La lettre juridique n°115 du 8 avril 2004 : Fiscalité internationale

[Evénement] Optimisation fiscale internationale de la gestion du patrimoine : investissements immobiliers en France par des non-résidents

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N1192ABR

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par S. D.

le 07 Octobre 2010

Depuis l'ouverture des frontières et la libération des mouvements de capitaux, les personnes physiques n'hésitent plus à gérer leur patrimoine dans une perspective internationale, à l'instar des sociétés. Les montages fiscaux destinés à faire profiter leurs auteurs des opportunités offertes par certaines fiscalités étrangères se sont tellement multipliés au cours de ces dernières années qu'ils sont parvenus à inquiéter sérieusement les pouvoirs publics. Ainsi, le Parlement s'efforce d'adopter différents textes de nature à rendre plus difficile les stratégies d'optimisation fiscale en matière de gestion du patrimoine, tels que l'assujettissement aux droits de mutation à titre gratuit et à l'impôt sur la fortune des biens immobiliers situés sur le territoire français et détenus indirectement par des non-résidents ou bien l'imposition des revenus accumulés dans certaines sociétés étrangères de gestion de portefeuille bénéficiant d'un régime fiscal privilégié . Mais, la CJCE veille et n'hésite pas à condamner la France pour des dispositions fiscales qu'elle estime contraire aux principes communautaires. Deux arrêts récents illustrent parfaitement cette situation : celui du 4 mars 2004 (CJCE, 4 mars 2004, aff. C-334 /02, Commission des Communautés européennes c/ République française N° Lexbase : A4317DBI), dans lequel la CJCE a considéré que les articles 125-0 A et 125 A du CGI, concernant le prélèvement libératoire sur les revenus financiers, étaient contraires aux principes de libre prestation de services et de capitaux (cf. Prélèvement libératoire sur les revenus financiers et opérations transfrontalières : les articles 125-0 A et 125 A du CGI déclarés contraires aux principes de libre prestation de services et de capitaux, Lexbase Hebdo n° 111 du 10 mars 2004 - édition fiscale N° Lexbase : N0838ABN) ; et surtout l'arrêt du 11 mars 2004, "Lasteyrie du Saillant" (CJCE, 11 mars 2004, aff. C-9/02, Hughes de Lasteyrie du Saillan c/ Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A5001DBT), qui vient de déclarer l'"exit tax" prévue à l'article 167 bis du CGI contraire au principe communautaire de la liberté d'établissement (cf. Liberté d'établissement et présomption d'évasion ou de fraude fiscale, Lexbase Hebdo n° 113 du 24 mars 2004 - édition fiscale N° Lexbase : N1015AB9).

Cette actualité brûlante conduit, tout naturellement, les professionnels de l'optimisation du patrimoine à s'interroger sur les conséquences fiscales des principaux supports d'investissement internationaux. Ainsi, le 25 mars dernier, la Lettre des Juristes d'Affaires (LJA) organisait une matinée-débat sur la "gestion fiscale du patrimoine : schémas d'optimisation à l'international", animée par Guillaume Hublot (Docteur en droit, étude Oudot & Associés). A cette occasion, trois schémas d'optimisation internationale de gestion du patrimoine ont été analysés :

1. des investissements immobiliers en France effectués par des non-résidents (par Bertrand Savouré, notaire, étude Monassier) ;

2. de l'utilisation des holdings étrangères dans un schéma d'optimisation fiscale (par Jean-Marc Tirard, avocat au Barreau de Paris et président de STEP France N° Lexbase : N1194ABT) ;

3. des aspects civils et fiscaux de l'assurance-vie en droit international (par Guillaume Hublot N° Lexbase : N1195ABU).


Le charme de la campagne française est certes particulièrement attirant, mais c'est surtout le taux des devises avantageux qui incite de plus en plus d'étrangers à investir dans des biens immobiliers situés en France Lorsqu'une décision d'investissement étranger en France est prise, il est parfois possible de le structurer de façon cohérente, afin d'alléger la charge fiscale au moment de l'acquisition du bien et de sa cession.  Nous n'envisagerons, dans ce compte rendu, que les aspects fiscaux de la possession d'un bien immobilier en France par un non-résident.

1. Conséquences fiscales de la possession d'un bien immobilier situé en France par un non-résident

1.1. L'acquisition

Le premier impôt auquel est soumis un non-résident lors de l'acquisition d'un bien immobilier en France est le paiement de droits d'enregistrement. En effet, toutes les ventes d'immeubles situés en France, et seulement ceux-ci, sont imposables au taux de droit commun de 4,80 %

Lorsque la vente est constatée par un acte passé à l'étranger, elle doit être déclarée à la recette des impôts de la situation des biens dans le mois de l'entrée en possession et donne ouverture au droit d'enregistrement dans les conditions de droit commun .

1.2. La détention

  • Les revenus immobiliers

Aux termes de l'article 164 B du CGI, si le non-résident acquiert des revenus tirés de l'exploitation d'un immeuble qu'il possède en France, ceux-ci sont imposables en France.

Cette règle est confirmée par toutes les conventions fiscales signées par la France. Afin de mieux optimiser son investissement, le non-résident peut décider d'acquérir l'immeuble par l'intermédiaire d'une société française ou étrangère. Là encore, si la société est française, l'impôt est dû en France. En outre, si la société est étrangère, il faut d'abord la qualifier correctement pour déterminer son régime d'imposition. Pour cela, il convient de comparer cette société avec les sociétés étrangères existantes en France, puisque l'article 8 du CGI ne vise que les personnes morales françaises et non étrangères. L'article 206-1 du CGI concernant les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés ne donne pas plus de renseignements.

Par une instruction du 14 janvier 2004 concernant le nouveau régime d'imposition des plus-values immobilières (BOI n° 8 M-1-04 N° Lexbase : X9110ABZ), l'administration fiscale reconnaît la notion de transparence fiscale. Les sociétés étrangères peuvent donc être assimilées à des sociétés de personnes. Pour cela, il suffit d'étudier leur structure et la manière dont elles fonctionnent (responsabilité, cession des parts). Mais, la plupart des partnership anglo-saxonnes sont assimilées à des sociétés de personnes.

En l'état actuel du droit, si la société étrangère est de capitaux, l'impôt sur les sociétés (IS) est dû en France sous réserve de l'application des conventions internationales.

En ce qui concerne les sociétés de personnes étrangères (partnership), l'impôt est également dû en France à hauteur des droits qui reviennent aux associés de la partnership, en fonctions de leurs caractéristiques : impôt sur le revenu (IR) s'il s'agit d'une personne physique ; IS s'il s'agit d'une société de capitaux. Enfin, concernant les sociétés à prépondérance immobilière, la plupart des conventions prévoient leur imposition en France.

Remarque : il convient de souligner le cas particulier de la convention franco-luxembourgeoise de 1958. Etant très ancienne, elle recèle de véritables pépites, notamment concernant les revenus immobiliers. En effet, cette convention n'envisage pas ces revenus, qui sont alors considérés comme des bénéfices industriels et commerciaux. Par conséquent, les revenus de biens immobiliers de source française d'une société de capitaux luxembourgeoise sont imposés au Luxembourg en l'absence d'établissement stable en France. Or, le Luxembourg s'est déclaré incompétent pour imposer ces revenus à raison de la détention d'immeubles situés en France (arrêt "La Coasta" du 23 avril 2002) ; dans ces conditions, il y a donc double exonération ! Bien évidemment, ce système sera revu. Toute la question est d'en savoir la date de révision. Actuellement, la convention est en cours de renégociation.

Une fois le problème de territorialité réglé, l'impôt est calculé de la même façon que pour un résident, sous réserve toutefois de l'application d'un taux minimum de 25 %. Il résulte en effet de l'article 197 A du CGI que l'imposition exigible des non-résidents qui disposent de revenus de source française ne peut être inférieure à 25 % du revenu net imposable, à moins qu'il ne justifie que le taux de l'impôt français sur l'ensemble de ses revenus de source française et étrangère serait inférieur à 25 %.

Enfin, même en l'absence de revenus de source française, un impôt sur le revenu est dû, au titre de la détention d'un immeuble en France, égal à trois fois la valeur locative de la résidence située en France . La rigueur de ce principe est tempérée par de nombreuses exceptions, ce qui a pour conséquence de rendre applicable cette disposition que pour les résidents de pays non conventionné avec la France (cf. L'article 164 C à l'épreuve des clauses de non-discriminations dans les conventions fiscales, Lexbase Hebdo n° 99 du 17 décembre 2003 - édition fiscale N° Lexbase : N9807AAH).

  • La taxe patrimoniale de 3 %

Les articles 990 D à G du CGI prévoient l'application d'une taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés par certaines personnes morales. Cette taxe est très pénalisante. Cependant, les exonérations sont tellement nombreuses qu'il est très rare d'y être assujetti. En fait, elle n'est appliquée qu'aux sociétés situées dans des pays n'ayant pas conclu avec la France de convention fiscale ou aux sociétés pour lesquelles l'anonymat des associés est préservé (cf. Taxe de 3 % : compatibilité avec le droit communautaire, Lexbase Hebdo n° 33 du 24 juillet 2002 - édition fiscale N° Lexbase : N3585AAZ).

  • L'impôt de solidarité sur la fortune

En raison des règles de territorialité, les personnes physiques non-résidentes de France sont assujetties à l'ISF à raison des biens immobiliers qu'elles possèdent sur le territoire français, dès lors que la valeur nette de leur patrimoine dépasse le seuil de d'imposition (720 000 euros). Son champ d'application est le même qu'en matière de droits de mutation à titre gratuit.

2. Conséquences fiscales de la cession d'un bien immobilier situé en France par un non-résident

La cession d'un bien immobilier peut consister soit en sa vente soit en sa transmission à titre gratuit.

2.1. Conséquences fiscales de la vente du bien immobilier par le non-résident

La fiscalité des plus-values de cession d'un bien immobilier situé en France a fait l'objet d'importantes modifications en janvier 2004 .

Il résulte de l'article 244 bis A du CGI que, sous réserve des conventions fiscales, les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France et les personnes morales dont le siège est situé hors de France sont imposées en France. Ce prélèvement, qui est d'un tiers (33, 1/3 %) pour les non-résident non ressortissant de l'Union européenne. En revanche, il n'est que de 16 %pour les seules personnes physiques et les associés personnes physiques de sociétés de personnes résidents d'un Etat membre de la Communauté européenne.

Quant au résident français, celui-ci est imposé, pour la même opération, à un taux effectif de 26 % . Une exonération particulière est prévue pour les plus-values réalisées lors de la cession d'immeubles ou droits relatifs à ces biens qui constituent l'habitation en France des personnes physiques, non-résidentes en France, mais ressortissantes d'un Etat membre de la Communauté européenne, dans la limite d'une résidence par contribuable et à condition que le cédant ait été fiscalement domicilié en France de manière continue au moins deux ans à un moment quelconque antérieurement à la cession .

Enfin, les plus-values sur les titres de sociétés civiles à prépondérance immobilière sont également imposables en France ; les modalités d'appréciation de la prépondérance immobilière de la société dont les titres sont cédés, ayant été alignées sur celles applicables en droit interne aux cessions de titre intervenues à compter du 1er janvier 2004. Ainsi, sont considérées comme à prépondérance immobilière, les sociétés dont l'actif, à la clôture des trois exercices qui précèdent la cession, est constitué pour plus de 50 % de sa valeur par des immeubles ou des droits portant sur des immeubles, non affectés à leur propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l'exercice d'une profession non commerciale .

2.2. Conséquences fiscales de la transmission à titre gratuit du bien immobilier par le non-résident

En matière de droits de mutation à titre gratuit, il résulte des règles de territorialité, telles qu'elles sont organisées par l'article 750 ter du CGI, que l'impôt est dû en France à raison seulement des biens situés en France.

Mais, depuis l'entrée en vigueur, au 1er janvier 1999, du 3° de l'article 750 ter du CGI, les biens situés hors de France sont également imposables en France lorsque l'héritier, le donataire ou le légataire a eu son domicile fiscal en France pendant au moins 6 ans au cours des dix dernières années précédant celle au cours de laquelle il reçoit les biens. Ce système est inspiré de régimes analogues existant dans quelques pays voisins tels que l'Allemagne ou la Finlande.

Il résulte aussi de la loi de 1999 que les immeubles situés en France sont également imposables en cas de possession indirecte (CGI, art. 750 ter, 2°, al. 2). Il est donc très difficile d'échapper à l'impôt en France, sous réserve de l'application d'une convention fiscale (il existe une trentaine de conventions en matières de droits sur les successions : Espagne, USA, Suisse, Arabie Saoudite... ; ou de donation : Italie, Suède, Autriche, USA...).

Enfin, concernant les sociétés à prépondérance immobilière, l'article 750 ter du CGI prévoit que sont également considérées comme françaises les actions et parts de sociétés ou personnes morales non cotées en Bourse dont le siège est situé hors de France et dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés sur le territoire français, à proportion de la valeur de ces biens par rapport à l'actif total de la société. L'administration française considère que la prépondérance immobilière est établie lorsque l'actif français de la personne morale est composé principalement d'immeubles ou de droits immobiliers portant sur ces biens ou de titres de personnes morales elles-mêmes à prépondérance immobilière. Elle s'intéresse donc à la proportion des immeubles français par rapport aux seuls actifs français. Or, la loi ne dit pas cela puisqu'elle se réfère à la valeur des biens immobiliers situés sur le territoire français par rapport à l'actif de la société, ce qui devrait inclure l'actif français et l'actif étranger.

Toute cette législation n'est bien sûr valable qu'en l'absence de convention fiscale. Cependant, en général, lorsqu'il existe une convention fiscale, la France conserve son droit d'imposer les biens situés en France. Il convient de souligner qu'aucune convention ne permet actuellement l'application de l'article 750 ter-2°, al. 2 du CGI, dans la mesure où aucune n'envisage expressément la détention indirecte d'un bien immobilier (à l'exception de la convention fiscale signée entre la France et les Etats-Unis). Dès lors, en présence d'une convention fiscale, il peut être habile de structurer l'investissement par l'intermédiaire d'une chaîne de sociétés puisque dans ces conditions, il est parfois possible d'éviter légalement les droits de mutation à titre gratuit. Une dernière précision concernant les donations : celles-ci sont datées du jour de leur révélation. Par conséquent, lorsque, par exemple, un résident belge fait une donation en Belgique, celle-ci ne sera pas taxée. Mais, si cette personne vient s'installer en France et y meurt, ce don sera révélé le jour de sa succession et sera taxé. Pour éviter cette imposition, il convient de donné date certaine à la donation le jour où elle s'effectue.

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