La lettre juridique n°231 du 12 octobre 2006 : Éditorial

De l'indemnisation collective des actionnaires vers l'introduction de l'action de groupe

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De l'indemnisation collective des actionnaires vers l'introduction de l'action de groupe. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3208599-de-lindemnisation-collective-des-actionnaires-vers-lintroduction-de-laction-de-groupe
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

le 27 Mars 2014


Le thème n'est pas nouveau, le contentieux des juridictions du fond fourmille de litiges portant condamnation de dirigeants sociaux pour manquement à leur obligation de délivrer une information exacte au public sur les sociétés qu'ils gèrent (cf. dernièrement CA Paris, 1ère ch., sect. H, 4 juillet 2006, n° 2005/24379). Mais jusqu'à présent, c'est la société elle-même ou l'Autorité des marchés financiers qui prenait l'initiative de demander la sanction des dirigeants sociaux soupçonnés d'actes délictueux, auprès des magistrats. Seulement cinq affaires avaient abouti à la réparation pécuniaire du préjudice ainsi subi par des actionnaires des sociétés concernées. Toutefois, une récente décision, rendue le 12 septembre 2006, par la 11ème chambre du tribunal correctionnel de Paris sort, assurément, du lot, tant le principe d'une indemnisation collective, sur le terrain pénal, des actionnaires (plus de 700, en l'espèce) s'étant portés partie civile, directement ou par l'intermédiaire de diverses associations, s'avère être un principe désormais admis par les juges ; et tant, les incidences en matière civile de cette décision semblent inévitables et d'une envergure sans précédent. En effet, jusqu'à présent, les magistrats, par le truchement de la Haute juridiction, ne reconnaissaient pas la possibilité à un actionnaire de demander la réparation d'un préjudice causé à la suite d'un délit (ex. abus de biens sociaux) commis par un dirigeant social ; les juges estimaient que la principale victime était la société elle-même (conséquence des attributs de la personnalité morale). Or, au travers de ce jugement, les juges du tribunal correctionnel de Paris entendent reconnaître une action collective (du moins au pénal) aux actionnaires s'estimant lésés par une information inexacte et trompeuse rendue sur la société dont ils sont associés ; sans doute que le fait, en l'espèce, que les dirigeants et la société concernée aient été sur le même banc des accusés, a permis de dégager une responsabilité conjointe à l'endroit des actionnaires. Par ailleurs, les implications civiles de cette décision ne sont pas minces : si les juges du tribunal correctionnel ont accordé le paiement d'une indemnisation collective et forfaitaire de 10 euros par action, il incombe, désormais, et sans doute, au juge civil d'accorder des dommages et intérêts aux plus de 124 000 autres actionnaires de la société condamnée après évaluation des préjudices réellement subis. Rappelons au passage, que l'on envisage mal un juge civil ne pas satisfaire, sur le principe, à la demande de dommages et intérêts formulée par ces actionnaires, compte-tenu de l'application du principe de l'autorité de la chose jugée au pénal (sur ce thème, mais dans un registre tout autre (en matière sociale), lire cette semaine Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, La délicate application du principe de l'autorité de la chose jugée au pénal). Enfin, il n'est pas incongru d'inscrire cette décision dans un contexte politico-judiciaire particulier : l'introduction des actions de groupe ou "class action", en France. Ironie du sort, le Garde des Sceaux se présentait, le même jour, auprès du Sénat, afin de dévoiler "sa" conception de l'action de groupe, en France. Il retenait, ainsi, l'instauration d'une action en déclaration de responsabilité, ouvrant à une association agréée de consommateurs le droit d'agir contre un professionnel et aux consommateurs victimes celui de demander sur cette base réparation de leur préjudice individuel. Cette disposition est de nature à éviter que les juridictions soient saisies d'actions abusives. Dans ce système, le groupe de consommateurs n'est constitué que par les personnes ayant expressément entendu se joindre à l'action. Le champ de l'action est, lui aussi, encadré. Il recouvre la réparation des préjudices matériels et du trouble de jouissance des consommateurs nés d'un manquement d'un professionnel à ses obligations contractuelles. Ainsi, dans un premier temps, le juge se prononce sur la responsabilité du professionnel mais sans fixer le préjudice subi par les consommateurs qui ne sont pas parties à l'action. Si le professionnel est déclaré responsable, la décision fait l'objet d'une publicité selon des modalités fixées par le jugement. Le juge surseoit à statuer sur la liquidation des préjudices individuels des consommateurs, il leur impartit un délai pour adresser au professionnel concerné une demande d'indemnisation et fixe la date à laquelle l'affaire sera rappelée devant lui. Chaque consommateur victime peut alors présenter une demande d'indemnité au professionnel lui-même tenu de faire une offre accompagnée d'un chèque. Si le consommateur accepte l'offre, il obtiendra ainsi immédiatement la réparation de son préjudice. La brèche ayant été ouverte, quid de la réaction des magistrats en charge des affaires "Regina Rubens", "Eurotunnel", "Kalisto", "Marionnaud", "Guy Dregrenne", etc. et bien entendu, "Vivendi" ; affaires à suivre... Pour revenir sur les implications de cette décision du tribunal correctionnel de Paris, les éditions juridiques Lexbase vous invitent à lire le commentaire de Jean-Baptiste Lehnof, Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne, Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne), L'affaire du groupe d'emballage "Sidel", "class actions" en paquet en correctionnelle.

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