La possibilité de contester ou de réfuter les déclarations écrites d'un témoin n'est pas apte à compenser les difficultés auxquelles la défense s'est trouvée confrontée, difficultés aggravées par le fait qu'il s'agissait d'un témoin anonyme, car la défense n'a jamais été en mesure de contester la sincérité et la fiabilité du témoin au moyen d'un contre-interrogatoire. Telle est la substance de la décision rendue par la CEDH, le 23 juin 2015 (CEDH, 23 juin 2015, Req. 48628/12
N° Lexbase : A5710NL3). En l'espèce, le 5 juin 2009, un témoin anonyme fut entendu par le Parquet dans le cadre d'une enquête pénale menée au sujet des activités de l'organisation illégale PKK. Ce témoin prétendait avoir identifié MM. B. et D. comme étant membres de ladite organisation. Le 22 juin 2009, ils furent arrêtés et placés en garde à vue. Le 25 juin 2009, le Parquet les interrogea sur leurs liens avec le PKK. Au cours de leur audition, ils contestèrent les déclarations du témoin anonyme qui prétendait les identifier. L'avocat de M. D. demanda que l'identité de ce témoin fût révélée. MM. B. et D. furent remis en liberté le même jour. MM. B. et D. furent ensuite accusés, avec 14 autres personnes, du chef d'appartenance au PKK. Le 16 septembre 2009, agissant sur commission rogatoire, un juge interrogea le témoin anonyme. Celui-ci fut entendu lors d'une audience à huis-clos, conformément à l'article 58 du Code de procédure pénale et à la loi n° 5276, relative à la protection des témoins. Le 20 octobre 2010, MM. B. et D. contestèrent les accusations portées contre eux et mirent en cause la manière dont le témoin anonyme avait été entendu mais la cour d'assises les condamna à 6 ans et 3 mois d'emprisonnement pour appartenance à une organisation illégale. Ils formèrent alors un pourvoi en cassation. La Cour de cassation confirma le jugement de première instance. Invoquant en particulier l'article 6 (droit à un procès équitable et droit d'interroger les témoins) de la CESDH (
N° Lexbase : L7558AIR), les requérants ont saisi la CEDH pour se plaindre de n'avoir pu, à aucun moment de la procédure, interroger ou faire interroger le témoin anonyme dont les déclarations ont constitué à leurs yeux, le fondement de leur condamnation. La Cour retient, au regard du principe susmentionné que, considérant l'équité de la procédure dans son ensemble, les droits de la défense des requérants ont subi une restriction incompatible avec les exigences d'un procès équitable. Partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1, combiné avec l'article 6 § 3 d) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E1794EUY).
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