La lettre juridique n°637 du 17 décembre 2015 : Éditorial

Du big data... au smart knowledge juridique

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 18 Décembre 2015


Les éditions Lexbase publient plus de trois millions de sources officielles, plusieurs millions de jugements et d'arrêts, plus de cent mille décisions supplémentaires chaque année. Le big data, ce déversement de la donnée, ici juridique, en quantité auprès des professionnels pour leur permettre, aujourd'hui, d'accéder à des données informationnelles presque confidentielles, hier, conjugué à une politique de mutualisation des coûts, pour une démocratisation de la documentation juridique : c'est l'engagement de notre société depuis plus d'une décennie.

Nous n'avons pas attendu que le mouvement open data/open law prenne les rênes de l'ouverture de l'accès à la donnée publique ; mieux, nous l'accompagnons en qualité d'expert, à travers des conférences et des programmes de développement.

Nous sommes convaincus que "le droit appelle le droit" : que l'accès à la donnée juridique brute (la source officielle) oblige l'interprétation de cette donnée, mieux l'opérationnalité de l'information qu'elle contient.

Cette année encore, Lexbase n'a pas été en reste pour grossir ses bases de données. Outre une politique active d'acquisition de jurisprudences à travers ses sélections de décisions des TGI, TI, TA et conseils de prud'hommes, nous entendons prochainement déverser de nouveaux contentieux intégraux de premières instances, essentielles à la connaissance des professionnels, des avocats en particulier. La doctrine administrative est également étoffée grâce à l'intégration massive des fonds relatifs aux circulaires et aux réponses ministérielles des deux assemblées. Enfin, l'intégration de la base Eur-lex assure l'intégralité des données législatives et réglementaires européennes nécessaires à une approche communautaire de tout dossier.

En 2015 : le big data juridique, c'est Lexbase !

Maintenant, se pose naturellement une question : que faire de cette quantité astronomique de données ? La donnée fait-elle la connaissance ? Mieux, son accès est-il synonyme de "compétence métier" ? Quelle efficacité opérationnelle pour ces millions de données juridiques ?

A l'heure où le conflit sévit entre gens de métier et legal start up, entre compétences, déontologie et algorithmes juridiques, il va de soi que l'appréhension de ces données brutes est un enjeu important pour la valorisation de chacune des prestations de services proposées par ces acteurs du droit.

"Transformer les données non-structurées et les informations contingentes du Big Data' d'aujourd'hui en connaissances opérationnelles structurées et réticulées -c'est-à-dire mises en qualité cognitive et en action opérationnelle au sein de compétences métier matures et partagées- est l'enjeu du Smart Knowledge' de demain, c'est-à-dire du Big Knowledge synthétique'" écrit Patrick Serrafero, Professeur associé à l'Ecole Centrale de Lyon.

"Les données auxquelles nous pouvons maintenant accéder sont époustouflantes et fantastiques, mais nous avons besoin de comprendre comment ces données peut effectivement être utilisées pour produire des pistes de réflexion" ajoute Lauren Fisher, co-fondatrice de Simply Zesty.

En clair, recueillir et organiser les informations n'est qu'une première étape, avant d'exploiter le potentiel de cette richesse d'information au-delà des trillions d'octets stockés chaque jour.

Mais alors comment exploiter ces données ? Comment passer du big data au smart knowledge ?

Cette connaissance issue de l'exploitation de l'information brute relève à la fois d'une pratique dite manuelle -c'est-à-dire humaine donc intellectuelle- et d'une pratique automatisée ou algorithmique. Les deux sont complémentaires.

La génération manuelle de cette "connaissance métier" passe par une production doctrinale toujours plus réactive et opérationnelle. C'est l'émergence de la doctrine pratique décrite dans un précédent éditorial. L'humain, sa connaissance propre, est le facteur déterminant de cette production éditoriale nécessaire à l'exploitation de la donnée à travers, ne serait-ce, d'une sélection, d'un parti pris d'interprétation, d'une mesure de la portée de l'information. Finalement, le plus traditionnellement du monde, l'auteur, valeur ajoutée de l'éditeur, enrichit et amende régulièrement la base de "règles", sources et doctrines, publiée sur les plateformes documentaires. Cette production intellectuelle se nourrit de l'évolution de l'expertise métier, des retours d'expérience sur la pratique des "connaissances métier" juridiques, de ces professeurs souvent avocats désormais, de ces lecteurs qui peuvent compléter leurs bases documentaires par des notes personnelles, mémoires de leur expérience empirique consolidée à la connaissance théorique.

La génération automatisée de cette exploitation synthétisée de la donnée juridique reste, elle, à inventer. Certains éditeurs ont tenté déjà de s'y frotter, mais sans succès. C'est sans doute parce que l'algorithme, base de l'automatisation du traitement de la donnée juridique s'établit à partir de données initiales (dénommés "faits initiaux") -en droit, la jurisprudence- et de "connaissances métier" compilées (dénommées "règles expertes") -en droit, la doctrine-, pour fabriquer de nouvelles données et informations de sortie (dénommés "faits conclusifs") apportant une valeur ajoutée conforme aux objectifs poursuivis par l'algorithme. Si une base manque de "faits initiaux", faute d'un nombre suffisant de décisions variées et pertinentes ; et si l'algorithme n'est pas élaboré avec le concours actif d'un collège doctrinal... l'échec est plus que probable.

Concrètement, il n'y a que l'association d'un big data juridique et d'un collège doctrinal progressiste et réactif qui pourra permettre de développer l'intelligence artificielle juridique ! Le premier apporte la complétude des connaissances, le second la cohérence de ces dernières.

C'est à cette condition que l'on pourra alors inscrire dans un moteur de recherche, non plus une liste de mots-clés, mais une question factuelle suggérant une réponse en droit.

Les professionnels du droit ont-ils de quoi avoir peur pour leur avenir ? Sont-ils condamnés à disparaître comme le laisse penser une mauvaise lecture de Richard Susskind ?

Assurément non ! Le professionnel du droit, l'avocat en particulier, a une compétence métier, un savoir-faire professionnel individuel qui lui permet de finaliser par l'action, l'ensemble des "connaissances métiers" auxquelles il aura bientôt accès. Et, "l'expérience métier" constituée de "cas métier" mémorisant les succès et les échecs professionnels issus de la pratique régulière de la "compétence métier" juridique demeurera la clé de voûte de la valeur ajoutée ultime du professionnel : sa qualité à proposer une stratégie, comme le soulignait Maître Henri de La Motte Rouge, lors de la journée organisée par Juriconnexion sur le Big data juridique : enjeux et opportunités, le 8 décembre 2015.

La jurimétrie, si elle éclairera le professionnel dans ses choix, ne les fera jamais à sa place. L'intelligence naturelle a alors toute sa place pour transcender l'intelligence artificielle, et non l'inverse : car le propre d'un conseil professionnel, c'est justement de prendre parti pour une stratégie juridique, à force d'observations, d'expérimentations, de déductions, d'inductions, de validations, de réutilisations et de consolidations de ses expériences.

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