euros, ne sont maintenues que pour les opérations d'exhumation, de réinhumation et de translation de corps précitées. Cet allègement des contrôles opérés en la matière devrait contribuer à faciliter les démarches des familles puisqu'un grand nombre d'opérations se déroulaient sans la surveillance requise, bien que les vacations leur soient facturées (2).

II- La création d'un statut pour les cendres funéraires

Le développement de la crémation a fait apparaître les lacunes de la législation en matière de cendres et, plus largement, de statut du corps après la mort. L'absence d'encadrement de la destination des cendres a permis une véritable "privatisation" des cendres, de nombreuses familles conservant l'urne à leur domicile. C'est pourquoi la loi n° 2008-1350 donne un statut aux cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation, et prévoit leur destination. Son article 11 énonce donc que "les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence" (C. civ., art 16-1 N° Lexbase : L1688AB7). Précisons que la référence aux "restes des personnes décédées" vise à éviter tout risque de remise en cause de l'interruption volontaire de grossesse ou des dons d'organe. Parallèlement, le respect dû au corps s'impose "y compris après la mort" (C. civ., art 16-2 N° Lexbase : L3441ICG), les cendres ne pouvant donc plus être au centre d'activités commerciales.

Récemment restreinte par le décret n° 2007-328 du 12 mars 2007, relatif à la protection des cendres funéraires (N° Lexbase : L6601HUZ), qui a essayé de mettre fin au vide juridique sur la destination des cendres et tenté de concilier l'impératif de respect de la dignité des cendres humaines avec la liberté de choix pour l'organisation de ses funérailles, la destination des cendres est maintenant régie par l'article L. 2223-18-2 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L3489IC9), qui prévoit que les cendres seront, suivant la volonté du défunt, soit conservées dans une urne cinéraire, soit dispersées dans un espace aménagé à cet effet d'un cimetière ou d'un site cinéraire, soit dispersées en pleine nature, sauf sur les voies publiques. En outre, la loi énonce que les familles disposent, désormais, d'un délai de réflexion d'un an quant à la destination des cendres. Pendant cette période, l'urne cinéraire est conservée au crématorium. Passé ce délai, et "en l'absence de décision de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, les cendres sont dispersées dans l'espace aménagé à cet effet du cimetière de la commune du lieu du décès ou dans l'espace le plus proche aménagé à cet effet" (CGCT, art. L. 2223-18-1 N° Lexbase : L3472ICL).

Signalons, également, que les informations relatives à la destination des cendres du défunt seront conservées à la mairie de la commune de naissance, comme l'état civil, et non à la mairie du lieu de décès. Enfin, la loi prévoit l'obligation, pour les communes de 2 000 habitants et plus, et les établissements publics de coopération intercommunale de 2 000 habitants et plus compétents en matière de cimetières, d'y créer un site cinéraire destiné à l'accueil des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation. Ceci ne représente, cependant, qu'une charge financière modérée pour la plupart des communes, car les sites cinéraires ne comprennent pas nécessairement de constructions comme les columbariums. En outre, le coût pourrait être mutualisé au niveau intercommunal.

III- L'adaptation nécessaire de la conception et de la gestion des cimetières

L'ordonnance n° 2005-855 du 28 juillet 2005, relative aux opérations funéraires (N° Lexbase : L8517HB3) a permis aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale de déléguer la création et la gestion de sites cinéraires situés hors des cimetières. Or, faisant partie du domaine public de la commune, les cimetières doivent être gérés directement par la commune ou par un établissement public de coopération intercommunale, cette gestion étant une mission de service public ne pouvant faire l'objet d'une délégation de service public. La possibilité de déléguer la gestion d'un site cinéraire, par dérogation aux principes régissant les cimetières, a, toutefois, fait l'objet de larges critiques, notamment de la part de l'Association des maires de France (AMF), les communes restant très hostiles à une privatisation de la gestion des lieux de sépulture. Retour de balancier nécessaire diront certains, le présent texte confie au maire le pouvoir de fixer les dimensions maximales des monuments érigés sur les fosses. Celui-ci pourra, en outre, "prescrire la réparation ou la démolition des monuments funéraires lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale" (CCH., art. L. 511-4-1 N° Lexbase : L3421ICP).

Les pouvoirs du maire en matière de concessions funéraires ont, également, été rappelés par le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 25 juin 2008 (CE 4° et 5° s-s-r., 25 juin 2008, n° 297914, Mlle Schiocchet N° Lexbase : A3531D9N). La Haute juridiction administrative valide ici la décision implicite d'un maire rejetant la demande des requérants d'obtenir une concession perpétuelle d'une superficie de 36 m² dans le cimetière de la commune, au regard, d'une part, de l'importance de cette surface par rapport à la superficie susceptible d'accueillir de nouvelles sépultures et, d'autre part, de la dimension de la famille, compte tenu notamment de leur absence de descendance, par rapport aux besoins des autres personnes susceptibles de demander une concession.

Dorénavant, les communes se voient imposer l'inhumation de certaines personnes lorsque celles-ci en ont exprimé la volonté. Le problème des français de l'étranger est, également, envisagé, puisque la loi édicte que la sépulture dans le cimetière communal est due "aux Français établis hors de France n'ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits sur la liste électorale de celle-ci" (CGCT, art. L. 2223-3 N° Lexbase : L3462IC9). La loi reconnaît, enfin, à toute personne qui le souhaite à ce que ses restes ne donnent jamais lieu à crémation, l'ossuaire devenant donc obligatoire dans les communes.

Ce texte était donc rendu nécessaire, du fait que les pratiques funéraires ont connu de profondes mutations au cours des dernières années avec un développement important de la crémation, qui concerne désormais près du quart, et sans doute bientôt environ la moitié des décès. Toutefois, certains aspects importants de la législation funéraire demeurent perfectibles. L'on peut citer, par exemple, le développement des contrats en prévision d'obsèques ou encore la question de la création de carrés confessionnels. La création de cimetières ou de carrés distincts par confession est plus favorable au respect des coutumes religieuses, mais est, toutefois, illégale compte tenu de l'interdiction des distinctions religieuses. Comme il est, par ailleurs, interdit de créer des cimetières privés confessionnels, se pose la compatibilité de la législation française avec l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4799AQS), au terme duquel "toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion : ce droit implique [...] la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites". De nouvelles interventions du législateur en ce domaine sont donc encore à attendre.


(1) Marie-Thérèse Viel, Le contrôle des cendres funéraires au mépris des libertés, Lexbase Hebdo-édition publique n° 14 du 17 Janvier 2007 (N° Lexbase : N7754A93).
(2) Philippe Gosselin, Rapport n° 51 du 30 janvier 2008 sur la proposition de loi relative à la législation funéraire adoptée par le Sénat.

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