La lettre juridique n°241 du 21 décembre 2006 : Habitat-Logement

[Textes] Décret relatif à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux et à la sécurité des immeubles collectifs d'habitation

Réf. : Décret n° 2006-1359 du 8 novembre 2006 relatif à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux et à la sécurité des immeubles collectifs d'habitation (N° Lexbase : L1245HTB)

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le 07 Octobre 2010

Le décret relatif à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux et à la sécurité des immeubles collectifs d'habitation a été pris en application de l'ordonnance du 15 décembre 2005 relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux (1). Cette ordonnance avait en particulier apporté une simplification notable de la procédure applicable aux arrêtés de péril "non imminent". Les modalités de la procédure contradictoire prévue préalablement à la signature de l'arrêté de péril se trouvent aujourd'hui précisées. Le décret porte sur trois points principaux : les immeubles menaçant ruine ; la sécurité des immeubles collectifs à usage principal d'habitation ; les immeubles insalubres. I. Le péril "non imminent" et la police des édifices menaçant ruine

A. Pouvoir de police spéciale et pouvoirs de police générale

Pour assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique, le maire dispose de ses pouvoirs de police générale (2). Il dispose, également, d'un pouvoir de police spéciale (3) lui conférant l'autorité pour prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments, ou édifices menaçant ruine (4). La distinction s'établit sur l'origine du péril. La police spéciale s'exerce lorsque les causes du danger sont liées au bâtiment lui-même. Lorsque le danger provient de causes extérieures, la police générale s'exerce. Puisque dans le premier cas la responsabilité incombe au propriétaire, les travaux sont exécutés à leurs frais. Dans le second cas, ils restent à la charge de la commune, d'où l'importance du choix de la procédure.

Le Conseil d'Etat a confirmé, comme critère exclusif, la distinction extrinsèque ou intrinsèque du danger affectant l'immeuble (5). Néanmoins, en situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent, le maire peut prendre les mesures de sûreté nécessaires sur la base de ses pouvoirs de police générale, même si ce péril relève, de par son origine intrinsèque, de la police spéciale (6). La sauvegarde de la sécurité collective autorise ce recours et justifie la prise en charge par la collectivité des travaux prescrits.

B. Péril "ordinaire" et péril "imminent"

L'ordonnance du 15 décembre 2005 a permis de clarifier la distinction entre péril imminent et péril non imminent (7). Le péril "ordinaire" est caractérisé par le risque d'un effondrement compromettant la sécurité publique ou d'absence de garantie quant à la solidité nécessaire au maintien de la sécurité publique. Le maire peut alors prescrire la réparation ou la démolition de l'édifice.

Dès lors que le péril apparaît immédiat, le maire prend les mesures provisoires nécessaires pour parer à l'imminence du danger (8). L'urgence de la situation, constatée par le maire et validée par un expert, impose ces mesures. Hors le cas où le propriétaire a exécuté des travaux mettant un terme au péril, le maire doit veiller à ce qu'il soit mis fin durablement au danger : à la procédure de péril imminent, succède une procédure de "péril ordinaire". Un arrêté de péril ordinaire suit donc logiquement un arrêté de péril imminent.

II. La procédure de péril "non imminent"

Tant la procédure de péril imminent que celle relative au péril ordinaire ont été modifiées par l'ordonnance du 15 décembre 2005 (9). La nouvelle procédure de péril ordinaire se trouve simplifiée : la phase contradictoire est renvoyée avant la signature de l'arrêté de péril et l'homologation par le juge administratif est supprimée. Elle est précisée par le décret du 10 novembre 2006.

A. Phase contradictoire

Le maire, informé des désordres affectant un édifice, en avise le propriétaire, tel qu'il figure au fichier immobilier de la conservation des hypothèques, ou au Livre foncier. Le maire lui demande ses observations dans un délai qu'il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois. Il joint à ce message les éléments utiles en sa possession (10).

Cette information est effectuée par une lettre remise contre signature. Ce préalable constitue une formalité impérative et doit permettre aux propriétaires de faire valoir leurs observations. Le cas échéant, ils pourront procéder aux travaux exigés par la situation. Passé le délai fixé, l'absence de réponse ou une réponse dilatoire permettront au maire de prendre l'arrêté de péril (11).

B. Arrêté de péril

Prise de l'arrêté. Lorsque le péril persiste du fait du silence du propriétaire ou de son inaction pour réaliser des travaux, le maire prend un arrêté de péril, en application de l'article L. 511-2 (N° Lexbase : L1146HP7), ordonnant les travaux de réparation, ou de démolition à effectuer dans le délai fixé. Ce délai d'exécution des travaux ne peut être inférieur à un mois (12).

Si la sécurité des habitants d'un immeuble d'habitation est menacée, l'arrêté de péril peut être assorti d'une interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux. L'interdiction peut être temporaire ou définitive, dans ce dernier cas, la date d'effet ne peut être fixée au-delà d'un an. L'arrêté précise également la date à laquelle le propriétaire de l'habitation doit informer le maire de l'offre d'hébergement ou de relogement qu'il a faite aux occupants (13).

Notification et transmission. L'arrêté est notifié aux propriétaires et aux occupants. Elle peut également se faire par affichage à la mairie de la commune où est situé l'immeuble et sur ce dernier. Cet affichage est pertinent en cas de doute sur l'identification des occupants ou des propriétaires. L'arrêté doit être transmis au préfet dans le cadre du contrôle de légalité (14). Le maire peut demander sa publication, aux frais du propriétaire, à la conservation des hypothèques, ou au livre foncier dont dépend l'immeuble.

L'arrêté de péril est communiqué au président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat, aux organismes payeurs des aides personnelles au logement ainsi qu'au gestionnaire du fonds de solidarité pour le logement du département lorsque le bâtiment concerné est à usage d'habitation (15).

C. Exécution des mesures prescrites

Mise en demeure. Si les mesures ordonnées dans l'arrêté n'ont pas été exécutées par le propriétaire, le maire le met en demeure d'effectuer les travaux ou la démolition spécifiés dans un nouveau délai qui ne peut être inférieur à un mois. L'absence de réaction du propriétaire entraînera leur exécution par le maire.

Protection du patrimoine et des sites. L'avis de l'architecte des Bâtiments de France doit être sollicité par le maire dans les cas où l'immeuble frappé de péril est inscrit au titre des monuments historiques, situé dans le champ de visibilité d'un immeuble classé, dans une zone de protection du Code du patrimoine ou encore protégé au titre du Code de l'environnement. L'avis est réputé émis en l'absence de réponse dans le délai de quinze jours (16).

Exécution des travaux ou de la démolition. Sans autorisation préalable, le maire a l'obligation de procéder aux travaux d'office en cas de silence ou de non-réalisation par le propriétaire. En revanche, si la mesure prescrite est la démolition, son exécution d'office nécessite l'autorisation du juge des référés judiciaire.

D. Arrêté constatant la réalisation des travaux

Le maire constate, par arrêté, la réalisation des travaux prescrits, ainsi que leur date d'achèvement sur le rapport d'un homme de l'art. Il prononce la mainlevée de l'arrêté de péril et, le cas échéant, de l'interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux. L'arrêté de constatation se trouve notifié et transmis à l'identique de l'arrêté de péril. Il est publié à la conservation des hypothèques ou au livre foncier dont dépend l'immeuble pour chacun des locaux, et aux frais du propriétaire.

E. Contenu de la créance

Les frais des travaux ou de la démolition incombent au propriétaire défaillant. Le montant de la créance née de l'exécution d'office comprend le coût de l'ensemble des mesures rendues nécessaires, notamment, la rémunération de la maîtrise d'ouvrage, y compris les diagnostics ou expertises nécessaires, les missions complémentaires telles que l'assistance à la maîtrise d'ouvrage, le contrôle technique, la coordination sécurité ou protection de la santé ou les missions de coordination du chantier, les frais d'assurance, éventuellement les expertises ou travaux complémentaires nécessaires pour assurer la sécurité de l'ouvrage ou celle des bâtiments mitoyens (17). Le montant des frais est recouvré comme en matière d'impôts directs.

III. Immeubles en copropriété

Dans le même temps, le décret apporte des précisions de procédure relatives au péril et, parallèlement, à la sécurité des équipements communs des immeubles collectifs à usage principal d'habitation. En effet, les procédures applicables à ces équipements sont identiques à celle du péril depuis la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 (18). Quelques points diffèrent.

A. Phase contradictoire

Dans le cas d'un immeuble en copropriété, l'information est faite au syndicat des copropriétaires, pris en la personne du syndic, qui la transmet aux copropriétaires dans un délai qui ne peut excéder vingt et un jours. Le délai dans lequel le syndic apporte ses observations quant au péril se trouve fixé à deux mois au lieu d'un seul.

B. Arrêté de péril

Dans le cas d'un immeuble en copropriété, lorsque les travaux prescrits ne concernent que les seules parties communes, la notification aux copropriétaires est valablement faite au seul syndicat de la copropriété, pris en la personne du syndic qui la transmet aux copropriétaires dans le délai de vingt et un jours à compter de la réception.

C. Exécution des mesures prescrites

Dans le cas où l'inexécution de l'arrêté de péril résulte de la défaillance de certains copropriétaires, le syndic informe le maire des démarches entreprises pour faire réaliser les travaux. Il lui fournit une attestation de défaillance. La défaillance résulte de l'absence de réponse ou de la réponse partielle aux appels de fonds destinés à financer les travaux prescrits dans le délai de quinze jours à compter de la sommation à payer.

L'autorité publique se décide dans un délai d'un mois à se substituer aux copropriétaires défaillants. Elle ne peut se substituer qu'aux seuls copropriétaires défaillants. La décision est notifiée par le maire au syndic et aux propriétaires défaillants, ainsi que les sommes versées pour leur compte. La maîtrise d'ouvrage des travaux est donc assurée dans ce cas par le syndicat des copropriétaires. Dans le cas d'une défaillance généralisée, la commune ne peut recourir à la procédure de substitution : le maire devra engager les travaux d'office.

D. Contenu de la créance

La commune informe le syndic lorsqu'elle a recouvré la totalité de la créance qu'elle détient sur un copropriétaire défaillant et auquel elle s'est substituée. Tant que la créance n'est pas recouvrée, le syndic notifie sans délai à la commune toute mutation concernant un lot d'un propriétaire défaillant. La commune peut, ainsi, faire valoir ses droits auprès du notaire qui en est chargé.

IV. Equipements communs des immeubles collectifs à usage principal d'habitation

Le décret du 8 novembre 2006 précise la procédure applicable lorsque les équipements communs des immeubles collectifs à usage principal d'habitation présentent un fonctionnement défectueux ou un défaut d'entretien de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants, hors cas de danger imminent. Les dispositions réglementaires sont identiques à celles qui ont été prévues pour les bâtiments menaçant ruine (19).

V. Immeubles insalubres

Le décret du 8 novembre 2006 introduit huit articles au Code de la santé publique qui visent des situations identiques à celles ayant fait l'objet des dispositions en matière de bâtiments menaçant ruine (20). Les mesures sont adaptées pour être propres à résorber l'insalubrité.

VI. Référé instruction

Les modifications apportées aux procédures de péril et de sécurité des équipements communs des immeubles collectifs d'habitation ont rendu nécessaire une adaptation du Code de justice administrative. Un chapitre VI est inséré, relatif au référé en matière de péril et de sécurité des équipements communs des immeubles collectifs d'habitation. Le référé prévu est un "référé instruction" de l'article R. 532-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3075ALH). Il est pris par le juge des référés saisi par simple requête.

Le contenu de la mission de l'expert désigné par le juge se trouve précisée.

Nicolas Wismer
Collaborateur juridique à des associations de collectivités territoriales
Chargé d'enseignement en droit public à l'IEP de Lyon


(1) Ordonnance n° 2005-1566 du 15 décembre 2005, relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux (N° Lexbase : L5276HDR).
(2) CGCT, art. L. 2212-2 (N° Lexbase : L8691AA7) à L. 2212-4.
(3) CGCT, art. L. 2213-24 (N° Lexbase : L8710AAT).
(4) CCH, art. L. 511-1 (N° Lexbase : L8421HEM) à L. 511-4.
(5) CE, 4° et 5° s-s-r.,10 octobre 2005, n° 259205, Commune de Badinières (N° Lexbase : A0028DLM).
(6) Idem.
(7) F. Dieu, La ratification de l'ordonnance relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux, Revue Lexbase de Droit Public, n° 9 du 20 juillet 2006 (N° Lexbase : N1026ALL).
(8) Idem.
(9) Nous renvoyons à l'article de F. Dieu précité.
(10) CCH, nouv. art. R. 511-1.
(11) Cette procédure se substitue donc à l'homologation de l'arrêté du maire par le tribunal administratif, à la suite d'une contestation ou du silence des propriétaires.
(12) CCH, nouv. art R. 511-3.
(13) En application de l'article L. 521-3-1 du CCH (N° Lexbase : L8436HE8).
(14) CGCT, art. L. 2131-1 (N° Lexbase : L2000GUM).
(15) CCH, nouv. art. R. 511-4.
(16) CCH, nouv. art. R. 511-2.
(17) CCH, nouv. art. R. 511-5.
(18) Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, portant engagement national pour le logement (N° Lexbase : L2466HKK).
(19) CCH, nouv. art. R. 129-2 et R. 129-3.
(20) C. santé publ., nouv. art. R. 1331-4 à R. 1331-11.

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