Lexbase Fiscal n°608 du 9 avril 2015 : Recouvrement de l'impôt

[Jurisprudence] Responsabilité solidaire au paiement de l'impôt pour un couple lié par un PACS

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 16 février 2015, n° 373976, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0279NCC)

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par Guy Quillévéré, Président-assesseur à la cour administrative d'appel de Nantes

le 09 Avril 2015

Le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 16 février 2015 (CE 3° et 8° s-s-r., 16 février 2015, n° 373976, mentionné aux tables du recueil Lebon), a jugé qu'il résulte de la combinaison des dispositions de l'article 1691 bis du CGI (N° Lexbase : L3330IAL) et de l'article L. 247 du LPF (N° Lexbase : L3686I3W) que seules les personnes divorcées ou séparées peuvent être déchargées de leur responsabilité solidaire. En revanche, les conjoints liés par un pacte civil de solidarité et non séparés, qui ne sont pas des tiers l'un envers l'autre au regard de ces dispositions, s'ils sont recevables à demander des remises totales ou partielles d'impositions, d'amendes ou de majorations fiscales, dans les conditions de l'article L. 247 du LPF, ne sont pas recevables à demander à être déchargés de leur responsabilité solidaire. Les faits dans cette affaire sont les suivants : le trésorier-payeur général de la Haute-Garonne a implicitement rejeté une demande en décharge de sa responsabilité solidaire présentée par une contribuable pour le paiement du solde restant dû, d'un montant de 1 733 717,81 euros, sur le montant total formé par les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle-même et son époux, avaient été assujettis au titre, respectivement, des années 2000 à 2006 et de l'année 2006, par les pénalités correspondantes et par les majorations et frais de poursuites qui s'y rattachent. Le ministre, dans cette affaire, s'est pourvu en cassation contre le jugement du 20 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision implicite de rejet (TA Toulouse, 20 novembre 2012, n° 0903987).

Dans son arrêt du 16 février 2015, le Conseil d'Etat précise l'articulation des articles 1691 bis du CGI et L. 247 du LPF. La Haute juridiction indique que les époux et partenaires liés par un pacte civil de solidarité ne remplissant pas les conditions prévues au II de l'article 1691 bis du CGI, qui ne sont pas des tiers l'un envers l'autre au regard des dispositions de l'article 1691 bis et L. 247, s'ils sont recevables à demander des remises totales ou partielles d'impositions, d'amendes ou de majorations fiscales, dans les conditions de l'article L. 247, ne sont pas recevables à demander à être déchargés de leur responsabilité solidaire. Ainsi, les conjoints et partenaires liés par un pacte civil de solidarité ne peuvent obtenir la décharge en responsabilité solidaire d'imposition ni sur le fondement du II de l'article 1691 bis du CGI, ni sur celui de l'article L. 247 du LPF. Les conjoints ou partenaire d'un pacte civil de solidarité divorcé ou séparé peuvent, s'ils satisfont aux conditions posées par cet article, bénéficier de la décharge de responsabilité solidaire prévue par le seul II de l'article 1691 du CGI. Enfin, les tiers, peuvent bénéficier de la décharge en responsabilité solidaire prévue par les dispositions de l'article L. 247 du LPF. L'arrêt du 16 février 2015 confirme une logique esquissée récemment par le Conseil d'Etat (CE 3° et 8° s-s-r., 29 avril 2013, n° 364240, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8819KCM, et CE 3° et 8° s-s-r., 2 juillet 2014, n° 363734, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3128MUE) et confirme que les demandes en décharges de responsabilité solidaire de l'article 1691 bis du CGI doivent être distinguées des demandes de remises gracieuses qui peuvent être présentées sur le terrain de l'article L. 247 du LPF.

I - La décharge en responsabilité solidaire des époux ou des partenaires en application de l'article 1691 bis du CGI ne s'assimile pas en une demande de remise gracieuse des impositions

Le régime de responsabilité solidaire de l'article 1691 bis du CGI ne relève pas de la juridiction gracieuse.

A - L'article 1691 bis du CGI dans sa rédaction issue de la loi de finances pour 2008 organise un régime de responsabilité solidaire des époux et partenaires

L'article 1691 bis du CGI, issu de la loi de finances pour 2008 (loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 N° Lexbase : L5488H3N), institue un droit à décharge de la solidarité au bénéfice des contribuables qui remplissent les conditions qu'il énonce. Les dispositions de l'article 1691 bis du CGI se sont substituées aux dispositions de l'article 1685 du CGI (N° Lexbase : L3269HMZ) qui prévoyait que chacun des époux était solidairement tenu au paiement de l'impôt sur le revenu et de la taxe d'habitation et prévoyait qu'ils pouvaient demander à être déchargés de cette obligation. C'est avec le souci d'assurer un traitement objectif et égal des demandes de décharge de solidarité que le législateur a substitué au mécanisme de décharge gracieuse un dispositif de décharge en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et la situation financière et patrimoniale du demandeur (loi n° 2007-1822, art. 9.1).

Le cadre juridique issu de la loi de finances pour 2008 permet de distinguer les remises gracieuses de l'article L. 247 du LPF et les demandes de décharge de solidarité et emporte plusieurs conséquences. Tout d'abord, la demande en décharge de solidarité prévue par l'article 1691 bis du CGI ne tend pas à la contestation d'une décision prise sur une demande de remise gracieuse (CE 3° et 8° s-s-r., 2 juillet 2014, n° 363734, mentionné aux tables du recueil Lebon, préc.). Le Conseil d'Etat, dans l'arrêt du 29 juillet 2013 précité, avait alors tiré toutes les conséquences de la QPC soumise au Conseil constitutionnel. Ensuite, les demandeurs, satisfaisant aux conditions posées par les dispositions du II de l'article 1691 bis du CGI, se sont vus accorder, pour l'impôt sur le revenu, une décharge "égale à la différence entre le montant de la cotisation d'impôt sur le revenu établie pour la période d'imposition commune et la fraction de cette cotisation correspondant aux revenus personnels du demandeur et à la moitié des revenus communs du demandeur et de son conjoint ou de son partenaire de pacte civil de solidarité".

B - Une décharge de responsabilité solidaire peut être accordée aux personnes séparées ou divorcées en application du II de l'article 1691 bis du CGI

L'arrêt du Conseil d'Etat du 16 février 2015 précise que les personnes divorcées ou séparées peuvent demander à être déchargées de leur responsabilité solidaire en application des dispositions du II de l'article 1691 bis du CGI. Cette demande en décharge est donc distincte de celle de l'article L. 247 du LPF qui prévoit que l'administration peut également décharger de leur responsabilité les personnes tenues au paiement d'impositions dues par un tiers. L'arrêt commenté fonde sur des terrains juridiques différents la demande en décharge des personnes divorcées ou séparées de celle des tiers. Un conjoint divorcé ou séparé de son partenaire ne peut donc solliciter la décharge de la responsabilité solidaire prévue au profit des tiers.

Avant la loi de finances pour 2008 le conjoint ou partenaire de pacte civil de solidarité ne disposait que d'un recours gracieux auprès de l'administration fiscale qui accordait ou refusait sa demande de manière discrétionnaire. Aujourd'hui, sur le seul terrain du II de l'article 1691 bis du CGI, un partenaire de pacte civil de solidarité séparé ou divorcé et qui n'est donc pas un tiers pour son partenaire peut demander la décharge solidaire de responsabilité. Le sort réservé en matière de décharge de responsabilité solidaire au conjoint ou au partenaire est plus sévère encore. Le conjoint ni divorcé ni séparé qui n'est pas non plus un tiers pour son conjoint ou partenaire ne peut en aucun cas obtenir cette décharge de responsabilité solidaire. Le conjoint ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité peut seulement solliciter une remise totale ou partielle d'impôt en cas de gêne ou d'indigence, ou d'amendes fiscales ou de pénalités.

II - Le tiers peut bénéficier de la décharge de responsabilité solidaire sur le terrain de l'article L. 247 du LPF que le Conseil d'Etat a interprété de manière extensive

La demande en décharge de responsabilité d'un contribuable liée par un pacte civil de solidarité présentée sur le fondement de l'article L. 247 du LPF est irrecevable.

A - Le conjoint divorcé ou séparé n'est pas un tiers pour son conjoint ou partenaire

Aux termes des dispositions de l'article L. 247 du LPF, l'administration peut décharger de leur responsabilité solidaire les personnes tenues au paiement d'impositions par un tiers. Cette décharge de solidarité permet aux tiers d'obtenir la décharge d'impositions dont l'administration ne peut accorder le bénéfice au redevable légal (CE 9° et 10° s-s-r., 12 mars 2014, n° 355306, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9169MGP). En l'espèce, la requérante avait entendu exclusivement fonder sa demande sur les dispositions du sixième alinéa de l'article L. 247 du LPF permettant à l'administration de décharger de leur responsabilité les personnes tenues au paiement d'impositions dues par un tiers et non sur celles du 1° de cet article. Le Conseil d'Etat juge, dans son arrêt du 16 février 2015, que ces dispositions ne sauraient s'appliquer à des époux ou personnes liées par un pacte civil de solidarité. Ainsi, l'administration a pu légalement rejeter la demande présentée sur ce fondement par l'intéressée dont il était constant qu'elle n'était ni divorcée ni séparée de son époux. La requérante ne pouvait rechercher aucune des deux décharges de solidarité, ni sur le terrain du II de l'article 1691 bis du CGI, pas plus que sur celui de l'article L. 247 du LPF.

Les époux ou personnes liées par un pacte civil de solidarité peuvent seulement, sur le terrain de ce même article L. 247 du LPF, demander la remise gracieuse de leur imposition. Toutefois, l'article L. 247 du LPF prévoit en ce qui concerne la juridiction gracieuse, que seuls les impôts directs peuvent, aux termes de la loi, faire l'objet d'une remise totale ou partielle conditionnant le bénéfice de cette mesure à ce que l'intéressé se trouve par suite de gêne ou d'indigence dans l'impossibilité de payer une imposition régulièrement établie. Cette possibilité n'est pas reconnue par le service en matière d'imposition indirectes pour lesquelles la loi fiscale empêche toute remise gracieuse (en matière de TVA : CE 8° et 9° s-s-r., 1er décembre 1993, n° 133170, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1586AN3).

B - Les tiers peuvent, par le biais de la décharge de responsabilité solidaire, obtenir la décharge d'imposition dont l'administration ne pourrait accorder la remise au redevable légal

La décharge de responsabilité solidaire de paiement d'impositions dues par un tiers qui peut être accordée en application de l'article L. 247 du LPF peut porter sur les impositions dont l'administration ne pourrait accorder la remise au redevable légal. En effet, le quatrième alinéa de l'article L. 247 du LPF interdit à toute autorité publique d'accorder la remise des droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre, de taxes sur le chiffre d'affaires, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes et contributions. Ainsi, par le biais de la solidarité, les tiers peuvent obtenir la décharge d'impositions dont l'administration ne pourrait accorder la remise au redevable légal (cf. CE 9° et 10° s-s-r., 12 mars 2014, n° 355306, mentionné aux tables du recueil Lebon, préc.).

La demande de responsabilité solidaire de paiement d'impositions dues par des tiers peut donc porter sur des impositions dont l'administration n'est pas en droit d'accorder la remise en application du quatrième alinéa de l'article L. 247 du LPF. Il en va d'une certaine façon, de même, pour la décharge en responsabilité solidaire qui peut être prononcée sur le fondement du II de l'article 1691 bis du CGI puisque le Conseil d'Etat, dans son arrêt du 2 juillet 2014 précité, a jugé que, pour l'application du II de l'article 1691 bis du CGI au paiement de cotisations d'impôt sur le revenu et de taxe d'habitation, la "dette fiscale" à comparer à la situation financière et patrimoniale du demandeur est évaluée globalement quelle que soit les impositions qui la composent.

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