La lettre juridique n°208 du 30 mars 2006 : Fiscalité des particuliers

[Jurisprudence] Versement d'un acompte sur succession, interruption de prescription et durée de la nouvelle prescription

Réf. : Cass. com., 14 mars 2006, n° 04-18.519, Société civile professionnelle (SCP) Durant des Aulnois-Pisani-Thabeault-Dubost c/ Mme Yveline Lasne, FS-P+B (N° Lexbase : A6083DNM)

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

le 07 Octobre 2010

Dès lors que le paiement d'un acompte sur les droits de succession dus à la suite d'un décès a pu interrompre le délai de prescription de dix ans, qui court contre l'administration à compter du fait générateur de l'impôt, cette interruption a eu pour effet d'ouvrir un nouveau délai de même nature et de même durée. Telle est la solution, inédite en matière de droits de succession, que vient de rendre la Haute juridiction judiciaire par un arrêt en date du 14 mars 2006. Si les conséquences de l'interruption étaient prévisibles, le caractère interruptif du versement d'un acompte, qui ne comportait aucune indication quant à la consistance des biens dépendant de la succession, est, en revanche, plus surprenant. 1. Le versement d'un acompte, acte interruptif de prescription

On sait que, pour l'application des dispositions de l'article L. 189 du LPF (N° Lexbase : L8757G8T), les actes comportant reconnaissance par les contribuables de leur dette envers le Trésor sont susceptibles d'interrompre tous les délais de prescription, qu'il s'agisse de ceux de l'action en reprise ou de ceux de l'action en recouvrement (Doc. adm. 13 L 1211, 1er juillet 2002, n° 33). Expresse, cette reconnaissance peut être donnée sous une forme quelconque, simple missive ou déclaration tardive, par exemple. Tacite, elle peut résulter de tout acte du débiteur impliquant, sans équivoque, son aveu de la créance de l'administration, comme, par exemple, le versement d'un acompte, une demande de délais ou encore une offre de constitution de garanties. Mais, précise la doctrine administrative, "la reconnaissance n'a d'effet interruptif qu'à l'égard des créances que le débiteur désigne sans ambiguïté, ni réserve. Il importe, en particulier, que le versement d'un acompte soit accompagné d'une déclaration du redevable précisant la ou les créances, auxquelles il entend affecter cet acompte".

1.1. Reconnaissance de dette en matière de TVA, d'impôt sur les sociétés et d'impôt sur le revenu

L'inscription à un compte tiers sous la rubrique "444 Etat-impôt sur les bénéfices" d'une somme sous la désignation "impôt sur les sociétés 1991" vaut reconnaissance de dette s'agissant de l'impôt sur les sociétés de l'année 1991 (CAA Marseille, 26 février 2004, n° 02MA02324, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SARL Agostini N° Lexbase : A6791DB7). De même, l'inscription d'une même somme au débit du compte "TVA déductible" et au crédit du compte "TVA à décaisser" constitue un acte comportant reconnaissance au sens de l'article L. 189 du LPF (CAA Bordeaux, 3ème ch., 15 mai 2001, n° 99BX02092, EURL Firman c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4583AYE). Au cas particulier, l'inscription dans ces deux comptes implique l'existence d'une créance certaine, dont le paiement est seulement différé.

1.2. Reconnaissance de dette en matière de droits de succession

S'agissant de la prescription de l'action en recouvrement, quatorze versements partiels afférents aux impositions, dont le recouvrement est poursuivi, ont pour effet d'interrompre la prescription (CE Contentieux, 29 octobre 2001, n° 220567, M. Aveline c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A1762AXK). En revanche, le caractère interruptif d'une reconnaissance de dette n'a pas été reconnu à un versement de 300 francs (soit, environ, 46 euros), alors que le redevable était débiteur d'une somme totale de 460 527 francs (soit 70 202 euros) (CA Paris, 1ère ch., sect. B, 23 octobre 2003, n° 2002/09668, Madame Gances Lucette Adrienne épouse Gaumont c/ Monsieur le receveur principal des impôts du 11ème arrondissement Sainte Marguerite N° Lexbase : A1760DAG). Selon le juge, une telle somme, dérisoire au regard de la dette globale, ne pouvait être assimilée sans équivoque à un aveu de la créance de l'administration.

S'agissant de la prescription de l'action en reprise, la doctrine administrative précise que la reconnaissance n'a d'effet interruptif qu'à l'égard des créances que le débiteur désigne sans ambiguïté, ni réserve. Ainsi, "il importe, en particulier, que le versement d'un acompte soit accompagné d'une déclaration du redevable précisant la ou les créances auxquelles il entend affecter cet acompte" (Doc. adm. 13 L 1211, 1er juillet 2002, n° 33). Cependant, dans l'affaire examinée par la Cour de cassation, l'acompte, jugé interruptif de prescription par la cour d'appel, mentionnait, certes, la date et le lieu du décès, mais ne comportait aucune indication quant à la consistance de l'actif successoral. Cette constatation est d'importance, dès lors qu'il est estimé que la prescription est interrompue en ce qui concerne la nature de la nouvelle prescription ouverte, comme en a jugé la cour. Néanmoins, force est de constater que l'absence d'éléments permettant d'établir que des droits pouvaient être dus au-delà de l'acompte versé n'a pas été jugé de nature à écarter l'interruption de la prescription.

2. Nature du nouveau délai de prescription

La question a peu d'intérêt en ce qui concerne la TVA, l'impôt sur le revenu et sur les sociétés. En effet, le délai de reprise, sauf cas exceptionnel des activités occultes, expire à la fin de la troisième année, qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. En cas d'interruption, c'est un délai identique qui s'ouvre. La situation est différente en matière de droits d'enregistrement, qui connaissent deux durées de prescription, l'une dite abrégée et l'autre décennale. Lorsque la seconde est en cours, comme c'était le cas dans l'affaire soumise à la Haute juridiction puisque aucune déclaration de succession n'avait été souscrite dans les délais, l'acte interruptif peut donner ouverture, soit à une nouvelle prescription décennale, soit à une prescription abrégée. La solution était d'autant plus importante que l'article L. 181 du LPF (N° Lexbase : L8364AEI) prévoit qu'il ne peut résulter de l'application de la prescription abrégée une prolongation du délai de dix ans fixé par l'article L. 186 du même code (N° Lexbase : L8360AED). Ainsi, par exemple, à la suite d'un décès intervenu en mars 1996, la prescription décennale, interrompue par le dépôt d'une déclaration de succession en décembre 2005, expire en mars 2006. En revanche, si l'acte interruptif ne donne pas lieu à ouverture de la prescription abrégée, la règle générale, selon laquelle l'interruption a pour effet d'annuler la prescription commencée et de faire courir une prescription de même nature que celle à laquelle elle se substitue, s'applique (Doc. adm. 13 L 1211, 1er juillet 2002, n° 38). C'est ce qui a été décidé dans la décision du 14 mars dans la mesure où, selon le juge, le versement d'un acompte ne pouvait faire courir un délai de prescription abrégée comme le prétendait la cour d'appel sans qu'il soit constaté que ce versement était accompagné de l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration révélant suffisamment l'exigibilité des droits dus sur les biens dépendant de la succession. Au cas particulier, l'acompte versé en janvier 1993, à la suite d'un décès intervenu en avril 1988, faute d'indiquer au service la composition exacte de l'actif, outre d'interrompre la prescription qui courrait, en principe jusqu'en avril 1998, avait eu pour effet de reporter ce délai jusqu'en janvier 2003.

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