La lettre juridique n°333 du 15 janvier 2009 : Éditorial

Législation funéraire : une loi pour le respect, la dignité et la décence

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 27 Mars 2014


"La mort ne vous concerne ni mort ni vif : vif parce que vous êtes ; mort parce que vous n'êtes plus", à en croire Montaigne. Pourtant, comme le souligne si justement le rapport n° 664 de M. Philippe Gosselin, député, fait au nom de la commission des lois, déposé le 30 janvier 2008, "malgré le déni dont elle peut faire l'objet dans nos sociétés contemporaines, la mort cristallise aussi bien les émotions humaines que les relations sociales et les croyances philosophiques et religieuses. [Et] les normes juridiques sont dès lors indissociables des représentations et des valeurs qui imprègnent une société, ce qui explique l'assertion selon laquelle une société se juge à la manière dont elle traite ses morts".

La loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008, sur laquelle revient, cette semaine, notre édition publique, constitue une avancée majeure témoignant de la considération de la société, par l'intermédiaire de la représentation nationale, envers ses morts. Traduction législative des recommandations, approuvées par la commission le 31 mai 2006, de la mission d'information sur le bilan et les perspectives de la législation funéraire confiée à MM. Jean-Pierre Sueur et Jean-René Lecerf au mois d'octobre 2005, rarement une loi n'aura réuni un tel consensus, dès lors qu'il s'est agi d'améliorer les conditions d'exercice de la profession d'opérateur funéraire, de sécuriser et de simplifier les démarches des familles, de conférer un statut aux cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation, et de faire évoluer la conception et la gestion des cimetières.

Certes, "la philosophie antique nous apprenait à accepter notre mort. La philosophie moderne, la mort des autres" (Michel Foucault). Mais, qu'on se le dise, assurer "le repos des morts" n'est pas de toute tranquillité ! Le service extérieur des pompes funèbres a été ouvert à la concurrence par la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993 ayant pris acte de l'apparition d'opérateurs privés, quelquefois délégataires des communes, et ayant instauré une concurrence réglementée dans l'intérêt des familles. Ce "secteur" occupe 3 000 entreprises, emploie 17 000 personnes et réalise un chiffre d'affaires d'environ 1,5 milliards d'euros. Il convient, également, de prendre en compte les prestations complémentaires telles les plaques funéraires, les travaux d'imprimerie, les fleurs et surtout la marbrerie funéraire. Malgré l'ouverture à la concurrence, le "secteur" comprend encore de nombreuses régies communales en activité, qui sont soumises aux mêmes exigences que les entreprises. Quinze ans après la loi du 8 janvier 1993, une loi se devait de faire le bilan de cette législation funéraire, principalement afin d'accompagner l'essor de la crémation et de clarifier le statut des cendres.

En effet, la loi du 15 novembre 1887, en accordant à chacun le droit de décider des conditions de ses funérailles, oblige de facto l'administration communale à organiser et anticiper, dans le cadre de sa mission de service public, au mieux les conditions du service funéraire. Le taux de crémation en France (27 % -35 % dans les plus grandes agglomérations comme Paris ou Lyon, tandis qu'elle reste plus faible en zone rurale-) reste inférieur à celui constaté dans de nombreux pays européens, notamment du nord et du centre de l'Europe. Il devrait, cependant, progresser en raison de la vision plus favorable de la crémation dans les jeunes générations pour atteindre 50 %. C'est donc le défi de l'augmentation des besoins en crématoriums et de la création de sites cinéraires plus nombreux qui se pose à la loi nouvelle.

Par ailleurs, si le décret n° 2007-328 du 12 mars 2007, relatif à la protection des cendres funéraires, a essayé de mettre fin au vide juridique sur la destination des cendres et tenté de concilier l'impératif de respect de la dignité des cendres humaines avec la liberté de choix pour l'organisation de ses funérailles, force est de constater qu'il ne leur confère pas de statut particulier comparable à celui de la dépouille mortelle. L'assimilation des cendres à la dépouille mortelle permet, en outre, d'apporter des garanties éthiques face à l'essor de la crémation. C'est pourquoi, la loi nouvelle dispose explicitement de l'obligation de traiter les restes mortels avec respect, dignité et décence ; de l'interdiction du partage des cendres ; du respect des volontés du défunt en matière de crémation ; et de l'interdiction de conserver les cendres dans un lieu privé.

On notera, enfin, que la loi du 19 décembre 2008 ne fait pas l'impasse sur la transparence des tarifs et de la libre concurrence des opérateurs funéraires, ainsi que sur la protection contre des pratiques commerciales abusives.

Demeurent, toutefois, plusieurs questions épineuses auxquelles la loi n'a pas entendu répondre clairement : celle du traitement de la mort périnatale et celle de la création de carrés confessionnels ; deux questions qui touchent aux terrains sensible de la bioéthique, pour la première, et de la laïcité pour la seconde.

"La Mort ne surprend point le sage ;
Il est toujours prêt à partir,
S'étant su lui-même avertir
Du temps où l'on se doit résoudre à ce passage
".

Jean de La Fontaine,
extrait de la fable La mort et le mourant

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