Sont justifiées les restrictions à la liberté d'expression imposées au requérant, dans le cadre de sa libération conditionnelle, lorsque celles-ci se traduisent par l'obligation de s'abstenir de diffuser tout ouvrage ou oeuvre audiovisuelle dont il serait l'auteur ou le co-auteur, et qui porteraient, en tout ou partie, sur les infractions pour lesquelles il a été condamné. Telle est la solution rapportée par un arrêt de la CEDH en date du 12 novembre 2015 (CEDH, 12 novembre 2015, Req. 52363/11
N° Lexbase : A4796NWK). Les faits de l'espèce concernaient, M. B., ressortissant français et ancien chef d'une organisation séparatiste basque. Détenu depuis 1988, il a été condamné plusieurs fois, notamment pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime terroriste. Entre 2007 et 2014, il fut admis au bénéfice de la liberté conditionnelle, assortie de plusieurs obligations. Après avoir participé à une manifestation de soutien à des basques détenus, le tribunal de l'application des peines décida, par jugement, de le soumettre à des obligations particulières supplémentaires, à savoir, ne pas paraître devant tout établissement pénitentiaire pour manifester son soutien à des personnes détenues et s'abstenir de diffuser tout ouvrage ou oeuvre audiovisuelle dont il serait l'auteur ou le co-auteur et qui porterait sur les infractions pour lesquelles il a été condamné, ainsi que de s'abstenir de toute intervention publique à ce sujet. Le jugement fut cassé par la Cour de cassation (Cass. crim., 10 juin 2009, n° 08-87.096, F-P+F
N° Lexbase : A5991EIQ), au motif que le tribunal de l'application des peines n'était pas compétent pour modifier les obligations de la libération conditionnelle. Le ministère public saisit le juge de l'application des peines du tribunal de grande instance de Paris qui, par un jugement de 2010, décida d'imposer à M. B. l'obligation de s'abstenir de diffuser tout ouvrage ou oeuvre audiovisuelle dont il serait l'auteur ou le co-auteur et qui porterait, en tout ou partie, sur les infractions pour lesquelles il a été condamné et de s'abstenir de toute intervention publique relative à ces infractions. Par un arrêt du 30 mars 2011, la Chambre criminelle de la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par M. B (Cass. crim., 30 mars 2011, n° 10-86.999
N° Lexbase : A5504HPK). Invoquant la violation de l'article 10 de la CESDH, M. B. a saisi la Cour européenne des droits de l'Homme. Si la cour constate que l'obligation imposée au requérant constitue une restriction à la liberté d'expression, elle note, toutefois, que la mesure était limitée quant aux personnes auxquelles elle peut s'imposer, dans le temps, et dans son objet, ce dont il résulte qu'il n'y a pas de violation de l'article 10 qui garantit le droit à la liberté d'expression.
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