Réf. : Cass. com., 28 juin 2005, n° 02-13.895, Office public d'aménagement et de construction (OPAC) d'Amiens Picardie c/ Directeur général des impôts, F-P+B (N° Lexbase : A8401DIY)
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par Valérie Le Quintrec, Université de Bourgogne
le 07 Octobre 2010
A la lecture de l'arrêt commenté, deux constats s'imposent.
D'une part, la chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle implicitement le champ d'application ratione personae afférent à la taxe sur les véhicules des sociétés (1). D'autre part, les juges suprêmes confirment une jurisprudence précédente émanant de la même juridiction en date du 10 octobre 2000 (Cass. com., 10 octobre 2000, n° 97-20.287, Office public d''aménagement et de construction (OPAC) des Ardennes, c/ M. le directeur général des impôts N° Lexbase : A0290AUB). Il convient de souligner que cette dernière décision avait fait l'objet d'une doctrine administrative abondant en ce sens (instruction du 22 février 2001, BOI n° 7 M-2-01 N° Lexbase : X8154AAA), à savoir l'imposition de ces établissements publics à la taxe sur les véhicules des sociétés, nonobstant le fait que ces derniers ne soient pas des sociétés (2).
1. Les personnes imposables à la taxe sur les véhicules des sociétés
L'article 1010 du CGI dispose que les véhicules immatriculés dans la catégorie des voitures particulières, possédés ou utilisés par les sociétés, sont soumis à une taxe annuelle non déductible pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés et dont le montant est fixé à 1 130 euros pour les véhicules dont la puissance fiscale n'excède pas 7 CV et à 2 440 euros pour les autres véhicules. Cette taxe n'est, toutefois, pas applicable aux véhicules destinés exclusivement soit à la vente, soit à la location de courte durée, soit à l'exécution d'un service de transport à la disposition du public, lorsque ces opérations correspondent à l'activité normale de la société propriétaire.
L'administration fiscale est venue préciser que cette taxe sur les véhicules des sociétés est due par les sociétés de toute nature, quelque soit leur forme, leur objet ou leur situation au regard de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés (Doc. adm. 7 M 2311, 1er septembre 1997, n° 1).
Ainsi, sont, notamment, imposables les SA et SARL, les EURL, EARL et SEARL, les sociétés en commandite simple ou par actions, les SNC, les sociétés en participation, les sociétés d'économie mixte, les sociétés de caution mutuelle et les banques populaires. Il en va de même pour les sociétés coopératives et leurs unions (Doc. adm., 7 M 2311, 1er septembre 1997, n° 2).
Soulignons que la taxe n'est pas due par les personnes morales qui n'ont pas pour but la recherche d'un bénéfice, lorsqu'elles ne sont pas constituées en "sociétés" au sens de l'article 1832 du Code civil (N° Lexbase : L2001ABQ) (Doc. adm., 7 M 2311, 1er septembre 1997, n° 5). Néanmoins, certaines personnes morales, qui ne sont, pourtant, pas des sociétés au sens de l'article précité sont, singuièrement, imposables à la taxe sur les véhicules des sociétés.
Ainsi, selon l'article 1654 du CGI , les établissements publics et des autres organismes acquittent, dans les conditions de droit commun, les impôts et taxes de toute nature auxquels seraient assujetties des entreprises privées effectuant les mêmes opérations. En conséquence, la taxe sur les véhicules des sociétés est applicable aux EPIC et aux organismes de l'Etat, des départements et des communes ayant un caractère industriel ou commercial et bénéficiant de l'autonomie financière (Doc. adm. 7 M 2311, 1er septembre 1997, n° 8).
Ceci s'explique par le fait que, d'une part, ces établissements ou organismes sont soumis au même régime fiscal que les entreprises privées et que, d'autre part, les opérations auxquelles ils se livrent pourraient être effectuées par des sociétés passibles de la taxe.
Toutefois, les offices publics d'aménagement et de constructions, visés dans l'affaire ici commentée, sont exonérés d'impôt sur les sociétés pour les seules opérations faites en application de la législation sur les habitations à loyer modéré, mais sont, tout de même redevables de la taxe sur les véhicules.
2. L'assujettissement des offices publics d'aménagement et de construction à la taxe sur les véhicules des sociétés
A titre préliminaire, il est nécessaire de revenir sur l'argumentaire soutenu par l'OPAC.
L'auteur du pourvoi estimait, en effet, que :
"L'article 1010 du CGI institue une taxe annuelle sur les véhicules immatriculés dans la catégorie des voitures particulières, possédés ou utilisés par les sociétés, ce qui exclut de son champ d'application les voitures particulières détenues ou utilisées par des entreprises individuelles et par des personnes morales qui n'ont pas le caractère de sociétés, telles les associations , les syndicats, les groupements d'intérêt économique, les collectivités publiques et, en particulier, les établissements publics". Or, en l'espèce, "l'OPAC est un établissement public et non une société". "[...] Dans ces conditions, en considérant que, dès lors que la taxe sur les véhicules de sociétés s'applique aux entreprises privées entrant dans le champ d'action des offices publics d'aménagement et de construction, elles s'appliquent à ces derniers, bien que cette taxe ne s'applique pas aux entreprises individuelles ni aux établissements publics, mais uniquement aux personnes morales constituées sous la forme de sociétés, les juges d'appel ont violé le texte susvisé". Par ailleurs,"l'article 1654 du CGI prévoit que les établissements publics doivent acquitter les impôts et taxes de toute nature auxquels seraient assujetties les entreprises privées effectuant les mêmes opérations, c'est-à-dire tant les entreprises individuelles que les entreprises, personnes morales et quelle que soit leur forme juridique, sous réserve des dispositions de certains articles limitativement énumérés et l'article 1010 du même Code assujettit à la taxe annuelle sur les voitures particulières les seules sociétés, et non d'une manière générale les entreprises privées, qu'il s'agisse de personnes physiques ou de personnes morales, de sorte que ce texte n'avait pas à être mentionné à l'article 1654 pour que les établissements publics ne soient pas soumis à cette taxe. Or, en l'espèce, l'OPAC est un établissement public et non une société. En considérant qu'en application de l'article 1654 précité, ce dernier est passible de la taxe annuelle sur les véhicules des sociétés, bien que l'article 1010 qui ne vise que les sociétés n'avait pas à être mentionné parmi les exclusions prévues par ce texte, les juges d'appel ont violé les articles 1654 et 1010 susvisés".
Au vu des moyens soulevés, force est de constater que l'OPAC a axé son argumentation sur la nature juridique d'un tel établissement.
En d'autres termes, selon l'auteur du pourvoi, un établissement public, dans la mesure où il n'est pas une société, ne saurait être redevable de la taxe sur les véhicules des sociétés.
Implicitement, il semble que l'OPAC ait entendu faire application de la règle selon laquelle "le spécial déroge au général". En effet, utilisant la technique du syllogisme, il prétend que dans la mesure où, d'une part, l'article 1654 du CGI, applicable spécifiquement aux établissements publics, prévoit l'assujettissement de ces établissements aux mêmes impôts, droits et taxes que les entreprises privées et que, d'autre part, en vertu de l'article 1010 du CGI, la taxe sur les véhicules de sociétés ne vise que les sociétés, excluant, ainsi, les entreprises privées, l'OPAC ne pouvait pas être redressé au titre d'une taxe qui ne le concerne pas.
Or, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par l'OPAC.
La Chambre commerciale, après avoir relevé que, "d'une part, aux termes de l'article 1654 du CGI, les établissements publics, les exploitations industrielles ou commerciales de l'Etat ou des collectivités locales doivent acquitter, dans les conditions de droit commun, les impôts et taxes de toute nature auxquels seraient assujetties les entreprises privées effectuant les mêmes opérations", et que, "d'autre part, l'article 207-1-4° bis du même code n'exonère les offices publics d'aménagement et de construction que de l'impôt sur les sociétés et pour les seules opérations faites en application de la législation sur les habitations à loyer modéré", a très logiquement jugé que l'article 1010 du CGI instituant une taxe sur les véhicules possédés ou utilisés par les sociétés est applicable aux offices publics d'aménagement et de construction, dès lors que ceux-ci sont des établissements publics à caractère industriel et commercial qui se livrent à des opérations susceptibles d'être effectuées par des entreprises privées.
En conséquence, faisant une lecture stricto sensu des articles 1010 et 1654 du CGI, la Chambre commerciale a maintenu les rappels de taxe auxquels était assujetti l'OPAC, ce dernier ne bénéficiant d'aucune exonération légalement prévue.
La Cour de cassation, en statuant de la sorte, a intégralement reprise la décision de la même chambre rendue le 10 octobre 2000 (Cass. com., 10 octobre 2000, n° 97-20.287, Office public d'aménagement et de construction (OPAC) des Ardennes, c/ M. le directeur général des impôts, précité).
Cet arrêt avait lui-même confirmé la doctrine administrative qui s'appuyait sur l'avis émis le 8 janvier 1957 par le Conseil d'Etat selon lequel la taxe sur les véhicules des sociétés est applicable aux établissements publics à caractère industriel ou commercial qui sont soumis au même régime fiscal que les entreprises privées et qui effectuent des opérations susceptibles d'être effectuées par des sociétés passibles de la taxe au titre de l'article 1654 du CGI.
Une instruction fiscale en date 22 février 2001 est venue corroborer ces positions, tant jurisprudentielle que doctrinale, en disposant que "l'article L. 421-1 du Code de la construction (N° Lexbase : L6957G7S) énonce que les offices publics d'aménagement et de construction sont des établissements publics à caractère industriel et commercial. Dans ces conditions, nonobstant les dispositions spéciales de l'article 207-1-4° bis du CGI qui exonèrent les offices publics d'aménagement et de construction de l'impôt sur les sociétés pour les opérations faites en application de la législation sur les habitations à loyer modéré, lesdits organismes entrent dans le champ d'application de la taxe sur les véhicules des sociétés" (instruction du 22 février 2001, BOI n° 7 M-2-01, précitée).
Dès lors, il semble, désormais, bien établi que les offices publics d'aménagement et de construction sont redevables à la taxe sur les véhicules des sociétés et ce, sans exonération possible.
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