La lettre juridique n°308 du 12 juin 2008 : Internet - Bulletin d'actualités n° 5

[Panorama] Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Mai 2008

Lecture: 17 min

N2541BG9

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Panorama] Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Mai 2008. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3210226-panorama-bulletin-dactualites-b-clifford-chance-b-departement-communication-media-amp-technologies-m
Copier

le 07 Octobre 2010

Tous les mois, Marc d'Haultfoeuille, avocat associé chez Clifford Chance, vous propose de retrouver l'actualité juridique en matière de Communication Média & Technologies. A noter ce mois-ci, un arrêt d'octobre dernier aux termes duquel la Cour de cassation confirme explicitement la possibilité pour un franchisé d'être titulaire d'une clientèle propre, deux jugements du TGI de Paris, rendus le 15 avril dernier, qui rejettent la qualification d'éditeur de Dailymotion, fournisseur reconnu d'une plate-forme de partage de vidéos, et, enfin, la dernière décision de la "Commission Albis" fixant la redevance due au titre de l'exception de copie privée sur les téléphones mobiles ayant des fonctionnalités "multimédia".

I - Contrat

  • Dans un arrêt du 9 octobre 2007, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a partiellement cassé un arrêt de la cour d'appel de Paris sur le fondement de l'article 1371 du Code civil et a indemnisé un franchisé pour la perte de clientèle propre résultant d'une clause de non-concurrence à la suite de la rupture du contrat de franchise par le franchiseur (Cass. com., 9 octobre 2007, n° 05-14.118, F-D N° Lexbase : A7294DYS)

Faits :

La société Espace télécommunication équipement ("ETE") a conclu en 1998 et 1999, avec la société Cellcorp, mandataire de la Société française de radiotéléphone ("SFR"), six contrats de franchise pour une durée initiale de deux ans renouvelables tacitement par période d'un an, sauf dénonciation moyennant un préavis de trois mois. Les contrats prévoyaient, d'une part, une rémunération forfaitaire fixe calculée sur la base du nombre d'abonnements souscrits dans le point de vente et, d'autre part, une rémunération variable calculée à partir du chiffre d'affaires généré par SFR sur les abonnements souscrits via la société ETE.

Une clause de non-concurrence était, par ailleurs, insérée dans chaque contrat, clause interdisant à la société ETE d'exécuter des prestations identiques à celles visées par le contrat pendant une durée de douze mois à compter de la résiliation dudit contrat.

Après tacite reconduction des six contrats de franchise jusqu'en 2003, SFR a dénoncé cinq des six contrats en raison du non-respect des quotas fixés par la société ETE. Pour le sixième contrat, SFR a, par la suite, notifié sans préavis sa résiliation sans autre justification.

Dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société ETE, le liquidateur judiciaire a entamé une action en justice à l'encontre de SFR pour abus du droit de rupture du contrat et indemnisation du préjudice y relatif. Le liquidateur demandait, notamment, l'indemnisation du préjudice subi par la société ETE en raison du manquement de SFR à son devoir d'information selon l'article L. 330-3 du Code du commerce (N° Lexbase : L8526AIM) et pour la perte de la clientèle propre résultant de l'application de la clause de non-concurrence interdisant à la société ETE d'exécuter des prestations identiques à celles visées par le contrat pendant une durée de douze mois à compter de la résiliation dudit contrat.

Par un arrêt du 26 janvier 2005, la cour d'appel de Paris a débouté le liquidateur de la société ETE de l'intégralité de ses demandes (CA Paris, 3ème ch., sect. B, 26 janvier 2005, n° 04/21945 N° Lexbase : A5806DG7).

ETE forma, dès lors, un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

En premier lieu, ETE reprochait à la cour d'appel, sur le fondement des articles 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) et 1147 (N° Lexbase : L1248ABT) du Code civil, de ne pas avoir condamné la société SFR du fait de son comportement fautif. En effet, celle-ci aurait fait preuve de mauvaise foi caractérisée dans l'exécution des contrats en ouvrant des points de vente proches de ceux de la société ETE et en ayant interdit à la société ETE d'exercer son activité avec d'autres opérateurs après la rupture des relations contractuelles, en application de la clause de non-concurrence stipulée dans les contrats.

ETE reprochait également à la cour d'appel d'avoir considéré que SFR avait rempli son obligation d'information conformément à l'article L. 330-3 du Code de commerce sans démontrer l'absence de vice du consentement de ETE lors du renouvellement des contrats de franchise.

Enfin, ETE reprochait à la cour d'appel, sur le fondement de l'article 1371 du Code civil (N° Lexbase : L1477ABC), de ne pas avoir condamné SFR au paiement de dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison de la perte de clientèle propre alors que cette perte résultait directement de l'application de la clause de non-concurrence interdisant à ETE de poursuivre toute activité similaire avec d'autres opérateurs.

Décision :

Dans son arrêt du 9 octobre 2007, la Chambre commerciale de la Cour de cassation casse et annule partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 janvier 2005.

La Cour de cassation rejette le premier moyen de la société ETE aux motifs que SFR n'avait pas l'obligation de garantir l'exclusivité à la société ETE et pouvait de ce fait ouvrir des points de vente proches de la société ETE, et que la clause de non concurrence n'interdisait pas à la société ETE de "continuer son activité avec d'autres opérateurs après la rupture des relations".

Par ailleurs, la Cour de cassation casse et annule l'arrêt d'appel sur le fondement de l'article L. 330-3 du Code de commerce au motif que la cour n'a pas recherché si, lors du renouvellement des contrats de franchise, le consentement de ETE avait été vicié en raison du manquement de SFR à son obligation d'information.

Enfin, la Cour de cassation admet qu'un franchisé puisse se prévaloir d'une clientèle propre et considère, en l'espèce, que la cour d'appel a violé l'article 1371 du Code civil puisque la rupture du contrat par SFR avait entraîné la perte de la clientèle propre à ETE.

La cour d'appel n'ayant pas procédé à l'évaluation du préjudice subi du fait de cette perte de clientèle propre, la Haute juridiction a, dès lors, renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Par conséquent, la Cour de cassation casse et annule l'arrêt, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation formulées par ETE sur le fondement du manquement de SFR a son obligation d'information, et sur la perte de clientèle à raison de la dénonciation des contrats.

Commentaire :

L'apport essentiel de cet arrêt réside dans le fait que la Chambre commerciale de la Cour de cassation confirme explicitement la possibilité pour un franchisé d'être titulaire d'une clientèle propre.

Par cette assertion, la Cour reconnaît le principe d'une indemnisation pour le préjudice subi en raison de la perte de cette clientèle propre, ladite perte étant la conséquence de la rupture des contrats du fait du franchiseur.

Le fondement de l'article 1371 du Code civil retenu par la Cour de cassation pour faire droit à la demande d'indemnisation est, en l'espèce, original. En effet, l'article 1371 du Code civil concerne les quasi-contrats, catégorie dont fait partie l'enrichissement sans cause qui consiste à donner droit à une indemnisation en présence d'un mouvement de valeur, sans cause réelle, au détriment d'une partie et au bénéfice d'une autre.

II - Internet

  • Dans deux décisions du 15 avril 2008 portant sur des faits similaires, le tribunal de grande instance de Paris s'est, une nouvelle fois, prononcé sur la qualité d'hébergeur ou d'éditeur d'une plate-forme de partage de vidéos, en l'espèce, Dailymotion. Le TGI a procédé à une analyse exhaustive des arguments classiquement invoqués en faveur de la qualification d'éditeur (TGI Paris, 15 avril 2008, n° RG 08/01371, Monsieur Jean-Yves L. c/ SA Dailymotion [LXB= A4124D8A] et TGI Paris, 15 avril 2008, M. Omar S. et M. Fred D., SARL Korokoro, SARL Cocojet c/ SA Dailymotion)

Faits :

Première décision :

Mr. Jean-Yves L. est un auteur interprète de sketches humoristiques pour la télévision et la radio. Il a co-produit et/ou co-réalisé un certain nombre d'oeuvres avec des sociétés de production et/ou des personnes indépendantes, oeuvres parues sous forme de CD et/ou de DVD.

La SA Dailymotion se présente comme le premier site français de partage de vidéos sur internet. Elle héberge les pages personnelles des utilisateurs et permet aux internautes de mettre en ligne des vidéos, de les visionner et de les télécharger sur le site www.dailymotion.com.

S'apercevant que certains de ces sketches étaient proposés sur le site de Dailymotion, M. L. a, le 9 octobre 2006, mis en demeure cette dernière de cesser l'exploitation dite contrefaisante de ces oeuvres. Dailymotion a répondu alors, le 16 octobre 2006, que les vidéos litigieuses, qui avaient pu être identifiées, avaient été retirées.

Face au maintien de ces sketches sur le site, M. L. et les autres demandeurs ont assigné la société, le 18 décembre 2006, aux fins de voir constater le caractère contrefaisant des contenus hébergés sur le site www.dailymotion.com dans la mesure où ce site permettait l'accès aux sketches, sans leur autorisation en qualité d'auteur et d'ayant droits.

Par une première décision du 18 décembre 2007, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté l'action de l'ensemble des demandeurs au motif qu'ils ne justifiaient pas de leurs droits sur les oeuvres (TGI Paris, 18 décembre 2007, n° RG 06/18289 N° Lexbase : A2598D3M).

Les 28 décembre 2007, 10 et 11 janvier 2008, les mêmes demandeurs ont fait dresser plusieurs constats, dont certains par un agent de l'Agence pour la protection des programmes, établissant à nouveau la présence des sketches litigieux sur le site de Dailymotion.

Le 22 janvier 2008, M. L. et les autres demandeurs assignaient à nouveau Dailymotion, en sa qualité d'éditrice du site au sens de l'article 6-3-1° de la loi pour la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004 (LCEN) (loi n° 2004-475 N° Lexbase : L2600DZC), pour actes de contrefaçon, mais surtout pour atteinte à leur droit à l'image et à leur droit au respect de leurs noms et qualités.

Seconde décision :

MM. Omar S. et Fred T. forment un duo de comédiens comiques à la télévision et sur scène et sont auteurs interprètes de programmes courts écrits en collaboration avec Bertrand D., et diffusés sur la chaîne de télévision Canal+ dans le cadre de l'émission "Le grand journal".

Les meilleurs moments de ces programmes courts, ainsi qu'un spectacle des deux comédiens, spectacle produit par les sociétés Korokoro et Cocojet, sont parus sous format DVD.

S'apercevant de la mise en ligne sans leur autorisation sur le site www.dailymotion.com de vidéos reproduisant une partie de leurs oeuvres, MM. Omar S. et Fred T. ont adressé à Dailymotion une mise en demeure de cesser l'exploitation contrefaisante de leurs oeuvres.

Renouvelant leur mise en demeure, le 16 janvier 2008, par l'envoi d'un projet d'assignation en référé,  MM. Omar S. et Fred T. ont fait procéder, en date du 24 janvier 2008, à un constat par un agent de l'Agence pour la protection des programmes.

Le 28 janvier 2008, MM. Omar S. et Fred T., et les autres demandeurs, ont ensuite assigné Dailymotion pour acte de contrefaçon de leurs oeuvres et en indemnisation du préjudice subi de ce fait.

Dans ces deux affaires, les demandeurs respectifs recherchaient la responsabilité civile de Dailymotion en sa qualité d'éditeur du site www.dailymotioncom et non en sa qualité de prestataire d'hébergement de contenus, qualification lui permettant de bénéficier du régime de responsabilité limitée prévu par la LCEN.

Pour prouver que Dailymotion agissait en qualité d'éditeur et non d'hébergeur de contenus, les demandeurs faisaient, notamment, valoir que celle-ci avait sélectionné la taille des fichiers, en avait modifié le contenu par réencodage, et avait fait des choix éditoriaux en imposant une certaine architecture au site et en percevant directement des revenus publicitaires au titre des publicités publiées sur le site.

Pour sa défense, Dailymotion invoquait son unique qualité d'hébergeur en vertu de laquelle elle ne pouvait être considérée comme responsable de contenus manifestement illicites mis en ligne, faute d'en avoir été dûment informée dans le respect de la procédure de notification faite dans les formes prescrites par l'article 6-I-5 de la LCEN.

Décision :

Le tribunal de grande instance de Paris (le "TGI") a, dans les deux jugements du 15 avril 2008, considéré que Daily Motion avait la qualité d'hébergeur au sens de la LCEN et non d'éditeur.

Après un rappel des définitions d'éditeur et d'hébergeur de contenus au sens de la LCEN, le TGI réfute de manière détaillée, et dans les termes suivants, chaque argument soulevé par les demandeurs pour qualifier Dailymotion d'éditeur : "Il n'est pas contesté que la société Dailymotion a créé un site à l'adresse www.dailymotion.com qui offre aux internautes un service de mise en ligne de leurs vidéos postées par eux-mêmes ; que les internautes choisissent de partager largement ou de façon restreinte leurs vidéos. [...] La limite imposée par la société Dailymotion quant à la taille des fichiers acceptés est une contrainte technique et n'implique aucun regard sur le contenu du fichier posté mais seulement une limite à ce que le serveur peut intégrer. Le réencodage opéré par la société Dailymotion pour rendre compatible les fichiers postés est également une opération purement technique qui ne demande aucun choix quant au contenu de la vidéo postée. Au regard de la LCEN ne constitue un choix éditorial que le choix des contenus des fichiers mis en ligne. [...]".

Par ailleurs, le TGI précise qu'au regard des dispositions de la LCEN, "le fait de structurer les fichiers mis à la disposition du public selon un classement choisi par le seul créateur du site ne donne pas à ce dernier la qualité d'éditeur tant qu'il ne détermine pas les contenus des fichiers mis en ligne".

Enfin, quant à l'argument tiré de la commercialisation d'espaces publicitaires, le TGI considère que cela "ne permet pas davantage de qualifier la société Dailymotion d'éditeur de contenu dès lors que rien dans le texte de loi n'interdit à un hébergeur de tirer profit de son site en vendant des espaces publicitaires tant que les partenariats auxquels il consent, ne déterminent pas le contenu des fichiers postés par les internautes".

En conséquence et, en vertu de la qualité d'hébergeur de contenus reconnue à Dailymotion, le TGI :

- considère que les droits moraux de M. L. ont été violés par Dailymotion et condamne cette dernière à lui payer la somme de 5 000 euros pour n'avoir pas retiré promptement les contenus litigieux, et pour n'avoir pas mis en oeuvre les moyens nécessaires pour empêcher toute remise en ligne desdits contenus ;
- déboute les demandeurs de l'intégralité de leurs demandes. En effet, le TGI considère que si Dailymotion a bien commis des actes de contrefaçon, sa responsabilité doit être écartée dans la mesure où les demandeurs ne rapportent pas la preuve que cette dernière n'a pas agi promptement pour retirer les contenus litigieux après avoir reçu une notification conforme du caractère manifestement illicite de ces fichiers, notification que seule l'assignation du 28 janvier constituait en l'espèce, rendant ainsi sans valeur les constats antérieurs à cette date.

Commentaire :

Par ces deux décisions, le TGI ne se contente pas de rejeter la qualification d'éditeur de Dailymotion, fournisseur reconnu d'une plate-forme de partage de vidéos, il fournit également une grille de lecture des différents arguments traditionnellement soulevés par les demandeurs à l'encontre de prestataires, tels que Dailymotion, permettant à des internautes de partager des contenus musicaux ou vidéos sur internet.

Les juridictions françaises ont déjà eu, à plusieurs reprises, l'occasion de se prononcer sur le statut juridique à donner aux plates-formes de partage de vidéos, comme par exemple dans la célèbre affaire "Joyeux Noël" dans laquelle le juge français avait déjà, pour Dailymotion, écarté le statut d'éditeur au profit de celui d'hébergeur (TGI Paris, 13 juillet 2007, Christian C, Nord-Ouest Production c/ SA Daily Motion, SA UGC Images N° Lexbase : A5139DXM et nos obs., Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Juillet 2007, Lexbase Hebdo n° 272 du 20 septembre 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N2734BCA).

Si certains critères, comme celui tenant au rôle d'organisation de l'architecture du site, ont été clairement exclus comme élément insuffisant pour attribuer la qualité d'éditeur (TGI de Paris, 3ème ch., 19 octobre 2007, Société Zadig Productions c/ Société Google Inc. et AFA N° Lexbase : A5562DZZ et nos obs., Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Novembre 2007, Lexbase Hebdo n° 285 du 13 décembre 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N3876BDW), tel n'est pas le cas pour tous les arguments soulevés lors d'affaires similaires. En effet, le critère s'appuyant sur les revenus commerciaux tirés de la publicité était encore récemment considéré comme permettant d'attribuer la qualité d'éditeur à un prestataire permettant aux internautes de partager des contenus sur un site internet (TGI Paris, 22 juin 2007, n° RG 07/55081, Monsieur Jean-Yves L. c/ Société Myspace INC N° Lexbase : A5140DXN).

Si la qualité d'éditeur apparaît difficile à établir au regard de ces récentes décisions, la situation n'est pas encore fermement établie comme l'atteste la récente décision du TGI de Troyes du 4 juin 2008 (TGI Troyes, 4 juin 2008, n° RG 06/02604, Société Hermès c/ Madame Cindy F. et SA Ebay France N° Lexbase : A0327D9Y) qui a retenu la responsabilité de la société Ebay, en sa qualité d'éditeur de services, dans la vente, par l'un de ses membres, de produits contrefaisants. Néanmoins, les juges tendent parallèlement à renforcer les obligations mises à la charge des hébergeurs dans la lutte contre la mise en ligne de contenus contrefaisants en leur imposant notamment l'obligation d'agir "promptement" lors d'une première notification d'un ayant droit (T. com., Paris, 8ème ch., 20 février 2008, Flach Film et autres c/ Google France, Google Inc. et nos obs., Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Avril 2008, Lexbase Hebdo n° 304 du 15 mai 2008 - édition privée générale N° Lexbase : N8980BEC) et de surveiller toute remise en ligne des contenus ainsi notifiés.

III - Propriété intellectuelle

  • Dans sa décision n° 10 du 27 février 2008, la "Commission Albis" a fixé la redevance due au titre de l'exception de copie privée sur les téléphones mobiles ayant des fonctionnalités "multimédia" (décision n° 10 du 27 février 2008 de la commission prévue à l'article L. 311-5 du Code de la propriété intellectuelle relative à la rémunération pour copie privée N° Lexbase : L9071H3D)

Texte :

La commission prévue à l'article L. 311-5 du Code la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L2860HPM) relative à la rémunération pour copie privée (la "Commission Albis") a entrepris un examen des fonctionnalités, des caractéristiques techniques et des pratiques de copie privée concernant les téléphones dits "multimédia" permettant le stockage aux fins de copie privée d'oeuvres protégées.

A la suite de la réunion du 11 décembre 2007 et à l'audition des professionnels du secteur de la téléphonie mobile le 22 janvier 2008, la "Commission Albis" a considéré que les appareils visés étaient utilisés dans des conditions analogues aux appareils et baladeurs dont les capacités de stockage sont dédiées soit uniquement à la lecture d'oeuvres protégées, soit à l'enregistrement numérique et à la lecture de telles oeuvres audios et vidéos.

C'est dans ces conditions que la "Commission Albis" a considéré qu'elle se devait de fixer une rémunération applicable aux dits appareils de téléphonie mobile afin de protéger les droits des ayants droits sur les oeuvres protégées.

Sont ainsi éligibles à la rémunération due au titre de la copie privée, "tout appareil mobile combinant une fonction téléphone et une fonction baladeur, et comportant" :

- une mémoire d'une capacité supérieure à 128 Mo ;
- la possibilité de restituer des contenus audios et/ou vidéos ;
- des fonctionnalités propres à un baladeur, notamment un outil spécifique de gestion et de transfert de ces contenus ainsi qu'une ou plusieurs touches dédiées à la fonction baladeur de l'appareil.

Le montant de la rémunération unitaire fait l'objet d'une répartition en fonction d'une part de la capacité unitaire sur les mémoires et disques durs intégrés à l'appareil mobile concerné, et d'autre part aux fonctionnalités de celui-ci.

Pour un appareil de téléphonie mobile répondant aux critères susmentionnés et ne possédant qu'une fonction de lecture audio, la rémunération varie ainsi entre 1 euro pour une capacité de 128 Mo et 20 euros pour une capacité de 20 à 40 Go.

Pour un appareil de téléphonie mobile répondant aux critères susmentionnés et possédant une fonction de lecture et d'enregistrement numérique audio et/ou vidéo, la rémunération varie entre 5 euros pour une capacité jusqu'à 1 Go et 50 euros pour une capacité entre 400 et 560 Go.

Barème (en euros) Par tranche de capacité nominale d'enregistrement Barème (en euros) Par tranche de capacité nominale d'enregistrement
1 Pour 128 Mo. 5 Jusqu'à 1 Go.
2 Au-delà de 128 Mo jusqu'à 256 Mo. 6 Au-delà de 5 Go jusqu'à 10 Go.
3 Au-delà de 256 Mo jusqu'à 384 Mo. 7 Au-delà de 10 Go jusqu'à 20 Go.
4 Au-delà de 384 Mo jusqu'à 512 Mo. 8 Au-delà de 20 Go jusqu'à 40 Go.
5 Au-delà de 512 Mo jusqu'à 1 Go. 10 Au-delà de 40 Go jusqu'à 80 Go.
8 Au-delà de 1 Go jusqu'à 5 Go. 15 Au-delà de 80 Go jusqu'à 120 Go.
10 Au-delà de 5 Go jusqu'à 10 Go. 20 Au-delà de 120 Go jusqu'à 160 Go.
12 Au-delà de 10 Go jusqu'à 15 Go. 25 Au-delà de 160 Go jusqu'à 250 Go.
15 Au-delà de 15 Go jusqu'à 20 Go. 35 Au-delà de 250 Go jusqu'à 400 Go.
20 Au-delà de 20 Go jusqu'à 40 Go. 45 Au-delà de 400 Go jusqu'à 560 Go.
50 Au-delà de 10 Go jusqu'à 20 Go.

Commentaire :

Avec la publication de la décision n° 10 du 27 février 2008, sont désormais frappés de la redevance pour copie privée les téléphones mobiles dotés d'une capacité de mémoire supérieure à 128 Mo, capables de restituer des contenus audios et/ou vidéos, et dotés de caractéristiques physiques ou logicielles spécifiques à ces fonctionnalités de lecture.

La rémunération pour copie privée constitue, en vertu du droit français et de la Directive 2001/29 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (Directive du 22 mai 2001 N° Lexbase : L8089AU7), la compensation équitable accordée aux créateurs pour le manque à gagner résultant de l'exception pour usage privé instituée au bénéfice de tout consommateur.

Cette décision est entrée en vigueur le 1er mai 2008. C'est une décision provisoire applicable jusqu'à l'entrée en vigueur du barème définitif qui devrait être déterminé au plus tard le 31 décembre 2008. En conséquence, cette décision est applicable aux appareils mis en circulation en France jusqu'au 31 décembre 2008.

Néanmoins, l'avenir de cette décision, dont le vote avait connu d'importantes difficultés avec le départ de la table des discussions, le 22 janvier dernier, des différentes organisations professionnelles du secteur, est fortement remis en question à la suite de la saisie du Conseil d'Etat en annulation de plusieurs décisions similaires de la "Commission Albis" dont, notamment, cette décision.

Les organisations professionnelles du secteur et tout particulièrement le Simavelec (Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques) représentant les intérêts des fabricants d'électronique grand public en France, loin de contester le principe de la rémunération pour copie privée, demandent au Conseil d'Etat l'annulation de ces décisions contestant tout particulièrement le mode de fixation des barèmes de ces rémunérations.

Selon certaines sources proches de la Commission, le commissaire du Gouvernement, sans remettre en question la constitutionnalité de la rémunération, s'est prononcé en faveur de l'annulation de la décision n° 7.

L'arrêt du Conseil d'Etat est attendu pour la fin du mois de juin. En cas d'annulation de cette décision, la "Commission Albis" aura un délai de six mois pour revoir l'ensemble des barèmes applicables.

Cette affaire intervient parallèlement à la consultation sur la copie privée lancée par le Commissaire au marché intérieur de la Commission européenne pour tenter d'harmoniser les systèmes de redevance pour copie privée. Dans ce cadre, et alors que la France répondait en réaffirmant l'efficacité de la "Commission Albis", huit grands groupes industriels, dont Nokia, Apple, Motorola et Philips, ont fait connaître leur volonté de négocier une évolution du système de redevances pour copie privée.

Dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat et des résultats de la consultation européenne, il est fort peu probable que la "Commission Albis" se penche, dans les prochains mois et comme annoncé, sur la question d'une redevance sur les DVD Blu-Ray.

Marc d'Haultfoeuille
Avocat associé
Département Communication Média & Technologies
Cabinet Clifford Chance

newsid:322541

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus