Doit être cassé le jugement prud'homal rédigé en des termes incompatibles avec l'exigence d'impartialité. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 12 juin 2014 (Cass. soc., 12 juin 2014, n° 13-16.236, FS-P+B
N° Lexbase : A2301MRN).
Salarié de la société S. et en charge de plusieurs mandats syndicaux, M. X a bénéficié d'un détachement dans le cadre d'un accord tripartite entre l'employeur, le syndicat URI (Union régionale interprofessionnelle) et lui-même. Un second accord a été signé entre l'URI, le syndicat CFDT-métaux et le salarié élu comme responsable de la section juridique CFDT et considéré comme un permanent à mi-temps. Suite à la dénonciation par la société S. de ce détachement, un nouveau contrat de travail a été conclu entre elle et le salarié sur la base d'un temps partiel. Reprochant à l'URI une dégradation de ses conditions de travail, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation transformée en prise d'acte et de diverses demandes.
Pour dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement du conseil de prud'hommes, après avoir constaté que les déplacements du salarié devaient être préalablement décidés par l'URI, énonçait que "
le Conseil de céans se doit de constater qu'une telle décision jette un froid dans les relations contractuelles, avec un militant qui se retrouve sur la sellette, alors qu'il n'avait jamais démérité" ; que s'agissant du retrait invoqué de ses responsabilités par le salarié, "
l'estocade finale de l'URI a eu lieu en 2009, lorsque cette dernière a supprimé la cellule de formation syndicale, avec comme dans une arène, la mise à mort irrémédiablement de M. X , qui n'était plus que l'ombre de lui-même", ajoutant plus loin que "
de par sa notoriété, M. X devenait un élément gênant, donc à éliminer, avec sa cellule de formation" et qu' "
en agissant de la sorte, le Conseil de céans est persuadé que Mme Y se doutait que M. X s'en trouverait affecté, offensé, voire déprimé et par la suite dépressif. Il y a un adage qui dit, il faut diviser pour régner", puis encore "
ce différend fait penser à l'adage : le pot de fer contre le pot de terre, ou encore David contre Goliath", et "
l'URI a ainsi agi comme un véritable rouleau compresseur et malheureusement M. X s'est retrouvé sur son passage, impuissant et à sa merci". L'URI avait formé pourvoi en cassation.
La Haute juridiction casse le jugement au visa de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (
N° Lexbase : L7558AIR). Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial et en statuant en des termes incompatibles avec l'exigence d'impartialité, le conseil de prud'hommes à violé le texte susvisé (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3810ETB).
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