Réf. : CE, 3° et 8° s-s., 10 mars 2006, n° 263183, Société Sept c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A4850DNX)
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par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines
le 07 Octobre 2010
Décision : CE, 3° et 8° s-s., 10 mars 2006, n° 263183, Société Sept c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A4850DNX)
Confirmation : CAA Douai, 2ème ch., 28 octobre 2003, n° 99DA20216, SARL Sept c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A3398DA4) Mots-clés : Abandon de créance ; acte anormal de gestion ; intégration fiscale Textes concernés : CGI, art. 223 A et art. 223 B Liens bases : ; (N° Lexbase : E0901ATK) |
Faits
1. Une société holding (la société Sept), constituée seule redevable de l'IS au titre du régime de l'intégration fiscale, avait déduit deux abandons de créance correspondant à deux emprunts consentis à une société (la société Proson), détenue à 99 % par l'une de ses filiales (la société Régir), dont elle détenait 99 % des titres ; 2. L'administration fiscale, suivie par les juges de la cour administrative d'appel, avait rejeté les prétentions de la société requérante, au motif que cette dernière ne justifiait d'aucun intérêt propre à consentir des abandons de créance à sa sous-filiale, tant du point de vue commercial que financier, dès lors que son activité était de gérer des participations et qu'elle ne détenait aucune part du capital social de la société débitrice. |
Solution
1. Une société peut, sans commettre un acte anormal de gestion, prévenir les difficultés d'une sous-filiale en lui consentant une aide, même si elle n'entretient aucune relation commerciale avec elle ; 2. Sauf preuve contraire, cette aide financière doit être réputée augmenter la valeur de la participation détenue dans le capital de la filiale qui contrôle la sous-filiale ; 3. Aucune disposition ne permet aux sociétés ayant opté pour le régime de l'intégration fiscale de déduire, dans des conditions différant de celles du droit commun, une aide apportée à une société qui n'appartient pas au groupe intégré ; 4. Rejet. |
Observations
1. L'abandon de créance, consenti à titre commercial ou financier par un créancier, n'est admis en déduction des résultats de ce dernier que s'il correspond à un acte de gestion normale. L'intérêt de l'entreprise conditionnant le régime de déductibilité de l'aide, celui-ci doit pouvoir être rapporté (CE Contentieux, 21 juin 1995, n° 132531, SA Sofige c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4488ANK) ; les faits étant souverainement appréciés par les juges du fond (CE Contentieux, 10 juillet 1992, n° 110213, Société Musel S.B.P. c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A7494ARY). A ce titre, le Conseil d'Etat estime que les abandons de créance à titre commercial sont intégralement déductibles du résultat imposable de l'entreprise qui les a consentis, si elle peut établir avoir profité d'une contrepartie réelle et suffisante (CE Contentieux, 27 novembre 1981, n° 16814, SA X c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A5457AKC). Dans le cas contraire, il s'agit d'un acte anormal de gestion, transposition du "concept commercial d'acte non conforme à l'intérêt social, mais avec deux différences de taille : seule l'administration peut l'invoquer et elle peut agir d'office" (Conclusions de P.-F. Racine sous CE Contentieux, 27 juillet 1984, n° 34588, Société anonyme Renfort Service c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A7122ALD). Dans l'hypothèse d'une procédure contradictoire, la preuve incombe, alors, à l'administration fiscale (CE Contentieux, 15 février 1999, n° 172171, SARL Le Centre d'Etude c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4784AXH ; contra : en cas de procédure d'imposition d'office : CE Contentieux, 8 janvier 1993, n° 87631, M . Bernard Spitaletto c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A7997AM7). La jurisprudence admet qu'un créancier accorde une aide à une entreprise, et ce quelle qu'en soit la nature (subvention, abandon de créance, etc.), dès lors qu 'elle est justifiée, notamment, par un partenariat économique. Ainsi, le Conseil d'Etat a, déjà, jugé qu'en présence de liens commerciaux étroits, un abandon de créance visant à prévenir la mise en liquidation d'une société n'était pas constitutif d'un acte anormal de gestion (CE Contentieux, 26 juin 1992, n° 68646, Société anonyme "Bisch Marley" c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A0823AIC). Concernant la déductibilité des abandons de créances au profit d'une filiale, l'aide ne constitue pas un acte anormal de gestion pour la société mère s'il répond à son intérêt commercial ou à son intérêt financier. Au cas particulier, la société holding Sept avait consenti deux prêts, objets de l'abandon de créances, à la société Proson détenue par une filiale de la société Sept : la société Régir. Cette dernière avait, auparavant, contracté un emprunt auprès de la société holding pour consentir elle-même un prêt à la société Proson. La requérante entendait, alors, pouvoir déduire de ses résultats imposables les abandons de créance consentis à la sous-filiale. Le Conseil d'Etat approuve la décision des juges du fond d'avoir considéré que l'abandon de créance de la société Sept à l'intention de sa sous-filiale, la société Proson, ne répondait pas aux conditions de déductibilité. Les juges du fond ont relevé qu'il n'existait entre ces deux sociétés aucun liens commerciaux : la créancière, en qualité de société holding, avait une activité de gestion de ses titres de participation ; l'objet social de la société débitrice était relatif au marketing et à la publicité. Cependant, les Hauts magistrats administratifs, par un considérant de principe, permettent à une société, qui n'entretient pas de relation commerciale avec sa sous-filiale, de prévenir ses difficultés financières, ce que les faits de l'espèce ne rapportent pas, en lui accordant une aide. Le Conseil d'Etat précise alors que "sauf preuve contraire, cette aide devra être réputée augmenter la valeur de la participation détenue dans le capital de la filiale qui contrôle la sous-filiale". En effet, dans l'hypothèse d'un abandon de créance à titre financier, l'aide obéit à un régime particulier interdisant sa déductibilité pour la fraction excédant la situation nette négative (CE Contentieux, 1er juillet 1991, n° 61065, SA "La Bellignite" c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A0760AIY). Au cas particulier, n'ayant pas soutenu que l'aide n'aurait pas valorisé sa participation dans le capital de la société Régir, la requérante ne pouvait déduire les abandons de créances à titre financier de ses résultats imposables. 2. Le régime de l'intégration fiscale permet à une société tête de groupe de se constituer, sous certaines conditions, seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient au moins 95 % du capital. A ce titre, il est fait masse de l'ensemble des résultats déterminé dans les conditions de droit commun. Cependant, le sixième alinéa de l'article 223 B du CGI prévoit une neutralisation des abandons de créance consentis entre sociétés du même groupe intégré pour la détermination du résultat d'ensemble. Cela consiste en la déduction du montant de l'abandon de créance du résultat de la société bénéficiaire et, corrélativement, de la réintégration dans les résultats de la société créancière. Ce régime vient d'être aménagé par la loi de finances pour 2006 (loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 N° Lexbase : L6429HET). En effet, le montant des abandons de créance intra-groupe non retenu pour la détermination du résultat d'ensemble ne peut, dorénavant, excéder la valeur d'inscription de la créance à l'actif du bilan de la société qui consent l'abandon. Ce dispositif permet de limiter le principe de neutralisation des abandons de créance intra-groupes dans l'hypothèse où une société du groupe, débitrice à l'égard d'une société tierce, bénéficie d'un abandon de cette créance par la société intégrée l'ayant rachetée pour un prix inférieur à sa valeur nominale. Au cas particulier, le Conseil d'Etat rappelle que les dérogations au droit commun prévues par le régime d'intégration fiscale constituent une exception. Aussi, une société qui ne fait pas partie du groupe intégré ne peut se voir appliquer les règles dérogatoires prévues par cette législation spéciale. La sous-filiale Proson ne faisant pas partie du groupe intégré constitué des sociétés Sept et Régir, la société holding ne pouvait déduire les abandons de créances que dans les conditions de droit commun et non celles résultant du régime d'intégration fiscale. |
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