ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT
CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N° 220567
M. AVELINE
M. Mahé, Rapporteur
M. Goulard, Commissaire du gouvernement
Séance du 8 octobre 2001
Lecture du 29 octobre 2001
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête, enregistrée le 3 mai 2000, présentée pour M. Claude AVELINE, demeurant 5, avenue Georges Clemenceau à Nogent-sur-Marne (94130) ; M. AVELINE demande au Conseil d'Etat:
1°) d'annuler l'arrêt du 2 mars 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 4 mars 1998 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande en décharge de l'obligation de payer résultant des actes de poursuite qui lui ont été notifiés en 1992 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le décret n° 65-29 du 11 janvier 196 ;
Vu le décret n° 83-102 du 28 novembre 1983 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique:
- le rapport de M. Mahé, Auditeur;
- les observations de Me Capron, avocat de M. AVELINE;
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'article R. 281-4 du livre des procédures fiscales que, lorsqu'il est saisi d'une contestation contre un acte de recouvrement, le trésorier-payeur général se prononce dans un délai de deux mois à partir du dépôt de la demande qui lui est adressée et dont il accuse réception ; que, lorsqu'aucune décision n'a été prise par ce chef de service ou que la décision ne donne pas satisfaction au redevable, celui-ci doit porter devant le tribunal administratif s'agissant des impositions relevant de sa compétence, les contestations fondées sur une cause autre que l'irrégularité en la forme de l'acte de poursuite ; qu'aux termes de l'article R. 281-4 susmentionné, le redevable dispose pour cela, à peine de forclusion, "de deux mois à partir: a) Soit de la notification de la décision du chef de service ; b) Soit de l'expiration du délai de deux mois accordé au chef de service pour prendre sa décision" ; que les décisions prises par le trésorier-payeur général en application de cet article sont soumises aux dispositions de l'article 9 du décret du 28 novembre 1983, ultérieurement codifiées à l'article R. 421-5 du code de justice administrative, aux termes desquelles les délais de recours contre une décision administrative "ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision" ;
Considérant qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la décision du 18 décembre 1992 par laquelle le trésorier-payeur général du Val-de-Marne a rejeté la réclamation de M. AVELINE contre deux actes de saisie-vente en date des 4 et 6 novembre 1992 poursuivant le recouvrement d'impôts directs ne comportait pas la mention des voies et délais de recours ; qu'en jugeant que cette circonstance ne faisait pas obstacle à la tardiveté de la demande présentée le 26 mai 1994 devant le tribunal administratif par M. AVELINE, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'une erreur de droit qui en justifie l'annulation;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. AVELINE a déposé le 9 novembre 1992 une réclamation auprès du trésorier-payeur général du Val-de-Marne, qui l'a rejetée le 18 décembre 1992 ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. AVELINE comme irrecevable, faute d'avoir été précédée d'une réclamation préalable régulière devant le trésorier-payeur général ; que son jugement doit donc être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. AVELINE devant le tribunal administratif de Paris;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de M. AVELINE n°était pas tardive ; que la fin de non-recevoir soulevée par l'administration doit par suite être écartée ;
Considérant que le dossier transmis au Conseil d'Etat contient tous les éléments nécessaires pour déterminer le montant de l'obligation de payer à la charge du requérant ; que l'expertise demandée par M. AVELINE en vue d'établir le montant exact de sa dette envers le Trésor public présente donc un caractère frustratoire ; qu'il n'y a pas lieu de l'ordonner ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que M. AVELINE avait réglé, en 1992, la totalité des impôts dont il était redevable au titre de l'année 198 et des années antérieures ; qu'il résulte de l'instruction que les avis de saisie-vente des 4 et 6 novembre 1992, portant sur un montant de 158 856 F, ont été émis en vue de permettre le recouvrement des impositions afférentes aux années postérieures à 1986 dont M. AVELINE ne s'était pas encore acquitté ; que M. AVELINE ne saurait, par conséquent, utilement se prévaloir de la lettre du 23 mai 1985 par laquelle le trésorier principal de Nogent-sur-Marne l'informait que le paiement de ses impôts pour 1979, 1981 et 1982 se trouvait "complètement soldé" ; que s'il se prétend créditeur d'une somme de 179 116 F à l'égard du Trésor public, cette affirmation est démentie par les bordereaux de situation produits par l'administration, qui mentionnent, pour chaque année, les articles du rôle mis en recouvrement, la nature et le montant des contributions concernées, la date de mise en recouvrement, ainsi que la date et le montant des chèques reçus de M. AVELINE ; que ni les écritures de M. AVELINE, ni les recherches effectuées auprès de sa banque n'ont apporté d'éléments de nature à faire regarder ces bordereaux de situation comme erronés ; que M. AVELINE n'est donc pas fondé à soutenir que la décision du 18 décembre 1992 aurait laissé à sa charge des sommes indues ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, le délai de quatre ans par lequel se prescrit l'action en recouvrement ouverte au comptable du Trésor à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables ; que les quatorze versements partiels effectués par M. AVELINE entre le 8 mai 1986 et le 4 novembre 1988 et afférents aux impositions dont le recouvrement est poursuivi ont, en tout état de cause, eu pour effet d'interrompre la prescription quadriennale courant contre le comptable du Trésor; que le requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que les sommes mises à sa charge étaient, pour partie, prescrites à la date du 4 novembre 1992 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. AVELINE devant le tribunal administratif de Paris doit être rejetée ;
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. AVELINE la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE:
Article 1er : L'arrêt du 2 mars 2000 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du 4 mars 1998 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande de M. AVELINE devant le tribunal administratif de Paris est rejetée, ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Claude AVELINE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.