Lexbase Public n°366 du 19 mars 2015 : Urbanisme

[Questions à...] Les modalités d'invocation de l'adaptation mineure des règles du PLU devant le juge administratif - Questions à Philippe Peynet, Avocat associé, Cabinet Goutal Alibert & Associés

Réf. : CE, 1° et 6° s-s-r., 11 février 2015, n° 367414, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4181NBH)

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[Questions à...] Les modalités d'invocation de l'adaptation mineure des règles du PLU devant le juge administratif - Questions à Philippe Peynet, Avocat associé, Cabinet Goutal Alibert & Associés. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/23623097-questions-a-les-modalites-dinvocation-de-ladaptation-mineure-des-regles-du-plu-devant-le-juge-admini
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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

le 19 Mars 2015

Dans un arrêt rendu le 11 février 2015, le Conseil d'Etat a posé en principe que l'administration doit spontanément étudier la possibilité de délivrer un permis de construire au titre d'une adaptation mineure, le pétitionnaire qui se voit opposer un refus pouvant, devant le juge administratif, se prévaloir des dispositions de l'article L. 123-1-9 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L9333IZP), même dans le silence de sa demande initiale. Commet donc une erreur de droit la cour administrative d'appel qui écarte le moyen tiré de l'adaptation mineure au motif que cette demande n'avait pas été formulée devant le service instructeur du permis. Pour apprécier la portée de cette décision, Lexbase Hebdo - édition publique a rencontré Maître Philippe Peynet, avocat associé au sein du cabinet Goutal Alibert & Associés. Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler les grandes lignes du régime des adaptations mineures ?

Philippe Peynet : De longue date, le Code de l'urbanisme pose en principe que "les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes" (C. urb., art. L. 123-1-9).

La notion d'adaptation mineure répond à une préoccupation précise : procéder à une application souple de la règle posée par le POS ou le PLU. Mais l'adaptation ne doit pas conduire à violer la règle d'urbanisme ou à la méconnaître radicalement, car il s'agirait alors d'une dérogation, par principe prohibée (sous réserve des possibilités offertes par les articles L. 123-5 N° Lexbase : L9337IZT et L. 123-5-1 N° Lexbase : L0896I7C du Code de l'urbanisme). C'est bien pour autant qu'une telle faculté est sévèrement encadrée, par la loi et la jurisprudence.

En application de l'article L. 123-1-9 du Code de l'urbanisme, d'abord, l'adaptation mineure n'est légale que si elle apparaît indispensable à la réalisation du projet et si elle se justifie par :

- la nature du sol ;
- la configuration des parcelles (formes, superficie minimale, largeur de façade, terrain en pente...) ;
- ou le caractère des constructions avoisinantes (implantation en ordre continu, à l'alignement de la voie publique ou en retrait, aspect extérieur des constructions voisines...).

De manière générale, la jurisprudence a tendance, ensuite, à strictement interpréter ces dispositions. Ainsi que le rappelle la meilleure doctrine, "l'adaptation ne sera considérée comme mineure que si l'écart entre le projet et la règle est de très faible importance" (1). Pour certains auteurs, l'adaptation ne devrait pas dépasser, s'agissant des normes arithmétiques posées par le document d'urbanisme local, 20 %, voire 10 à 15 % (2). Il est toutefois difficile de considérer ces seuils comme une règle absolue.

Lexbase : Avant l'arrêt rapporté, quel était l'état du droit positif concernant l'instruction d'une demande d'autorisation d'urbanisme susceptible de justifier une réponse favorable, au titre d'une adaptation mineure ?

Philippe Peynet : Le droit n'était justement pas très clair, en l'état d'une jurisprudence peu fournie. Avant la réforme des autorisations d'urbanisme de 2005 (ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005, relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme N° Lexbase : L4697HDC) et 2007 (décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007, pris pour l'application de l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 N° Lexbase : L0281HUX), l'ancien article R. 421-15 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L8303ICI) prévoyait que le service compétent "instruit, au besoin d'office, les adaptations mineures au plan d'occupation des sols". En d'autres termes, l'instruction d'une adaptation mineure n'était pas soumise à une demande préalable du pétitionnaire.

La jurisprudence en a déduit que l'autorité compétente pour examiner la demande d'adaptation mineure ne pouvait refuser, par principe, d'examiner une telle possibilité (3). Quant elle était saisie d'une demande d'adaptation mineure, l'administration devait examiner la possibilité de l'accorder, sauf à entacher sa décision de refus d'une erreur de droit. En revanche, l'administration demeurait libre d'accorder ou de refuser l'adaptation mineure sollicitée, sous le contrôle naturellement du juge administratif (4).

La difficulté tient dans le fait que la rédaction de l'ancien article R. 421-15 du Code de l'urbanisme n'a pas été reprise dans le cadre de la réforme des autorisations d'urbanisme de 2007 et 2007 et que cet article n'a plus d'équivalent en droit positif. Que fallait-il en déduire ? Que l'administration devait encore, comme sous l'ancien régime, instruire d'office la délivrance des autorisations au bénéfice d'une adaptation mineure ? Ou que le pétitionnaire devait spécialement faire une démarche en ce sens ? Sur ce point, l'hésitation était permise, d'autant que des arrêts, certes non publiés, semblaient exiger une demande de la part du pétitionnaire (5).

Lexbase : Qu'apporte l'arrêt sur la question de l'instruction des adaptations mineures ?

Philippe Peynet : Il faut d'abord préciser que le Conseil d'Etat ne revient sur les règles de fond précédemment évoquées. L'adaptation mineure doit donc toujours se justifier au regard de la nature du sol, de la configuration des parcelles ou du caractère des constructions avoisinantes (cf C. urb., art. L. 123-1-9). L'intérêt de la décision du 21 février 2015, qui reprend d'ailleurs en partie une solution précédemment dégagée dans une décision moins commentée car rendue en formation moins solennelle (6) se situe donc ailleurs, au niveau de la procédure. Cet apport est d'ailleurs double.

En premier lieu, le Conseil d'Etat indique clairement que, en amont, le service instructeur doit, quand il est saisi d'une demande de permis de construire, "déterminer si le projet qui lui est soumis ne méconnaît pas les dispositions du plan local d'urbanisme applicables, y compris telles qu'elles résultent le cas échéant d'adaptations mineures lorsque la nature particulière du sol, la configuration des parcelles d'assiette du projet ou le caractère des constructions avoisinantes l'exige". Autrement posé, et quand bien même le Code de l'urbanisme ne le précise plus explicitement, l'adaptation mineure doit être instruite d'office, spontanément, même si, comme dans l'arrêt rapporté, le pétitionnaire n'avait rien précisé sur ce point dans sa demande.

En second lieu, et en aval cette fois, au stade du contentieux, en cas de recours contre la décision de refus de permis de construire, le pétitionnaire peut "se prévaloir de la conformité de son projet aux règles d'urbanisme applicables, le cas échéant assorties d'adaptations mineures dans les conditions précisées ci-dessus, alors même qu'il n'a pas fait état, dans sa demande à l'autorité administrative, de l'exigence de telles adaptations". Le Conseil d'Etat offre ainsi une session de rattrapage au pétitionnaire qui pourra, au contentieux, tenter d'obtenir l'annulation d'une décision de refus de permis de construire qui se heurte pourtant aux règles d'urbanisme mais qui aurait pu faire l'objet d'une décision positive, au bénéfice d'une adaptation mineure. Précédemment voué au rejet, un tel moyen est désormais opérant.

Lexbase : Quelles sont les conséquences de cette décision, en pratique ?

Philippe Peynet : La décision du Conseil d'Etat tranche enfin la question de l'obligation d'étudier la possibilité de délivrer une autorisation de construire, au bénéfice d'une adaptation mineure, même sans demande particulière du pétitionnaire. De ce point de vue, la précision apportée par le Conseil d'Etat est la bienvenue, qui permet désormais de disposer d'une ligne directrice claire. Elle permettra, par exemple, à des pétitionnaires non conseillés par un architecte de pouvoir disposer d'une autorisation qui, en principe, aurait dû être rejetée en raison de la contrariété, même minime, avec la norme locale. Mais il faut toutefois reconnaître que, pour l'administration, la décision du Conseil d'Etat est lourde de conséquences en ce qu'elle alourdit bien évidemment le travail des services instructeurs. Comme auparavant, le projet devra être confronté aux règles d'urbanisme locales, mais, en plus, le service instructeur devra s'assurer qu'en cas d'obstacles réglementaires (implantation vis-à-vis de l'alignement, implantation vis à vis des limites séparatives...) l'écart par rapport à la règle n'est pas tel, que le permis de construire sollicité pourrait néanmoins être délivré, sur le fondement de l'article L. 123-1-9 du Code de l'urbanisme. Incidemment, l'administration devra être en mesure, en cas de refus de permis de construire, de démontrer que le projet a été étudié en tenant compte d'éventuelles adaptations des règles locales. On peut penser qu'un "visa" spécifique, dans l'arrêté permettra à l'autorité compétente de se justifier. En cas de délivrance de permis, la question est moins problématique dès lors que par principe une décision qui comporte une adaptation mineure aux règles d'urbanisme applicables doit être motivée en application de l'article L. 424-3 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3441HZH).

Au reste, il ne faut pas surestimer les conséquences, d'un point de vue urbanistique, de la décision du Conseil d'Etat. Les conditions pour délivrer un permis de construire au titre d'une adaptation mineure demeurent très strictes. Le nombre de permis délivrés à ce titre ne devrait donc pas "exploser" (à la différence des permis délivrés au titre d'une dérogation de l'article L. 123-5-1 du Code de l'urbanisme, clairement encouragés par les pouvoirs publics pour remédier à la crise du logement).

Une dernière observation s'impose, concernant la possibilité de critiquer une décision de refus de permis de construire au motif qu'une décision favorable aurait pu être édictée au titre d'une adaptation mineure. Cette précision illustre la volonté du juge administratif, notamment en matière d'urbanisme, de tenter de purger le litige qui lui est soumis. Exigeante pour les services instructeurs, la décision l'est donc également pour les services juridiques et les avocats en charge de défendre des décisions de refus de permis de construire : des décisions qui, jusqu'à présent, ne présentaient pas de risques d'annulation forts pourraient être fragiles à l'aune de la nouvelle grille d'analyse posée par le Conseil d'Etat...


(1) H. Jacquot et F. Priet, Droit de l'urbanisme, Dalloz, 6ème éd., p. 307, § 269 ; voir pour un arrêt validant l'adaptation "en raison de son caractère limité" : CAA Nantes, 2ème ch., 4 décembre 2007, n° 06NT02152 (N° Lexbase : A7821D7S).
(2) P. Hocreitere, Les principes du juge administratif en matière d'adaptations mineures, LPA, 26 janvier 1987, p. 1. J.F. Inserguet, L'écriture du PLU, fiche 6 : L'écriture des règles alternatives ou exceptions, disponible sur le site internet du Gridauh.
(3) CE 1° et 4° s-s-sr., 15 mai 1995, n° 118919, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3770ANX), BJDU, 4/1195, p. 310, concl. C. Maugue ; voir aussi TA Besançon, 30 novembre 2000, Société SMCI c/ Ville de Besançon, n°. 99-642, BJDU, n° 4/2001, p. 244.
(4) CE, 22 février 1991, n° 103329, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0880ARZ) ; voir aussi les conclusions de C. Maugue sous CE 1° et 4° s-s-r., 15 mai 1995, n° 118919, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3770ANX) : "l'administration n'est jamais tenue d'accorder une adaptation mineure".
(5) CE 3° et 8° s-s-r., 27 juin 2008, n° 288942, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3506D9Q) ; CAA Marseille, 1ère ch., 20 décembre 2011, n° 10MA02646 (N° Lexbase : A2896IBU).
(6) CE 10° s-s., 13 février 2013, n° 350729, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5364I88).

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