La lettre juridique n°149 du 6 janvier 2005 : Entreprises en difficulté

[Jurisprudence] Qualité du commissaire à l'exécution pour engager une action en rapport

Réf. : Cass. com., 23 novembre 2004, n° 03-17.141, M. Franck Michel c/ Société Creuset et autres F-P+B (N° Lexbase : A0396DEE)

Lecture: 3 min

N4133ABP

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Jurisprudence] Qualité du commissaire à l'exécution pour engager une action en rapport. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3207096-cite-dans-la-rubrique-b-entreprises-en-difficulte-b-titre-nbsp-i-qualite-du-commissaire-a-lexecution
Copier

par Pierre-Michel Le Corre, Professeur des Universités, Directeur du Master Droit de la Banque de la Faculté de Toulon et du Var

le 07 Octobre 2010

A la nullité des paiements intervenus après cessation des paiements, en connaissance de l'état de celle-ci, il est fait exception, pour le paiement des effets de commerce, au profit du tiers porteur d'une lettre de change ou d'un billet à ordre. Même sur le terrain des nullités facultatives de la période suspecte, le paiement d'un billet à ordre ne peut être annulé (Cass. com., 5 mai 2004, n° 00-20.089, F-D N° Lexbase : A1542DC4). L'article L. 621-109 du Code de commerce (N° Lexbase : L6961AIN) (anciennement L. 25 janv. 1985, art. 109) réserve, cependant, une action en rapport à l'administrateur et au représentant des créanciers. Cette action est-elle ouverte au commissaire à l'exécution du plan ? C'est à cette question que répond l'arrêt rapporté. En l'espèce, une société est déclarée en redressement judiciaire. Deux mois après l'arrêté de son plan de cession, le représentant des créanciers et le commissaire à l'exécution du plan ont engagé une action en rapport relative à des paiements effectués pendant la période suspecte au moyen de chèques. L'action engagée par le représentant des créanciers est déclarée irrecevable par les juges du fond, solution que confirme, sans surprise, la Cour de cassation. L'action initiée par le commissaire à l'exécution du plan va identiquement être déclarée irrecevable par les juges du fond, ce que va, en revanche, par l'arrêt commenté, censurer en ces termes la Chambre commerciale de la Cour de cassation : "le commissaire à l'exécution du plan trouve dans les pouvoirs qui lui sont conférés par l'article L. 621-68, alinéa 2, du Code de commerce, en vue de poursuivre les actions exercées avant le jugement arrêtant le plan, par le représentant des créanciers, pour la défense de leur intérêt collectif, qualité pour engager l'action en rapport prévu par l'article L. 621-109 du Code de commerce".

Nous avions, pour notre part, relevé que l'action n'était pas ouverte par le texte au commissaire à l'exécution du plan, alors, pourtant, que cette institution a qualité pour engager une action en nullité de la période suspecte (Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, n° 65-81). Poursuivant l'institution de cet organe en défenseur de l'intérêt collectif des créanciers, la Chambre de la Cour de cassation considère, ici, que l'absence de visa du commissaire à l'exécution du plan dans la liste des personnes ayant qualité pour agir en rapport ne fait pas obstacle à ce que pareille qualité lui soit reconnue. La solution, dont l'opportunité au demeurant n'est pas discutable, ne nous semble cependant pas pouvoir être pleinement approuvée.

D'une part, la lettre du texte nous semblait limitativement attribuer la qualité à agir et la Cour de cassation ne manque pas, en d'autres domaines, de rappeler l'importance du caractère limitatif des listes qu'établit le législateur, lorsqu'il réglemente la saisine d'actions attitrées. Il est à rappeler, par exemple, que la Cour de cassation a dénié au commissaire à l'exécution du plan qualité pour demander l'application de la faillite personnelle au motif qu'il n'était pas visé par la loi au rang des personnes pouvant mettre en oeuvre cette action (Cass. com., 24 septembre 2003, n° 00-11.010, FS-P+B N° Lexbase : A6149C9M, D. 2003, AJ p. 2438 ; JCP éd E 2004 chron. 151, p. 174, n° 5, obs. Ph. Pétel).

D'autre part, la solution posée résulte, à notre sens, d'un sophisme. La majeure du syllogisme est que le commissaire à l'exécution du plan est un organe de défense de l'intérêt collectif des créanciers et qu'il tient le pouvoir d'engager des actions. Pourtant, il n'est prévu (C. com., art. L. 621-68, al. 2 N° Lexbase : L6920AI7) que la possibilité de continuer les actions engagées par le représentant des créanciers ou l'administrateur judiciaire. Le commissaire à l'exécution du plan est, comme l'énonce l'article L. 621-68, alinéa 1er, du Code de commerce, "chargé de veiller à l'exécution du plan". C'est sa mission de principe. Toute autre mission à lui confiée est spéciale, telle celle de continuer les actions engagées par l'administrateur ou le représentant des créanciers. La législation des procédures collectives n'énonce nullement que le commissaire à l'exécution du plan serait un organe de défense de l'intérêt collectif des créanciers. Nous ne pouvons donc approuver cette nouvelle avancée de la Cour de cassation, qui, à partir d'un postulat qui nous semble erroné, en parvient à la conclusion du syllogisme : puisque le commissaire à l'exécution du plan a qualité pour engager les actions tendant à la défense de l'intérêt collectif des créanciers, il a qualité pour agir en rapport.

La logique formelle est impeccable. Il n'empêche : il y a bien là oeuvre créatrice d'un droit qui n'est pas inscrit dans le Code de commerce, même si ce faisant la Cour de cassation répare peut-être, sans doute même, une malfaçon législative. Le projet de réforme a, d'ailleurs, pris acte de que les textes devaient être revus, et prévoit, en ce sens, la possibilité pour le commissaire à l'exécution du plan d'engager les actions contre les tiers, dès lors qu'elles tendent à la défense de l'intérêt collectif des créanciers.

newsid:14133

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.