Il y a violation de la présomption d'innocence dès lors que la levée du sursis à la peine infligée au condamné a été fondée sur les aveux auxquels ce dernier s'était initialement livré devant un juge d'instruction, avant même qu'il ait été reconnu coupable par le tribunal compétent dans un arrêt définitif. Telle est la substance d'un arrêt rendu par la CEDH, le 12 novembre 2015 (CEDH, 12 novembre 2015, Req. 2130/10,
disponible en anglais ; cf., pour un cas de révocation du sursis en droit français, Cass. crim., 7 janvier 2009, n° 08-85.461, F-P+F
N° Lexbase : A7087ECH). En l'espèce, M. E. fut arrêté et interrogé, sans la présence de son avocat, parce qu'il était soupçonné d'avoir cambriolé un hôtel. Ayant été avisé de son droit de garder le silence et de consulter un avocat pour sa défense à tout moment, il avoua avoir commis l'infraction. Plusieurs jours plus tard, au cours d'une audience juridictionnelle consacrée à l'examen de son maintien en détention provisoire, il se rétracta en la présence de son avocat, soutenant qu'il n'avait avoué l'infraction qu'afin d'obtenir une libération conditionnelle. Lors de son procès consécutif, le tribunal qui l'avait auparavant condamné en 2008, pour un certain nombre d'infractions, à une peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis, leva celui-ci. Il dit notamment qu'il avait subordonné le sursis à l'absence de récidive de M. E. pendant la durée de celui-ci et que ce dernier, ayant avoué le cambriolage, avait dès lors manqué à cette condition. M. E. fit appel, soulignant en particulier qu'il était revenu sur ses aveux et alléguant une violation de son droit à la présomption d'innocence. La juridiction d'appel le débouta, jugeant en particulier non crédible la rétractation des aveux, des témoignages ayant confirmé les soupçons qu'il avait bien commis le cambriolage. En décembre 2009, à la suite d'une décision du tribunal de première instance, la détention provisoire de M. E. fut suspendue de manière à ce qu'il purge la peine infligée à lui en 2008. Le 23 décembre 2009, la Cour constitutionnelle fédérale refusa d'examiner le recours constitutionnel formé par lui contre la levée du sursis à sa peine d'emprisonnement. En janvier 2010, par un jugement devenu définitif en juin 2010, la juridiction de jugement le reconnut coupable de cambriolage et le condamna à un an d'emprisonnement. Invoquant l'article 6 § 2 de la CESDH (
N° Lexbase : L7558AIR), M. E. voyait, dans la levée par les tribunaux allemands du sursis à sa peine d'emprisonnement, une violation de son droit à la présomption d'innocence. Cette mesure était selon lui fondée sur un constat judiciaire de récidive alors qu'il n'avait pas encore été reconnu coupable de la nouvelle infraction. La CEDH lui donne raison et condamne l'Allemagne à lui verser la somme de 7 500 euros pour dommage moral .
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