Réf. : CE 9° et 10° s-s., 1er avril 2005, n° 267946, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Société anonyme Surca (N° Lexbase : A4411DHT) et n° 262687, SA Ecosita c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A4377DHL)
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N3395AIL
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par Sophie Duval, Juriste-fiscaliste
le 07 Octobre 2010
1. Les mécanismes généraux du dégrèvement
Tous les redevables de la taxe professionnelle qui en font la demande, à l'exception de ceux assujettis à la seule cotisation minimum, peuvent bénéficier d'un plafonnement de leurs cotisations par rapport à la valeur ajoutée qu'ils produisent.
Leur cotisation de taxe professionnelle est, alors, plafonnée à un pourcentage de la valeur ajoutée produite par l'entreprise au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie, ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année, lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile.
Le taux de plafonnement est fixé à 3,5 % de la valeur ajoutée pour les entreprises, dont le chiffre d'affaires de l'année au titre de laquelle le plafonnement est demandé est inférieur à 21 350 000 euros. Il est fixé à 3,8 % de la valeur ajoutée pour celles, dont le chiffre d'affaires est compris entre 21 350 000 euros et 76 225 000 euros et, enfin, pour celles dont le chiffre d'affaires excède cette dernière limite, à 4 %.
La valeur ajoutée servant de base au calcul de ce dégrèvement est indépendante de l'assiette de la TVA. Aux termes des dispositions de l'article 1647 B sexies du CGI (N° Lexbase : L9433G7I), elle se définit comme l'excédent, hors taxe, de la production sur les consommations de biens et de services en provenance de tiers.
Pour les redevables soumis à un régime réel d'imposition, la production de l'exercice est égale à la différence entre :
Quant aux consommations de biens et services en provenance des tiers, celles-ci comprennent les travaux, fournitures et services extérieurs, les frais de transport et de déplacement et les frais de gestion.
Enfin, la valeur ajoutée est déterminée "hors taxe", c'est-à-dire déduction faite des taxes sur le chiffre d'affaires, des contributions indirectes et de la taxe intérieures sur les produits pétroliers.
Cette notion de "hors taxe" a soulevé, dans la pratique, certaines difficultés d'interprétation. Ainsi, la déduction ou non de certaines taxes de la valeur ajoutée a généré des conflits entre les contribuables et l'administration fiscale, qui ont été portés devant les tribunaux.
Les magistrats ont eu, notamment, à se prononcer sur le cas particulier de la taxe sur le stockage des déchets instituée par la loi du 15 juillet 1975 et modifiée par la loi n° 92-646, du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets ainsi qu'aux installations classées pour la protection de l'environnement (N° Lexbase : L6247A3R), puis par la loi n° 95-101 du 2 février 1995, relative au renforcement de la protection de l'environnement (N° Lexbase : L8686AGS).
L'article 22-1 de cette loi prévoyait dans sa rédaction applicable aux litiges en cause que "jusqu'au 30 juin 2002, tout exploitant d'une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés et tout exploitant d'une installation d'élimination de déchets industriels spéciaux par incinération, coincinération, stockage, traitement physico-chimique ou biologique non exclusivement utilisées pour les déchets que l'entreprise produit, verse à l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie une taxe de 25 francs (3,9 euros) au 1er janvier 1995, 30 francs (4,6 euros) au 1er janvier 1996, 35 francs (5,3 euros) au 1er janvier 1997, 40 francs (11,2 euros) au 1er janvier 1998 par tonne de déchets réceptionnés.
Le montant de cette taxe est, nonobstant toute clause contraire, répercuté dans le prix fixé dans les contrats conclus par l'exploitant avec les personnes physiques ou morales dont il réceptionne les déchets".
2. Applications jurisprudentielles
2.1. Position de la cour administrative de Douai
Dans cette affaire, la contribuable, dont l'activité est la collecte et le traitement des déchets industriels et ménagers, contestait la position de l'administration fiscale, qui avait estimé, pour le calcul de la valeur ajoutée, qu'il n'y avait pas lieu d'exclure le montant de la taxe sur le stockage des déchets acquittée par la société requérante. Cette dernière demandait, en conséquence, la décharge des suppléments de taxe professionnelle qu'entraînait pour elle la non déduction de cette taxe.
Pour rejeter cette demande de décharge, la cour administrative de Douai avait considéré que l'excédent "hors taxe" de la production sur les consommations de biens et de services en provenance de tiers devait s'entendre après déduction, pour les produits, des impôts et taxes qui frappent directement le prix des biens et des services. Par ailleurs, elle estimait que la taxe sur le stockage des déchets, nonobstant la circonstance qu'elle était calculée sur le tonnage de déchets réceptionnés, ne frappait pas directement le prix des biens et des services.
Il est à noter que les magistrats de la cour administrative d'appel de Douai ont réaffirmé, une quinzaine de jours plus tard, leur interprétation stricte de l'article 1647 B sexies du CGI, en jugeant dans une seconde espèce, que les taxes et impôts n'étant pas assimilables à des consommations de biens et services en provenance de tiers, ils ne devaient être déduits de la valeur ajoutée produite par l'entreprise et prise en compte pour le plafonnement de la taxe (CAA Douai, 2ème ch. 28 octobre 2003, n° 00DA00802, SA Transport Mallet N° Lexbase : A3304DAM).
2.2. Position de la cour administrative d'appel de Bordeaux
La cour administrative d'appel de Bordeaux s'est positionnée différemment dans une affaire similaire. En effet, elle a estimé que la taxe sur le stockage des déchets étant perçue à l'occasion de la réception des déchets dans l'installation de stockage ou d'élimination des déchets et ayant pour assiette le tonnage de déchets réceptionnés, le montant de cette taxe était, donc, obligatoirement supporté par le bénéficiaire de la prestation assurée par l'exploitant d'une telle installation, lequel se bornait, dès lors, à collecter ladite taxe.
Dans ces conditions, la cour a jugé que cette taxe devait être regardée, quand bien même elle ne figurait pas dans la liste des droits indirects donnée par le titre III du CGI, comme présentant le caractère d'une contribution indirecte devant être exclue de la valeur ajoutée à prendre en compte pour calculer le plafonnement de taxe professionnelle, auquel a droit l'exploitant de l'installation sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1647 B sexies du CGI.
2.3. Décision du Conseil d'Etat
Pour le Conseil d'Etat, il résulte des termes de l'article 1647 B sexies du CGI que l'excédent de la production sur les consommations en provenance de tiers, qu'il convient de retenir pour calculer la valeur ajoutée en fonction de laquelle les cotisations de taxe professionnelle sont plafonnées, est déterminé après déduction, non seulement, de la taxe sur la valeur ajoutée, mais, également, des taxes grevant le prix de biens et des services vendus par l'entreprise.
En outre, le montant de la taxe sur le stockage des déchets est obligatoirement supporté par le bénéficiaire de la prestation assurée par l'exploitant de l'installation de stockage.
Confirmant la position de la cour administrative de Bordeaux, la Haute cour considère, ainsi, que cette taxe, du fait de sa nature et de son régime, est au nombre de celles qui doivent être exclues de la valeur ajoutée, même si elle ne figurait pas dans la liste des droits indirects mentionnée au titre III du CGI.
Au-delà du cas spécifique de cette taxe, qui a déjà des conséquences pratiques importantes pour les entreprises du secteur du traitement des déchets, le Conseil d'Etat, à l'occasion de ces arrêts, opte définitivement pour une définition large des contributions indirectes à déduire de la valeur ajoutée pour le plafonnement de la taxe professionnelle.
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