Réf. : Cass. civ. 3, 21 mai 2008, n° 07-12.848, M. Roger Pagès, FS-P+B (N° Lexbase : A7854D8E)
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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit
le 07 Octobre 2010
Toujours est-il que, sans surprise, la décision de la cour d'appel de Toulouse est cassée, sous le visa des articles 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) et 1152 du Code civil : "qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité due en cas de résiliation pour inexécution qui, tant par l'anticipation de l'exigibilité des loyers dès la résiliation du contrat que par le paiement d'une année de loyer supplémentaire, majorait les charges financières pesant sur le débiteur, était stipulée à la fois pour contraindre à l'exécution du contrat et comme évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice subi par le bailleur du fait de la rupture fautive de celui-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés".
L'arrêt confirme la définition traditionnellement retenue par la jurisprudence de la clause pénale, dans sa dimension indemnitaire et comminatoire. On rappellera que la première chambre civile de la Cour de cassation a posé en principe que "constitue une clause pénale la clause d'un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractée" (4), la troisième chambre affirmant, plus nettement encore peut-être, que la clause pénale est la "sanction du manquement d'une partie à ses obligations" (5). C'est en effet pour inciter le débiteur à exécuter son obligation que les parties conviennent à l'avance que, si tel n'était finalement pas le cas, il devrait la pénalité prévue au contrat, pénalité qui, en cas de préjudice, se substitue aux dommages et intérêts de droit commun. On peut ainsi considérer que la garantie de l'exécution constitue la cause finale, donc le but poursuivi par les contractants, de la clause pénale, l'inexécution par le débiteur de l'obligation principale constituant, elle, la cause efficiente de la peine, autrement dit "le fait sans lequel ni l'exécution, ni même l'existence d'une peine ne sont concevables" (6). On comprend donc que, l'inexécution illicite étant le fondement nécessaire et suffisant de la clause pénale, l'existence d'un préjudice subi par le créancier du fait de cette inexécution ne soit pas nécessaire à l'exécution de la peine (7). La solution est commandée non seulement par le respect de la parole donnée et le principe de la force obligatoire du contrat, d'où, dans l'arrêt commenté, le visa de l'article 1134 du Code civil -texte à la place duquel aurait d'ailleurs pu tout aussi bien être visé l'article 1152, alinéa 1er, du Code civil qui est une application particulière en matière de clause pénale du principe posé à l'article 1134-, mais encore par ce qui relève de l'essence même de la clause pénale, d'où le visa de l'article 1226 qui, en disposant que "la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution", imprime à la clause un caractère comminatoire et fait du critère tenant à l'inexécution illicite d'une obligation l'élément caractéristique de sa définition. C'est en ce sens que l'on peut dire que la clause pénale est bien une peine privée contractuelle.
(1) Ph. Malaurie, La révision judiciaire des clauses pénales, Rép. Defrénois, 1976, art. 31075, p. 533 ; J. Mestre, Les conditions de la révision judiciaire dans le cadre de l'article 1152 du Code civil, de la peine convenue entre les parties, RTDCiv., 1985, p. 372 ; D. Mazeaud, La notion de clause pénale, LGDJ, 1992, préf. F. Chabas, n° 258 et s..
(2) J. Mestre, RTDCiv., 1986, p. 103.
(3) Sur cette question, voir not. Ph. Malinvaud, De l'application de l'article 1152 du Code civil aux clauses limitatives de responsabilité, in L'avenir du droit, Mél. en hommage à F. Terré, Dalloz-PUF-Juris-Classeur, 1999, p. 689 et s..
(4) Voir not., en ce sens, Cass. civ. 1, 10 octobre 1995, n° 93-16.869, Consorts Capdemourlin c/ Société Université Bissy International (N° Lexbase : A6341AHC), Bull. civ. I, n° 347, D., 1996, Somm. p. 116, obs. Ph. Delebecque, JCP éd. G, 1996, II, 22580, note G. Paisant.
(5) Cass. civ. 3, 20 décembre 2006, n° 05-20.065, M. Robert Dupont, FS-P+B (N° Lexbase : A1023DT3), Bull. civ. III, n° 256 ; et nos obs., La seule inexécution imputable au débiteur suffit à mettre en oeuvre la clause pénale, Lexbase Hebdo n° 244 du 18 janvier 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N7429A9Z) ; également, nos obs., JCP éd. G, 2007, II, 10024.
(6) D. Mazeaud, La notion de clause pénale, op. cit., n° 424.
(7) Cass. civ. 3, 12 janvier 1994, n° 91-19.540, Epoux Siégel c/ Commune de Metz (N° Lexbase : A6543ABX), Bull. civ. III, n° 5, Defrénois, 1994, p. 804, obs. Mazeaud ; Cass. civ. 3, 20 décembre 2006, préc..
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