Réf. : Loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur (N° Lexbase : L6468G4C)
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par Richard Routier, Maître de conférences à l'Université du sud Toulon-Var, Codirecteur du Master banque
le 07 Octobre 2010
I - Résiliation des contrats tacitement reconduits
Aux termes de l'unique article composant un nouveau chapitre du Code de la consommation consacré à la reconduction des contrats (2), le banquier, comme tout professionnel prestataire de services, a dorénavant une nouvelle obligation : celle d'informer le consommateur "par écrit, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu'il a conclu avec une clause de reconduction tacite" (3). A défaut d'avoir été régulièrement informé "le consommateur peut mettre gratuitement un terme au contrat, à tout moment à compter de la date de reconduction". Les avances qu'il aurait, le cas échéant, effectuées lui sont alors remboursées dans les trente jours -déduction faite des sommes correspondant à l'exécution du contrat jusqu'au jour de la résiliation-, et passé ce délai les sommes sont productives d'intérêts au taux légal. Cette nouvelle obligation d'information vient s'ajouter aux autres informations qui seraient, le cas échéant, légalement dues suivant le contrat considéré.
On déplorera au passage, pour la lisibilité du droit et sa simplification, que le législateur n'ait pas cru devoir ici uniformiser le délai de résiliation des contrats tacitement reconduits avec le délai de vingt jours posé par ailleurs et, dans cette même loi, pour résilier d'autres contrats. Une difficulté pratique subsiste aussi quant aux dates d'information et de résiliation qui ne sont pas précisées par le législateur. L'information doit être écrite pour le banquier, mais aucune forme ne lui est imposée. Cela vaut aussi pour le consommateur. On doit donc admettre qu'une remise aux guichets serait possible dans les deux cas. La question se pose moins pour l'information car on peut penser que le banquier adressera systématiquement un courrier. Elle reste cependant entière pour la résiliation du client. Une remise contre récépissé serait une protection élémentaire mais cela n'est nullement exigé, ce qui pourrait poser un problème de preuve. Certes, la plupart du temps le contrat imposera que la résiliation intervienne par courrier : est-ce alors la date de réception par le banquier ou celle de l'envoi par le consommateur qu'il faudra retenir ? On regrettera que la date du cachet de la poste n'ait pas été expressément retenue ici par le législateur, contrairement à ce qu'il a pris soin de faire dans cette même loi pour les contrats relevant d'autres codes et, notamment, pour certains contrats d'assurance.
Précisément, le banquier pourrait, également, être concerné par la tacite reconduction plus particulière qui touche les contrats d'assurance couvrant les personnes physiques, où cette fois la "date limite d'exercice par l'assuré du droit à dénonciation du contrat doit être rappelée avec chaque avis d'échéance annuelle de prime ou de cotisation". Pour éviter que l'assuré ne soit pris de court par un avis adressé tardivement, le législateur a aménagé un régime particulier : lorsque cet avis est adressé "moins de quinze jours avant cette date, ou lorsqu'il lui est adressé après cette date, l'assuré doit être informé avec cet avis qu'il dispose d'un délai de vingt jours" pour dénoncer la reconduction du contrat, et c'est -précision heureuse- le cachet de la poste qui fait courir ce délai. Le défaut d'information régulière permet à l'assuré de "mettre un terme au contrat, sans pénalités, à tout moment à compter de la date de reconduction en envoyant une lettre recommandée à l'assureur" ; le législateur s'étant attaché à préciser ici encore que "la résiliation prend effet le lendemain de la date figurant sur le cachet de la poste". Le paiement de la partie de prime ou de cotisation correspondant à la période pendant laquelle le risque a couru jusqu'à la date d'effet de la résiliation est dû par l'assuré. Mais les sommes relatives à la période pendant laquelle le risque n'a pas couru doivent lui être remboursées dans les trente jours, et au-delà, avec un intérêt au taux légal.
Ces nouvelles dispositions en matière d'assurance ne devraient pas fondamentalement bouleverser les pratiques actuelles des banques proposant des produits d'assurance. La reconduction tacite ne concerne d'abord qu'un nombre limité de contrats. L'application de ces dispositions est, ensuite, elle-même assez contingente puisque sont exclus les contrats couvrant les personnes physiques dans leurs activités professionnelles (4), les contrats d'assurances sur la vie, les contrats de groupe et, plus généralement, toutes les opérations collectives (5).
II - Crédit renouvelable
Le banquier est ici davantage touché par les changements apportés au crédit renouvelable. Encore que ceux-ci doivent être, pour certains, nuancés. Le formalisme de l'offre préalable, qui n'était, jusqu'alors, légalement obligatoire que pour le contrat initial, doit ainsi à l'avenir être réitéré pour toute augmentation du crédit consenti (6). Cette nouvelle exigence met donc formellement un terme aux dispenses de réitération. Mais comme la jurisprudence avait déjà singulièrement commencé à les limiter (7), le changement est en fait assez relatif.
Tel n'est pas le cas, en revanche, de la nouvelle faculté dont dispose l'emprunteur "de demander à tout moment la réduction de sa réserve de crédit, la suspension de son droit à l'utiliser ou la résiliation de son contrat" (8). La résiliation n'est pas sans conséquence pour l'emprunteur puisqu'il est naturellement tenu de rembourser le montant qu'il a déjà utilisé, et ce, aux conditions du contrat. Mais cela doit être vu comme un progrès en lui permettant de sortir d'un enfermement, voire d'une spirale quelque peu infernale, à un moment où il en a les moyens, lequel ne correspond pas forcément à celui de la date anniversaire de son contrat.
La loi institue aussi une résiliation automatique en cas d'inactivité. Désormais, "si pendant trois années consécutives, le contrat d'ouverture de crédit ou tout moyen de paiement associé n'ont fait l'objet d'aucune utilisation, le prêteur qui entend proposer la reconduction du contrat adresse à l'emprunteur, à l'échéance de la troisième année, un document annexé aux conditions de cette reconduction. Ce document indique l'identité des parties, la nature de l'opération, le montant du crédit disponible, le taux annuel effectif global ainsi que le montant des remboursements par échéance et par fractions de crédit utilisées. A défaut pour l'emprunteur de retourner ce document, signé et daté, au plus tard vingt jours avant la date d'échéance du contrat, ce dernier est résilié de plein droit à cette date" (9). Le délai de vingt jours de cette résiliation de plein droit, qui est identique à celui que ce même article prévoyait déjà pour s'opposer aux modifications proposées lors de la reconduction du contrat, est assez cohérent. Une telle mesure, qui a le mérite de clarifier la situation en ne maintenant pas de manière pérenne des engagements devenus inutiles, doit également être approuvée.
III - Crédit gratuit
Le législateur s'est finalement résolu à permettre la publicité du crédit gratuit hors des lieux de vente. Elle peut donc être utilisée plus largement par le banquier. Mais pour éviter que l'échelonnement des paiements sans intérêts ne vienne renchérir le prix de vente à l'insu du consommateur elle doit dorénavant "préciser qui prend en charge le coût du crédit consenti gratuitement au consommateur" (10). Il spécifie, également, qu'un crédit à titre onéreux proposé concomitamment à une opération de crédit gratuit ou promotionnel, donne lieu à une offre préalable de crédit distincte (11). Ces dispositions viennent sensiblement améliorer le sort du consommateur en l'éclairant mieux dans les opérations complexes, et en lui évitant les marchés de dupes.
IV - Clause abusive
Le législateur vient, enfin, ranger dans la catégorie des clauses abusives celle obligeant le consommateur "à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges" (12). Les banques qui ont été amenées à mettre en place un système de règlement des conflits par la médiation (13) ne peuvent donc pas imposer celui-ci. Même si, en général, le recours au médiateur est facultatif pour le client, ce caractère n'est pas toujours explicite. Au surplus, le médiateur est choisi et rémunéré par la banque, ce qui en terme d'indépendance pouvait légitimement susciter quelques craintes. Une clause obligeant dans ces conditions le consommateur à passer par un mode alternatif de règlement des litiges était de nature à créer un déséquilibre significatif à son détriment. Avec la loi du 28 janvier 2005, cette question est désormais réglée.
Les banques ont jusqu'au 28 juillet prochain pour adapter leur contrats et leur procédure aux dispositions nouvelles relatives aux contrats tacitement reconductibles et au crédit renouvelable, lesquelles s'appliquent au demeurant, avec celle concernant le caractère abusif de la clause qui oblige le consommateur à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges, aux contrats en cours et à leur reconduction (14).
Les esprits chagrins regretteront sans doute que le législateur n'ait pas été plus loin (15). Ce premier train de mesures, qui presse d'ores et déjà les banques à revoir leurs relations, marque quand même une avancée notable. Il devrait aussi être rapidement suivi d'un autre, aux implications infiniment plus lourdes pour le banquier, avec la proposition de loi n° 2029 du 13 janvier 2005 tendant à prévenir le surendettement (pour en savoir plus, lire Surendettement des particuliers : actualité législative et jurisprudentielle, Lexbase Hebdo n° 152 du 27 janvier 2005 - édition affaires N° Lexbase : N4379ABS).
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