La lettre juridique n°308 du 12 juin 2008 : Contrats et obligations

[Jurisprudence] Retour sur la définition de la clause pénale

Réf. : Cass. civ. 3, 21 mai 2008, n° 07-12.848, M. Roger Pagès, FS-P+B (N° Lexbase : A7854D8E)

Lecture: 4 min

N2523BGK

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Jurisprudence] Retour sur la définition de la clause pénale. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3210228-jurisprudence-retour-sur-la-definition-de-la-clause-penale
Copier

par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

le 07 Octobre 2010

La définition de la clause pénale fait l'objet, depuis de nombreuses années déjà, d'une jurisprudence abondante qui s'explique, notamment, par le souci d'encadrer et de cantonner le pouvoir de révision que le juge tient de l'article 1152, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L1253ABZ). Une partie de la doctrine, revenant à la distinction initiale faite par les rédacteurs du Code civil entre, d'une part, l'évaluation forfaitaire des dommages et intérêts visés par l'article 1152 et, d'autre part, la clause pénale de l'article 1226 (N° Lexbase : L1340ABA) a certes pu émettre l'idée selon laquelle la clause visée à l'article 1152 ne s'identifierait pas nécessairement à la clause pénale, ce texte, figurant dans une section relative aux dommages et intérêts dus en cas d'inexécution de l'obligation, concernant a priori toute convention relative aux dommages et intérêts (1). Autrement dit, le domaine du pouvoir judiciaire de révision, tel qu'il résulte de l'article 1152, alinéa 2, du Code civil, serait plus étendu que celui de la clause pénale et serait "constitué par les hypothèses d'évaluation conventionnelles de sommes dues à titre de dommages-intérêts, pour le cas d'inexécution de la convention" (2). Toujours est-il que la Cour de cassation n'a pas entendu consacrer une telle analyse et décide, à tort ou à raison (3), de subordonner la mise en oeuvre du pouvoir de révision que le juge reçoit de l'article 1152, alinéa 2, du Code civil à la qualification de la clause en clause pénale. Un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 21 mai 2008, à paraître au Bulletin, permet, précisément, de revenir sur cette qualification. En l'espèce, une société avait donné un immeuble en crédit-bail à une société civile immobilière (SCI). Le contrat ayant été résolu pour non paiement des loyers, le mandataire ad hoc de la SCI mise en liquidation judiciaire avait demandé la réduction de l'indemnité de résiliation au motif qu'il s'agissait d'une clause pénale manifestement excessive. Les juges du fond avaient, cependant, retenu que l'indemnité de résiliation égale au montant des loyers non échus qui tendait à préserver l'économie du contrat en cas de rupture anticipée de celui-ci et à indemniser le créancier du préjudice ainsi subi découlait directement de l'anéantissement de la convention par le jeu de la clause résolutoire et ne constituait donc pas une clause pénale au sens de l'article 1152 du Code civil. Ils avaient, en revanche, considéré que l'indemnité d'une année de loyer constituait, elle, une clause pénale, mais qui n'était pas, au sens du texte, manifestement excessive, de telle sorte qu'elle ne pouvait faire l'objet d'aucune réduction judiciaire.

Toujours est-il que, sans surprise, la décision de la cour d'appel de Toulouse est cassée, sous le visa des articles 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) et 1152 du Code civil : "qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité due en cas de résiliation pour inexécution qui, tant par l'anticipation de l'exigibilité des loyers dès la résiliation du contrat que par le paiement d'une année de loyer supplémentaire, majorait les charges financières pesant sur le débiteur, était stipulée à la fois pour contraindre à l'exécution du contrat et comme évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice subi par le bailleur du fait de la rupture fautive de celui-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

L'arrêt confirme la définition traditionnellement retenue par la jurisprudence de la clause pénale, dans sa dimension indemnitaire et comminatoire. On rappellera que la première chambre civile de la Cour de cassation a posé en principe que "constitue une clause pénale la clause d'un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractée" (4), la troisième chambre affirmant, plus nettement encore peut-être, que la clause pénale est la "sanction du manquement d'une partie à ses obligations" (5). C'est en effet pour inciter le débiteur à exécuter son obligation que les parties conviennent à l'avance que, si tel n'était finalement pas le cas, il devrait la pénalité prévue au contrat, pénalité qui, en cas de préjudice, se substitue aux dommages et intérêts de droit commun. On peut ainsi considérer que la garantie de l'exécution constitue la cause finale, donc le but poursuivi par les contractants, de la clause pénale, l'inexécution par le débiteur de l'obligation principale constituant, elle, la cause efficiente de la peine, autrement dit "le fait sans lequel ni l'exécution, ni même l'existence d'une peine ne sont concevables" (6). On comprend donc que, l'inexécution illicite étant le fondement nécessaire et suffisant de la clause pénale, l'existence d'un préjudice subi par le créancier du fait de cette inexécution ne soit pas nécessaire à l'exécution de la peine (7). La solution est commandée non seulement par le respect de la parole donnée et le principe de la force obligatoire du contrat, d'où, dans l'arrêt commenté, le visa de l'article 1134 du Code civil -texte à la place duquel aurait d'ailleurs pu tout aussi bien être visé l'article 1152, alinéa 1er, du Code civil qui est une application particulière en matière de clause pénale du principe posé à l'article 1134-, mais encore par ce qui relève de l'essence même de la clause pénale, d'où le visa de l'article 1226 qui, en disposant que "la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution", imprime à la clause un caractère comminatoire et fait du critère tenant à l'inexécution illicite d'une obligation l'élément caractéristique de sa définition. C'est en ce sens que l'on peut dire que la clause pénale est bien une peine privée contractuelle.


(1) Ph. Malaurie, La révision judiciaire des clauses pénales, Rép. Defrénois, 1976, art. 31075, p. 533 ; J. Mestre, Les conditions de la révision judiciaire dans le cadre de l'article 1152 du Code civil, de la peine convenue entre les parties, RTDCiv., 1985, p. 372 ; D. Mazeaud, La notion de clause pénale, LGDJ, 1992, préf. F. Chabas, n° 258 et s..
(2) J. Mestre, RTDCiv., 1986, p. 103.
(3) Sur cette question, voir not. Ph. Malinvaud, De l'application de l'article 1152 du Code civil aux clauses limitatives de responsabilité, in L'avenir du droit, Mél. en hommage à F. Terré, Dalloz-PUF-Juris-Classeur, 1999, p. 689 et s..
(4) Voir not., en ce sens, Cass. civ. 1, 10 octobre 1995, n° 93-16.869, Consorts Capdemourlin c/ Société Université Bissy International (N° Lexbase : A6341AHC), Bull. civ. I, n° 347, D., 1996, Somm. p. 116, obs. Ph. Delebecque, JCP éd. G, 1996, II, 22580, note G. Paisant.
(5) Cass. civ. 3, 20 décembre 2006, n° 05-20.065, M. Robert Dupont, FS-P+B (N° Lexbase : A1023DT3), Bull. civ. III, n° 256 ; et nos obs., La seule inexécution imputable au débiteur suffit à mettre en oeuvre la clause pénale, Lexbase Hebdo n° 244 du 18 janvier 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N7429A9Z) ; également, nos obs., JCP éd. G, 2007, II, 10024.
(6) D. Mazeaud, La notion de clause pénale, op. cit., n° 424.
(7) Cass. civ. 3, 12 janvier 1994, n° 91-19.540, Epoux Siégel c/ Commune de Metz (N° Lexbase : A6543ABX), Bull. civ. III, n° 5, Defrénois, 1994, p. 804, obs. Mazeaud ; Cass. civ. 3, 20 décembre 2006, préc..

newsid:322523

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus