La lettre juridique n°241 du 21 décembre 2006 : Collectivités territoriales

[Textes] Les régions, moteur du développement économique de l'Europe : les idées et les actes de la Commission européenne

Réf. : Règlement (CE) n° 1628/2006 (N° Lexbase : L0245HTA) ; Communication de la Commission "Les régions, actrices du changement économique" (COM/2006/0675 final)

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par Olivier Dubos, Professeur de droit public à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010

L'Europe des régions n'est qu'un mythe et il s'agit probablement d'un mythe, non pas primitif, mais plus probablement primaire. L'Union européenne tire son existence de la seule volonté de ses Etats membres qui conservent par la suite un rôle essentiel dans son fonctionnement. Elle n'appréhende les Etats que de manière monolithique et reste tout à fait indifférente à leur mode d'organisation. Cette solution, tout à fait conforme au droit international, permet à l'Union européenne de ne connaître qu'un seul débiteur des obligations qu'elle édicte : l'Etat central. L'Etat membre de l'Union peut donc être monarchique ou républicain, fédéral ou unitaire, peu importe pourvu qu'il soit démocratique et respecte les droits de l'homme. Il en résulte au profit des Etats une compétence plénière d'auto-organisation que traduit le principe de l'autonomie institutionnelle. Si la construction de liens étroits entre les régions et l'Union européenne est souvent ressentie comme un gain potentiel pour les premières, il n'est pas certain que cette dernière puisse en retirer de quelconques avantages. Eu égard à la grande diversité que recouvre le fait régional dans l'Union européenne, on ne voit pas très bien comment l'Union européenne pourrait établir des relations un tant soit peu homogènes, au moins sur le plan juridique, avec des régions qui vont des Länder allemands ou des Communautés belges aux Comtés danois ou aux Départements helléniques. Le seul bénéfice que pourrait retirer l'Union européenne -et il serait de taille- serait une plus grande légitimité.

L'Union européenne n'ignore pas, pour autant, totalement les régions, mais elle n'a jamais véritablement de liens directs avec elles : l'Etat demeure le truchement de leurs relations. Les régions sont prises en compte dans le droit des aides d'Etat, dans le cadre de la politique de cohésion économique et social, mais toujours en tant qu'espaces géographiques et jamais véritablement comme entités juridiques. Toutefois, l'Union européenne, et particulièrement la Commission, a conscience du rôle des régions comme moteur du développement économique de l'Europe. Deux documents récents de la Commission en témoignent. Le premier est une communication intitulée "Les régions, actrices du changement économique" (COM/2006/0675 final) et constitue une sorte de "boîte à idées" dans le cadre de la Stratégie de Lisbonne (I). Le second revêt, en revanche, une portée normative puisqu'il s'agit du Règlement (CE) n° 1628/2006 de la Commission du 24 octobre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du Traité aux aides nationales à l'investissement à finalité régionale (JOUE n° L 302 du 1er novembre 2006, p. 29) qui permet une exemption de ces aides et les dispense, donc, de l'obligation de notification prévue à l'article 88, paragraphe 3, CE (II).

I. Des idées : la communication "Les régions, actrices du changement économique"

A. Les fondations

1. La communication de la Commission s'inscrit, d'abord, de manière générale dans le cadre de la Stratégie de Lisbonne lancée par le Conseil européen de mars 2000. Le but est de faire de l'Union européenne l'économie la plus compétitive du monde afin de parvenir au plein emploi d'ici 2010. Cet objectif est fondée sur "la connaissance" en misant à la fois sur la société de l'information et la recherche-développement. Le bilan dressé à mi-parcours fut, pour reprendre le remarquable euphémisme de la Commission européenne, "mitigé". L'agenda de Lisbonne a donc été révisé à la baisse fin 2005. Le taux de chômage en Europe et la part de la recherche-développement dans le PIB, surtout lorsqu'ils sont comparés aux indicateurs américains, peuvent laisser penser aux esprits chagrins que la Stratégie de Lisbonne n'est que "paroles, paroles". Cette communication de la Commission apparaît, alors, comme l'une des multiples tentatives plus ou moins désespérées de la Commission Barroso de donner quelque consistance à la Stratégie de Lisbonne.

La méthode ici proposée par la Commission est celle du benchmarking. Il s'agit d'une méthode développée initialement dans les années quatre-vingts en matière de gestion des entreprises. En vue d'une prise de décision optimale, elle permet à une entreprise d'évaluer en amont quelles sont les meilleures pratiques des concurrents. Le benchmarking a été transposé aux politiques publiques par des organisations internationales comme la Banque mondiale. Il n'est nul besoin de préciser que ce procédé n'est pas totalement neutre sur le plan idéologique. Sur le plan pratique, il est évident qu'une telle approche comparative peut être évidemment féconde, mais elle comporte des limites car une bonne pratique ou une bonne réglementation n'est pas systématiquement transposable car tout n'est pas toujours égal par ailleurs, notamment, sur le plan socio-culturel. Quoiqu'il en soit, la Commission européenne s'est à son tour emparée du benchmarking et la communication précise, ainsi, que "l'initiative Les régions, actrices du changement économique' sera consacrée à la découverte des meilleures pratiques en matière de modernisation économique, en particulier celles fondées sur des projets contribuant nettement aux objectifs de l'Union en matière d'emploi, de croissance, et à leur diffusion auprès des autres régions, afin d'aider à stimuler la croissance régionale et à réduire les disparités économiques".

2. Cette communication est, ensuite, en lien étroit avec la réforme des fonds structurels (2007-2013). Il s'agit pour la Commission d'instaurer "un rapport clair entre la convergence économique régionale et la modernisation économique". Ainsi, les régions les plus défavorisées doivent affecter 60 % de leurs investissements à la modernisation et pour les autres régions (et notamment toutes les régions françaises métropolitaines) l'objectif est de 75 %.

Pour ces dernières, la communication précise que "l'initiative sera fondée sur le recentrage de deux instruments existants de la politique européenne -le programme de coopération interrégionale et le programme de développement urbain- autour de thèmes de développement économique définis par la Commission en accord avec les orientations stratégiques communautaires en matière de cohésion. De plus, cette initiative fonctionnera au sein du nouvel objectif de coopération territoriale européenne". C'est, en effet, grâce à ces deux instruments, qui bénéficient pour 2007-2013 d'un budget de 375 millions d'euros, que les régions françaises pourront obtenir des financements communautaires.

B. Les propositions

1. Dans le cadre de la politique régionale, les régions et les villes pourront créer et gérer leurs propres réseaux, mais sont incitées à agir dans le cadre de l'objectif de modernisation économique, tel qu'il est conçu par la Commission. Les orientations stratégiques européennes ont ainsi défini trois grands thèmes dans lesquels devront s'inscrire l'action de ces réseaux. Il s'agit, d'abord, d'"améliorer l'attractivité des Etats membres, des régions et des villes en améliorant l'accessibilité, en garantissant une qualité et un niveau de services adéquats et en préservant leur potentiel environnemental". Ensuite, la Commission entend "encourager l'innovation, l'esprit d'entreprise et la croissance de l'économie de la connaissance en favorisant la recherche et l'innovation, y compris l'éco-innovation et les nouvelles technologies de l'information et de la communication". Enfin, doivent pouvoir être créés "des emplois plus nombreux et de meilleure qualité en attirant un plus grand nombre de personnes sur le marché du travail ou vers la création d'entreprises, en améliorant la capacité d'adaptation des travailleurs et des entreprises et en augmentant l'investissement dans le capital humain". Qui pourrait écarter des perspectives aussi séduisantes ?

2. Le benchmarking sera mis en oeuvre grâce à une passerelle à double sens entre l'initiative "Les régions, actrices du changement économique" et les programmes de la politique régionale. Les régions qui auront développé de bonnes pratiques dans le cadre de la politique régionale pourront bénéficier d'une évaluation dans le cadre de l'initiative, afin que ces pratiques puissent faire l'objet d'une diffusion dans l'ensemble de la Communauté. Les régions et les villes qui agiront dans le cadre de l'initiative devront démontrer que leur projet s'inscrit dans le cadre des programmes régionaux. Pour favoriser la création de telles passerelles, la Commission inscrira ces programmes dans le cadre d'un "volet accéléré" (sic !).

3. Dans le cadre de "volet accéléré", la Commission jouera un rôle de chef de file d'un réseau auquel participeront de manière volontaire les régions et les villes. Elle déterminera les thèmes et fournira l'aide de ses experts. Il semblerait, ainsi, que des financements pourraient être plus facilement obtenus soit dans le cadre du Fonds européen de développement régional que de la Banque européenne d'investissement ou de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement.

4. Enfin, la Commission insiste sur la nécessité d'une "communication efficace". Seront ainsi organisées des conférences annuelles, sera lancé un site internet pour l'échange des bonnes pratiques et sera créé un prix annuel de l'innovation qui sera attribué aux meilleurs projets liés à la modernisation économique. Peut-on reprocher à la Commission d'avoir parfaitement assimilé que la communication est la première forme de la gouvernance des sociétés post-modernes ?

II. Des actes : le Règlement concernant l'application des articles 87 et 88 du Traité aux aides nationales à l'investissement à finalité régionale

A. Champ d'application

1. Le Règlement s'applique, d'abord, aux aides régionales à l'investissement transparent et les définit comme celles qui "permettent de calculer précisément ex ante l'équivalent-subvention brut en pourcentage des dépenses admissibles sans devoir procéder à une appréciation des risques (par exemple régimes utilisant des subventions, des bonifications d'intérêts ou des mesures fiscales plafonnées)" (article 2, paragraphe 1, i)). Il s'applique, également, aux aides ad hoc, si elles sont utilisées en complément d'aides accordées sur la base d'un régime d'aides régionales à l'investissement transparent et si l'élément ad hoc ne dépasse pas 50 % de l'aide totale à accorder pour l'investissement. Les aides ad hoc sont celles qui ne sont pas accordées sur la base d'un régime particulier d'aides.

2. Toutefois, il est précisé que ce Règlement ne s'applique pas dans certains domaines et, notamment, la pêche et l'aquaculture, la construction navale, les secteurs du charbon, de l'acier et des fibres synthétiques. Certains types d'aides sont également exclus : les aides en faveur des activités liées aux exportations vers des pays tiers ou des Etats membres et les aides subordonnées à l'utilisation de produits nationaux de préférence à des produits importés.

B. Conditions d'application

1. Des conditions spécifiques sont prévues par le Règlement pour les aides à l'investissement initial (article 4). L'investissement initial est ainsi défini : "i) un investissement en immobilisation corporelles et incorporelles se rapportant à la création d'un établissement, à l'extension d'un établissement existant, à la diversification de la production d'un établissement sur de nouveaux marchés de produits, à un changement fondamental de l'ensemble du processus de production d'un établissement existant ; ou ii) l'acquisition d'actifs immobilisés directement liés à un établissement, lorsque l'établissement a fermé, ou aurait fermé sans cette acquisition, et que les actifs sont achetés par un investisseur indépendant" (article 2, paragraphe 1, c)).

2. L'aide doit être, alors, accordée uniquement dans les régions pouvant bénéficier d'aides régionales telles qu'elles ont été déterminées pour la période 2007-2013 par la carte des aides régionales. Elle ne doit, également, pas dépasser le plafond fixé par chaque Etat membre tel qu'il est défini dans cette carte. Les aides à l'investissement initial doivent, en outre, remplir certaines conditions spécifiques. L'investissement doit être maintenu dans la région bénéficiaire pour une période minimum de cinq ans qui est ramenée à trois ans pour les PME. Les immobilisations incorporelles sont soumises à des conditions très rigoureuses (v. article 4, paragraphe 2).

Il ne reste plus qu'à espérer que cette communication et ce Règlement produisent les effets escomptés ; rendez-vous en 2010 pour le bilan de la Stratégie de Lisbonne...

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