Le recours à la procréation médicalement assistée (PMA) à l'étranger n'est pas constitutif d'un détournement de la loi ni d'une fraude à la loi faisant obstacle à la requête en adoption plénière présentée par l'épouse de la mère. Telle est la solution retenue par la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans un arrêt du 14 avril 2015 (CA Aix-en-Provence, 14 avril 2015, n° 14/13137
N° Lexbase : A6135NGC). En l'espèce, l'enfant M. est né le 2 juin 2012 de Mme B.. Dès sa naissance, M. a été élevé et éduqué par sa mère et sa compagne Mme P.. Mme B. et Mme P. se sont mariées. Le 31 août 2013, Mme P. a présenté une requête en adoption plénière de M.. Le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a rejeté sa demande aux motifs qu'en se déplaçant en Espagne la mère de l'enfant avait évité sciemment l'application des dispositions de l'article L. 2141-2 du Code de la santé publique (
N° Lexbase : L7144IQN), et qu'il appartenait à la juridiction saisie, dans le respect de la décision du Conseil constitutionnel du 17 mai 2013 (
N° Lexbase : A4431KDH) et, en particulier, de son considérant n° 58 "
d'empêcher et de priver d'effets tout détournement à la loi". En cause d'appel, le ministère public soutient que le recours à la PMA qui permet à une des femmes de faire naître son enfant déjà adoptable par sa conjointe, car irrémédiablement privé de père, et sans qu'il soit possible de connaître et contrôler les conditions de réalisation de cette procréation médicalement assistée constitue une fraude qui affecte le consentement à l'adoption donné par la mère qui a imposé au futur adopté une naissance sans père, que les article 6-1 (
N° Lexbase : L7992IWW) et 311-20 (
N° Lexbase : L8863G97) du Code civil interdisent. Selon les premiers juges, il y aurait donc eu détournement de la loi, et selon le ministère public, fraude à la loi. La cour d'appel observe qu'aucune sanction n'est instaurée pour le couple qui serait parvenu à obtenir une PMA en dehors des cas posés par la loi. En outre, en matière d'adoption, la loi ne pose aucune condition quant aux circonstances de la conception de l'enfant. Pour la cour, considérer comme l'a fait le tribunal qu'il y a eu détournement de la loi, revient donc à ajouter une condition à l'adoption. En ce qui concerne la fraude à la loi, la cour relève, qu'en l'espèce, il n'y a eu aucune manipulation de la règle de conflit de loi. Mme B., citoyenne de l'Union européenne, s'est contentée de se rendre en Espagne où la PMA lui était accessible (Directive UE n° 2011/24 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2011, relative à l'application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers
N° Lexbase : L9193IP8). Pour la cour d'appel, si la fraude à la loi n'est pas constituée, il ne peut être valablement soutenu que le consentement à l'adoption de Mme B. aurait été vicié. La cour considère, par conséquent, l'adoption étant conforme à l'intérêt de l'enfant, qu'il sera fait droit à la requête (cf. l’Ouvrage "La filiation" N° Lexbase : E4381EYW).
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