Le fait de déduire la paternité d'un refus de se soumettre à une expertise génétique ordonnée par le tribunal ne viole par l'article 8 de la CESDH (droit au respect de la vie privée et familiale) (
N° Lexbase : L4798AQR). Telle est la solution retenue par la Cour européenne des droits de l'Homme dans un arrêt du 25 juin 2014 (CEDH, 2 juin 2015, Req. 22037/13
N° Lexbase : A7395NLH). En l'espèce, M. C., est un ressortissant français né en 1941 et a exercé la fonction de vice-président de la société V.. Mme P. exerçait, à la même époque, des fonctions de direction au sein de cette même société. Elle donna naissance, le 16 juillet 1982, à une fille, E.. Le 6 janvier 1988, E. fut reconnue par M. H., que Mme P. épousa peu après. Le couple divorça en 1997. En 2002 et 2003, E. assigna M. C. devant le TGI de Paris en déclaration judiciaire de paternité et M. H. en nullité de sa reconnaissance de paternité. Les deux instances furent jointes. Une expertise, ordonnée par le TGI, exclut la paternité de M. H. de manière certaine. Le 3 janvier 2006, le TGI, puis la cour d'appel, le 25 octobre 2007, ordonnèrent une expertise en vue de dire si M. C. était le père. Par un jugement du 20 octobre 2009, le TGI, puis la cour d'appel (CA Paris, Pôle 1ère ch., 1, 24 février 2011, n° 10/00395
N° Lexbase : A2201G3W), tirant des conclusions du refus de M. C. de se plier à l'expertise, dirent qu'il était le père de E.. M. C. se pourvut en cassation. La Cour de cassation rejeta le pourvoi. Le 3 mars, M. C. introduit une requête devant la Cour européenne des droits de l'Homme. Il invoque, notamment, l'article 8 de la CESDH et se plaint du fait que les juridictions internes ont déduit sa paternité de son refus de se soumettre à l'expertise génétique qu'elles avaient ordonnée. Il souligne, qu'en droit français, les personnes qui sont défendeurs à une action en paternité, se trouvent obligées de se soumettre à un test ADN pour établir leur non-paternité. Il dénonce une atteinte au principe de l'inviolabilité du corps humain qui, selon lui, interdit en matière civile toute exécution forcée d'une expertise génétique. La CEDH a jugé qu'en tenant compte du refus de M. C. de se soumettre à l'expertise ordonnée pour le déclarer père de E. et en faisant prévaloir le droit au respect de la vie privée de cette dernière sur celui de M. C., les juridictions internes n'ont pas excédé l'importante marge d'appréciation dont elles disposaient. La Cour, à l'unanimité, déclare la requête irrecevable (cf. l’Ouvrage "La filiation" N° Lexbase : E4353EYU).
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