La lettre juridique n°401 du 1 juillet 2010 : QPC

[Jurisprudence] Le Conseil constitutionnel et les victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles

Réf. : Cons. const., décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, Epoux Lloret (N° Lexbase : A9572EZK)

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N4393BPE

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

le 07 Octobre 2010

Applicable depuis le 1er mars 2010, la nouvelle procédure permettant à tout justiciable de faire transmettre par la juridiction de cassation une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, lorsqu'une loi porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, a conduit le Conseil à statuer sur la constitutionnalité du livre IV du Code de la Sécurité sociale et du régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles dans une décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010. La question visait à faire censurer la mise à l'écart du principe de réparation intégrale en raison d'une prétendue contrariété avec le principe d'égalité devant les charges publiques et le principe de responsabilité, découlant du principe de liberté (I). Comme on pouvait s'y attendre, le dispositif est validé dans son ensemble, réserve faite, toutefois, de l'affirmation discrète de la nécessité de réparer intégralement les préjudices subis par les victimes de fautes inexcusables (II).
Résumé

Le Conseil constitutionnel, statuant dans le cadre de la nouvelle procédure de la question prioritaire de constitutionnalité, valide le régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, ne concédant qu'une simple réserve d'interprétation pour garantir le droit à réparation intégrale des victimes d'actes fautifs.

I - La mise en cause de la constitutionnalité du régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles

  • Intérêt de la décision

Cette première décision en date du 18 juin 2010 rendue par le Conseil constitutionnel dans le cadre de la nouvelle procédure de question prioritaire de constitutionnalité était attendue non seulement parce qu'elle portait sur le coeur du régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, mais également parce qu'elle permet de comprendre, et donc d'anticiper, sur la politique de contrôle des normes que le Conseil souhaite mettre en oeuvre et dont on devine qu'elle déterminera la portée effective de la réforme intervenue avec la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 (1).

  • Objet de la QPC

La question transmise par la Cour de cassation (2) portait sur la constitutionnalité des dispositions du Livre IV du Code de la Sécurité sociale organisant l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles. Selon les demandeurs, en effet, "les dispositions des articles L. 451-1 (N° Lexbase : L4467ADS), L. 452-1 (N° Lexbase : L6257IGTà L. 452-5 du Code de la Sécurité sociale, qui font obstacle à ce que la victime d'un accident du travail obtienne de son employeur, déclaré pénalement responsable par la juridiction correctionnelle, la réparation de chefs de préjudice ne figurant pas dans l'énumération prévue par l'article L. 452-3 (N° Lexbase : L5302ADQ) du même code, sont contraires au principe constitutionnel d'égalité devant la loi et les charges publiques énoncé aux articles 1er (N° Lexbase : L1365A9G), 6 (N° Lexbase : L1370A9M) et 13 (N° Lexbase : L1360A9A) de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789, ainsi qu'au principe selon lequel tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, découlant de l'article 4 (N° Lexbase : L1368A9K) de ladite Déclaration".

C'est bien la clef de voûte du dispositif mis en place par la loi du 9 avril 1898 qui était ici directement remise en cause au regard de deux principes cardinaux, le principe d'égalité devant les charges publiques, qui fonde le droit à réparation des victimes, et le principe de liberté dont découle le principe de responsabilité (3).

  • Analyse des dispositions contestées

Le régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles repose, à l'heure actuelle, toujours sur les termes de l'équilibre inventé à la fin du dix-neuvième siècle pour faire aboutir un régime révolutionnaire (pour l'époque) de responsabilité de plein droit des employeurs en contrepartie du renoncement au principe de réparation intégrale des dommages, pourtant fortement ancrée en droit de la responsabilité civile. Pour protéger les termes de ce grand "deal" (4) et s'assurer que les victimes ne contournent pas le régime d'indemnisation forfaitaire en réclamant l'application droit commun de la responsabilité civile, la loi du 9 avril 1898 avait clairement interdit aux victimes relevant du régime spécial "de se prévaloir d'aucunes autres dispositions que celles de la" loi (art. 2).

En dépit de la mutation du système par la loi n° 46-2426 du 30 octobre 1946 et du transfert de cette charge indemnitaire des épaules des assureurs vers celles de la Sécurité sociale, les termes de la transaction sont maintenus et le principe de l'interdiction d'invoquer le droit commun contre l'employeur et les autres salariés de l'entreprise demeure à l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité sociale, leur conférant ainsi une véritable immunité civile dans le cadre des accidents du travail et des maladies professionnelles, immunité qui sera, d'ailleurs, élargie pour les salariés à partir de 2000, par la Cour de cassation, à tous les dommages ne résultant pas d'une faute extérieure à l'exécution du contrat de travail (5).

Certes, les possibilités de revenir au droit commun, et donc au principe de réparation intégrale, se sont depuis multipliées au travers des exceptions permettant au salarié soit d'obtenir un complément d'indemnisation auprès de la Sécurité sociale, en cas de faute inexcusable, soit d'invoquer à titre dérogatoire le droit commun en cas de faute intentionnelle, d'intervention d'un tiers dans l'accident ou la maladie ou de recours contre l'assureur automobile de l'employeur lorsque l'accident du travail peut-être qualifié également d'accident de la circulation, sous certaines réserves (6).

Mais, en dépit de ces exceptions et des efforts déployés depuis quelques années par la jurisprudence pour en élargir la portée, notamment au travers d'une redéfinition plus extensive de la faute inexcusable de l'employeur (7), ce régime a été accusé d'être discriminatoire à l'égard des victimes de dommages d'origine professionnelle légalement privées de la réparation intégrale de leurs préjudices, là où la plupart des autres victimes bénéficient de cette réparation intégrale, soit dans le cadre du droit commun de la responsabilité civile, soit par le biais d'autres régimes d'indemnisation le leur garantissant (8).

  • Termes de la QPC

Il n'est donc pas surprenant que l'une des toutes premières QPC porte précisément sur la conformité de ce régime "aux droits et libertés que la Constitution garantit" et singulièrement aux principes d'égalité et de responsabilité.

L'argumentation développée était particulièrement intéressante dans la mesure où elle devait conduire le Conseil à préciser une jurisprudence déjà bien étoffée, mais dans une configuration doublement inédite (le régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles et la nouvelle procédure de la QPC) et dans un contexte marqué par le déficit endémique de la Sécurité sociale (9).

II - La conformité sous réserve du régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles

  • Analyse de la décision de conformité

Compte tenu de la jurisprudence même du Conseil et des enjeux, on ne sera pas surpris par la décision rendue qui, à l'exception d'une réserve mineure, valide le dispositif au prix d'une décision fortement motivée. Pour parvenir à ce résultat, le Conseil constitutionnel procède, comme à son habitude, en deux étapes et commence par restituer la décision dans le cadre méthodologique propre au contrôle de constitutionnalité, avant de vérifier la conformité du texte déféré.

Pour ce qui est des rappels méthodologiques, le Conseil commence par indiquer que ce dispositif met en jeu différents objectifs de nature constitutionnelle que le Parlement doit concilier, et que le rôle du Conseil n'est pas de substituer aux assemblées dans l'appréciation de l'opportunité de ces conciliations, le législateur, qui tire son pouvoir de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L0860AHC), pouvant, à tout moment, "adopter [...] des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel" (cons. 8).

Ce rappel de la nature même du contrôle de constitutionnalité ne surprendra, bien entendu, pas les initiés, mais il démontre clairement, nous semble-t-il, la volonté du Conseil de rappeler aux justiciables, peu habitués à ce langage, que le Conseil constitutionnel ne doit pas être pris pour une "juridiction d'appel" du Parlement et que son rôle consiste seulement à s'ériger en censeur des excès législatifs et des erreurs grossières d'appréciation. Il s'agit ici, bien entendu, de donner un signal fort aux justiciables destiné à éviter la prolifération des QPC et de faire en sorte que l'ensemble des acteurs de la nouvelle procédure ne soit submergé de questions.

Le Conseil rappelle, également, son approche classique du contrôle des atteintes au principe d'égalité qui sont valables dès lors qu'elles reposent sur "des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit" (cons. 9). De manière comparable, les atteintes au principe de responsabilité, qui découle de l'article 4 de la DDHC, n'interdit pas que "le législateur aménage, pour un motif d'intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée [et] qu'il peut ainsi, pour un tel motif, apporter à ce principe des exclusions ou des limitations à condition qu'il n'en résulte pas une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d'actes fautifs ainsi qu'au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789".

  • Indemnisation des victimes et principe d'égalité

La jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière d'égalité laisse au Parlement une assez large marge d'appréciation. Selon la formule devenue de style, "le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit" (10), "la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement" (11). Comme on pouvait s'y attendre, notamment, après la dernière décision intervenue en 2009 en matière de repos dominical, dès lors que les personnes dont on compare le traitement semblent, a priori, dans une situation différente, le Conseil reconnaît au Parlement le droit de les traiter différemment (12). Il était, par conséquent, prévisible que le Conseil se fonderait sur "la situation particulière du salarié dans le cadre de son activité professionnelle" pour valider "la dérogation au droit commun de la responsabilité pour faute, résultant des règles relatives aux prestations et indemnités versées par la Sécurité sociale" (cons. 15).

  • La conciliation du principe de responsabilité et du droit à un recours juridictionnel effectif

On remarquera ici que le Conseil fait évoluer sa formulation traditionnelle pour intégrer expressément la nécessité de concilier les limites qui peuvent être apportées au principe de responsabilité et la volonté de préserver les droits des victimes avec le droit à un recours juridictionnel effectif (13). L'idée n'est pas nouvelle et figurait déjà dans la décision fondatrice de 1982 (14) et avait été reprise ultérieurement (15), mais c'est la première fois que le Conseil oppose ainsi les deux droits dans une même formule (16).

On remarquera, d'ailleurs, que le Conseil a également intégré ces deux exigences dans une autre décision QPC rendue le 11 juin 2010, s'agissant de la conformité à la Constitution de l'article 1er de la loi "Kouchner" du 4 mars 2002 (loi n° 2002-303, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé N° Lexbase : L1457AXA) (17). Les requérants y contestaient, en effet, les restrictions apportées aux droits des enfants nés avec un handicap non décelé pendant la grossesse, ainsi qu'à leurs parents, de pouvoir agir contre les responsables pour obtenir réparation de leur entier préjudice. Or, le Conseil a validé le dispositif, exception faite, toutefois, du régime transitoire, qui prétendait en faire une application immédiate aux actions en cours, et considéré que "le législateur n'a fait qu'exercer la compétence que lui reconnaît la Constitution sans porter atteinte au principe de responsabilité ou au droit à un recours juridictionnel" (cons. 7), réalisant une interprétation convergente avec celle retenue par la CEDH des dispositions de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 (N° Lexbase : L1625AZ9) à la Convention protégeant le droit de propriété (18).

L'évolution du cadre d'analyse se justifie ici pleinement par l'objet même du régime soumis au contrôle du conseil puisque l'interdiction d'invoquer le droit commun, posée par l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité sociale, empêche également la saisine du juge de droit commun pour obtenir réparation et contraint la victime à se contenter du juge de la sécurité sociale pour contester le montant des indemnités qui lui sont versées (19).

  • Précisions sur les fondements constitutionnels du régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles

La décision apporte également un éclairage nouveau sur les fondements constitutionnels du régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles qui met en oeuvre le droit à la santé du onzième alinéa du Préambule de 1946 (N° Lexbase : L6821BH4), ainsi que le "droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence" (20).

Selon le Conseil, "pour concilier le droit des victimes d'actes fautifs d'obtenir la réparation de leur préjudice avec la mise en oeuvre des exigences résultant du onzième alinéa du Préambule de 1946, il était loisible au législateur d'instaurer par les articles L. 431-1 et suivants du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L3062ICE) un régime spécifique de réparation se substituant partiellement à la responsabilité de l'employeur" (cons. 14). Par ailleurs, "l'exclusion de certains préjudices et l'impossibilité, pour la victime ou ses ayants droit, d'agir contre l'employeur, n'instituent pas des restrictions disproportionnées par rapport aux objectifs d'intérêt général poursuivis", "le plafonnement de cette indemnité destinée à compenser la perte de salaire résultant de l'incapacité n'institue pas une restriction disproportionnée aux droits des victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle" (cons. 17) et sont compensées par les avantages du régime pour les salariés, "qui garantissent l'automaticité, la rapidité et la sécurité de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles" (cons. 16).

  • Une porte entr'ouverte à l'admission d'un principe constitutionnel de réparation intégrale des victimes d'actes fautifs

Mais si l'ensemble du régime est validé, le Conseil émet une réserve qui pourrait bien avoir des conséquences concrètes importantes.

Contrairement à ce qui est parfois affirmé, la faute inexcusable de l'employeur n'a pas juridiquement pour effet de réintroduire le droit commun de la responsabilité civile dans les rapports avec l'employeur, contrairement à la faute intentionnelle, mais simplement de tendre vers la réparation intégrale des préjudices dans le cadre toutefois défini par l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale. Or, ce texte comporte une liste limitative de chefs de préjudices indemnisables qui, si elle semble couvrir la plupart des composantes du préjudice, ne les évoque pas tous. De manière totalement inédite, le Conseil constitutionnel impose, par le biais d'une réserve d'interprétation, au Tribunal des affaires de Sécurité sociale, d'assurer la réparation intégrale des préjudices subis par la victime d'une faute inexcusable et ce, au nom du "droit des victimes d'actes fautifs", de "demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du Code de la Sécurité sociale" (cons. 18).

Le moins que l'on puisse dire est que cette réserve est doublement intéressante.

Elle assure, au-delà de la lettre de l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale, l'effectivité du principe de réparation intégrale. L'avancée est majeure car ce principe, reconnu et protégé par le juge judiciaire mais non par le Conseil constitutionnel (21), n'est en réalité pas expressément garanti par le livre IV du Code de la Sécurité sociale.

  • Une appréciation réservée.... de la réserve d'interprétation

Si cette réserve doit être favorablement accueillie dans la mesure où elle améliore la situation des victimes de fautes inexcusables, on ne peut que s'interroger sur sa justification. Alors que l'on pouvait légitimement s'attendre à ce que le Conseil en profite pour reconnaître enfin la constitutionnalité du principe de réparation intégrale, quitte d'ailleurs à préciser à quelles conditions le législateur peut y porter atteinte, ce dernier fonde sa solution sur le "droit des victimes d'actes fautifs", ce qui en limite évidemment la portée.

Cette analyse est des plus surprenantes. Il est généralement admis que la justification du droit à réparation intégrale est, en effet, à rechercher dans la personne même de la victime, qu'on le fonde sur des considérations éthiques (le droit à l'intégrité physique ou le droit à la dignité) ou économiques (le droit à l'intégrité patrimoniale ou le principe d'égalité devant les charges publiques), et non dans la personne du responsable. Jusqu'à présent, d'ailleurs, le Conseil constitutionnel dissociait parfaitement, dans un rapport de responsabilité, l'analyse de la situation du point de la victime (principe d'égalité) et de celui du responsable (principe de responsabilité, découlant du principe de liberté). Or, ce droit à réparation intégrale des victimes de fautes inexcusables, puisque c'est bien de cela dont il s'agit ici, semble justifié par leur qualité de victimes "d'actes fautifs". On ne comprend dès lors plus pourquoi, du point de vue des victimes, la réparation intégrale serait justifiée pour les victimes de fautes et écartées pour les autres, notamment lorsqu'elles sont indemnisées sur le fondement d'un régime de responsabilité de plein droit, sauf à considérer que les premières seraient plus méritantes que les secondes. Il est certes légitime de vouloir tenir compte du caractère fautif des comportements pour infliger au coupable une responsabilité plus lourde (sanctions pénales, dommages et intérêts punitifs), mais non de faire "payer" aux victimes le fait d'avoir eu la malchance de subir un dommage causé par un responsable tenu sans faute ; les deux exigences devraient s'ajouter, et non se soustraire. Pareille conception de la responsabilité, entièrement tournée vers la personne du responsable, s'inscrit dans une certaine vision archaïque de la responsabilité qui se focalise sur la seule personne de l'auteur du dommage jusqu'à oublier que la victime devrait être placée au coeur du système. Les regards se tournent désormais vers le Parlement dont on attendra, plus d'un siècle après la loi fondatrice, qu'il s'intéresse, enfin, véritablement à la réforme du livre IV du Code de la Sécurité sociale.


(1) Loi n° 2008-724 du 23 juillet 2008, de modernisation des institutions de la Vème République (N° Lexbase : L7298IAK).
(2) Cass. QPC, 7 mai 2010, n° 09-87.288, Mme Christiane Alessandrie, épouse Lloret, P+B (N° Lexbase : A1976EXH).
(3) Sur ces principes, notre étude "Liberté, égalité, responsabilité" dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Les cahiers du conseil constitutionnel, n° 16, 2004, pp. 111-122.
(4) J.-J. Dupeyroux, Un deal en béton ?, Dr. soc., 1998, n° sp. Centenaire de la loi du 9 avril 1898, p. 631.
(5) Ass. plén., 25 février 2000, n° 97-17.378, M. Costedoat c/ M. Girard et autres (N° Lexbase : A8154AG4), JCP éd. G, 2000, II, 10295, concl. R. Kessous, note M. Billiau ; D., 2000, p. 673, note P. Brun ; Resp. civ. et assur., 2000, chron. 11, H. Groutel, chron. 22, Ch. Radé.
(6) Sur ces possibilités, J.-J. Dupeyroux, M. Borgetto et R. Lafore, Droit de la Sécurité sociale, Précis Dalloz, 16ème éd., 2008, n° 827 s..
(7) Mouvement initié par Cass. soc., 28 février 2002, n° 00-10.051, Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Grenoble c/ Société Ascométal, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0806AYI), JCP éd. G, 2002, II, 10053, concl. Benmakhlouf.
(8) Sur cette critique, G. Lyon-Caen, Les victimes d'accidents du travail, victimes aussi d'une discrimination, Dr. soc., 1990, pp. 737-739.
(9) Quoique la branche accidents du travail et maladies professionnelles soit légèrement excédentaire de 200 millions d'euros pour l'exercice 2008 (loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, de financement de la Sécurité sociale pour 2010, art. 1er N° Lexbase : L1205IGQ).
(10) Cons. const., décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988, Loi relative à la mutualisation de la Caisse nationale de Crédit agricole, cons. 10 (N° Lexbase : A8176ACS).
(11) Cons. const., décision n° 2008-568 DC du 7 août 2008, Loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, cons. 5 (N° Lexbase : A8775D9U), ou, encore, "le Conseil constitutionnel n'a pas un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement [et] ne saurait ainsi rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé" (Cons. const., décision n° 98-401 DC du 10 juin 1998, Loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, cons. 27 N° Lexbase : A8747ACX).
(12) Cons. const., décision n° 2009-588 DC du 6 août 2009, Loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires, cons. 19 (N° Lexbase : A2113EKH).
(13) Cons. const., décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989, Liberté de communication audiovisuelle, cons. 29 à 32 (N° Lexbase : A8194ACH). Dernièrement Cons. const., décision n° 2007-561 DC du 17 janvier 2008, Loi ratifiant l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au Code du travail (N° Lexbase : A7427D3H).
(14) Cons. const., décision n° 82-144 DC du 22 octobre 1982, Loi relative au développement des institutions représentatives du personnel, cons. 6 (N° Lexbase : A8046ACY).
(15) Cons. const., décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2001, cons. 44 (N° Lexbase : A1162AIU) ; Cons. const., décision n° 2005-522 DC du 22 juillet 2005, Loi de sauvegarde des entreprises, cons. 13 (N° Lexbase : A1643DK3).
(16) Sur cette conciliation dans la jurisprudence de la CEDH, lire A. Gouttenoire et F. Sudre dans Les grands arrêts de la CEDH, Puf, 5ème éd., 2009, p. 293 s..
(17) Cons. const., décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010 (N° Lexbase : A8019EYN).
(18) CEDH, 6 octobre 2005, Req. 11810/03, Maurice c/ France (N° Lexbase : A6794DKT), Resp. civ. et assur. 2005, comm. 327, et les obs..
(19) Sur la prise en compte du droit à un recours effectif dans le cadre d'un régime d'indemnisation de victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles : Cons. const., décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001, Loi portant amélioration de la couverture des non salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, cons. 36 et 37 (N° Lexbase : A2333AXP).
(20) Sur la reconnaissance du droit à la santé, Cons. const., décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975, Loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse, cons. 10 (N° Lexbase : A7913AC3). Lire B. Mathieu, La protection du droit à la santé par le juge constitutionnel, Les Cahiers du conseil constitutionnel, n° 6/1999, p. 85.
(21) Qui ne garantit que le principe de réparation de l'intégralité des chefs de préjudice, ce qui est différent : notre étude préc., n° 32.

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