Lexbase Affaires n°384 du 5 juin 2014 : Droit financier

[Chronique] Chronique de droit financier - Juin 2014

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par Silvestre Tandeau de Marsac, Avocat au Barreau de Paris, Fischer, Tandeau de Marsac, Sur & Associés

le 05 Juin 2014

Lexbase Hebdo - édition affaires vous proposent de retrouver cette semaine une chronique de droit financier animée par Silvestre Tandeau de Marsac, Avocat au Barreau de Paris, Fischer, Tandeau de Marsac, Sur & Associés. L'auteur a choisi de commenter deux arrêts rendus par la Chambre commerciale de la Cour de cassation et une décision de sanction de l'AMF. Dans le premier arrêt sélectionné, en date du 11 mars 2014, la Cour suprême casse une décision rendue le 14 février 2012 qui avait débouté un investisseur réclamant à La Banque Postale l'indemnisation du préjudice subi à la suite de la souscription de parts du fonds Bénéfic (Cass. com., 11 mars 2014, n° 13-10.465, F-D). Le second arrêt commenté, rendu le 18 mars 2014, revient sur la qualification de l'activité de placement pour le compte d'un émetteur d'instruments financiers et ses conséquences (Cass. com., 18 mars 2014, n° 13-12.357, F-D). Enfin, la décision de la Commission des sanctions signalée dans cette chronique a été rendue le 7 avril 2014, et est relative à la distribution d'un produit d'investissement en biens divers sans respect de la réglementation applicable (AMF, décision du 7 avril 2014, sanction).
  • Nouvel arrêt dans les contentieux liés à la distribution de fonds communs de placement Bénéfic par La Banque Postale (Cass. com., 11 mars 2014, n° 13-10.465, F-D N° Lexbase : A9394MGZ)

Les contentieux liés à la distribution des parts de fonds communs de placement Bénéfic par La Banque Postale continuent à occuper la Chambre commerciale de la Cour de cassation.

Dans un arrêt rendu le 11 mars 2014, la Cour suprême casse une décision rendue le 14 février 2012 par la cour d'appel de Caen qui avait débouté un investisseur réclamant à La Banque Postale l'indemnisation du préjudice subi à la suite de la souscription de parts du fonds Bénéfic (CA Caen, 14 février 2012, n° 05/00766 N° Lexbase : A5235ICU).

La Cour de cassation commence, d'abord, par rejeter la première branche du moyen.

L'investisseur déçu reprochait à La Banque Postale un manquement à son obligation d'information faute d'avoir mentionné dans les documents publicitaires les caractéristiques les moins favorables et les risques inhérents aux options qui peuvent être le corollaire des avantages énoncés. Bref, un défaut de cohérence entre les documents publicitaires et la notice d'information.

Dans un précédent arrêt rendu, à propos également des contentieux relatifs à des fonds communs de placement Bénéfic, la Cour de cassation avait eu l'occasion de casser, pour ce même motif, un arrêt de la cour d'appel de Rouen rejetant la demande d'un souscripteur de parts du fonds commun de placement qui reprochait à la banque d'avoir manqué à ses obligations d'information, de mise en garde et de conseil. Déjà, il était fait grief aux juges du fond de ne pas avoir recherché si la publicité délivrée en vue de souscrire les parts de fonds communs de placement litigieux était cohérente avec l'investissement proposé et mentionnait, le cas échéant, les caractéristiques les moins favorables et les risques inhérents aux options qui pouvaient être le corollaire des avantages énoncés (1).

C'est fois-ci, la cour d'appel de Caen, désignée comme juridiction de renvoi, a pris soin d'effectuer cette recherche.

Après avoir relevé que le produit Bénéfic ne présentait pas un caractère spéculatif et que La Banque Postale n'était pas tenue à l'égard de son client d'une obligation de mise en garde contre les risques encourus (2), les juges suprêmes constatent que l'arrêt avait relevé que la publicité étaient cohérente avec la notice d'information.

La Cour de cassation se retranche derrière le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.

On peut toutefois s'étonner qu'elle approuve les juges du fond d'avoir exactement retenu que le produit Bénéfic ne présentait pas un caractère "spéculatif". La notice d'information visée par la Commission des opérations de bourse de l'époque faisait apparaître que le placement permettait au souscripteur de voir le capital investi progresser tant que le CAC 40 n'avait pas baissé de 23 %, que le capital n'était garanti que jusqu'à 23 % de l'indice boursier de référence et qu'en cas de baisse de l'indice de plus de 23 %, le souscripteur ne supportait la baisse de la valeur du titre que pour la part au-delà de 23 %.

Or, faire des opérations financières afin de tirer profit des variations des cours de valeur négociable c'est précisément spéculer (3). Ecarter le caractère spéculatif de ce placement alors même que la garantie du capital dépendait de la variation d'un indice boursier de référence manque de cohérence.

Mais, sur la troisième branche du moyen, la cassation est prononcée au visa des articles 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT) et 33 bis du règlement n° 89-02 de la Commission des opérations de bourse (N° Lexbase : L4739A4B modifié par le règlement COB n° 98-04 N° Lexbase : L4772A4I) alors applicable.

La Cour de cassation, poursuivant en cela sa construction jurisprudentielle et les principes fondamentaux consacrés en la matière, rappelle que la personne qui commercialise des parts de fonds communs de placement doit s'enquérir des objectifs, de l'expérience en matière d'investissement ainsi que de la situation financière de la personne sollicitée et que les placements proposés doivent être adaptés à cette situation. En effet, progressivement s'est dégagée en jurisprudence une obligation de conseil autonome par rapport à l'obligation d'information. Le professionnel doit s'assurer de l'adéquation des investissements réalisés par son client au regard de sa situation personnelle, de ses connaissances, de son expérience et de ses objectifs d'investissement.

Ainsi, la cour d'appel de Paris, dans deux décisions prononcées en 2012, a sanctionné le non-respect par une société de bourse de son obligation de s'assurer de "l'adéquation des investissements réalisés par sa cliente au regard des connaissances et de la situation personnelle de celle-ci [...]" (4).

Dans une deuxième décision, la cour d'appel de Paris a pu affirmer que le prestataire d'investissement financier ne peut pas se dispenser de ses investigations pour assurer la transparence du marché et doit vérifier, au cas par cas, que le support d'investissement répond au profil de gestion en adéquation avec les besoins et les objectifs de son client (5).

Sur ce point, la jurisprudence ne fait que transposer à des cas d'espèce auxquels ses textes n'étaient pas applicables, les exigences des articles L. 533-11 (N° Lexbase : L3085HZB) et L. 533-16 (N° Lexbase : L3090HZH) du Code monétaire et financier ainsi que celles des articles 314-43 et suivants du règlement général de l'AMF.

Ici, la Cour de cassation censure l'arrêt d'appel dont il ne résultait pas des motifs que La Banque Postale s'était enquise de l'expérience de son client en matière d'investissement et de sa situation financière.

La décision est cassée pour manque de base légale. Elle est importante même si elle figure dans la lignée des décisions récentes (6). Elle rappelle que le distributeur de parts de fonds communs de placement ne peut pas faire l'économie du diagnostic préalable à la commercialisation en matière de produits financiers (7). Il doit s'enquérir de la situation financière des objectifs et de l'expérience en matière d'investissement de la personne sollicitée et veiller à ce que les placements proposés soient adaptés à sa situation (8).

Bien que les textes en vigueur datent d'avant la transposition de la Directive "MIF" (Directive 2004/39 du 21 avril 2004 N° Lexbase : L2056DYS), la Cour suprême applique néanmoins les principes dégagés par celle-ci en matière d'obligation d'information et de devoir de conseil. Non seulement, l'obligation de conseiller un placement en adéquation avec les investissements réalisés par le client au regard de sa situation personnelle, de ses connaissances, de son expérience et de ses objectifs d'investissement s'émancipe de l'obligation d'information, mais elle tend à s'imposer à tous les distributeurs de produits et services financiers quels qu'ils soient.

L'arrêt du 11 mars 2014 en est l'éclatante illustration.

  • Qualification de l'activité de placement pour le compte d'un émetteur d'instruments financiers et ses conséquences (Cass. com., 18 mars 2014, n° 13-12.357, F-D N° Lexbase : A7527MHA)

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu, le 18 mars 2014, un arrêt particulièrement intéressant au regard de la qualification de l'activité de placement pour le compte d'un émetteur d'instruments financiers et ses conséquences.

En l'espèce, une société BCRT Finance, membre de la Compagnie nationale des professionnels du patrimoine et de l'intermédiation financière devenue la Chambre des indépendants du patrimoine, exerçait une activité de conseil en gestion de patrimoine et était amenée dans ce cadre à proposer la souscription de produits financiers.

C'est ainsi qu'elle avait jusqu'en 2003, c'est-à-dire antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 1er août 2003 sur la sécurité financière (loi n° 2003-706 N° Lexbase : L3556BLB), ayant introduit en droit français la réglementation de l'activité de conseil en investissement financier, un fonds d'investissement "Finaltis" émis par la société de droit américain Trust international group (ci-après la société TIG). La gestion administrative des contrats était assurée en France par la société B2R consulting. Des investisseurs n'ayant pu obtenir le remboursement de leurs placements déposèrent une plainte pénale. Une information judiciaire fut ouverte à l'issue de laquelle, par un arrêt du 16 mai 2012, trois des dirigeants de ces sociétés furent condamnés pour exercice illégal de l'activité d'établissement de crédit. La société BCRT Finance fut finalement mise en liquidation judiciaire le 14 avril 2014. Deux autres investisseurs assignèrent le liquidateur de la société BCRT Finance ainsi que l'assureur de responsabilité civile de cette même société. La compagnie d'assurance a alors contesté sa garantie au motif que la société BCRT aurait exercé illégalement une activité de prestataire de services d'investissement en l'occurrence le placement.

On sait qu'en droit financier l'appellation de placement couvre trois services d'investissement au sens de l'article L. 321-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2983HZI) :
- le placement non garanti ;
- le placement garanti ;
- la prise ferme.

Le service d'investissement placement non garanti est défini aujourd'hui comme "le fait de rechercher des souscripteurs ou des acquéreurs pour le compte d'un émetteur ou d'un cédant d'instruments financiers sans lui garantir un montant de souscription ou d'acquisition".

Le placement garanti s'entend comme "le fait de rechercher des souscripteurs ou des acquéreurs pour le compte d'un émetteur ou d'un cédant d'instruments financiers et de lui garantir un montant minimal de souscriptions ou d'achats en s'engageant à souscrire ou acquérir les instruments financiers non placés".

Enfin, la prise ferme consiste dans "le fait de souscrire ou d'acquérir directement auprès de l'émetteur ou du cédant des instruments financiers, en vue de procéder à leur vente" (9).

Selon la dernière position exprimée par l'AMF, deux conditions cumulatives doivent être réunies pour que soit caractérisé le placement (10). La première est l'existence d'un service rendu à un émetteur ou cédant d'instruments financiers. La seconde est la recherche, qu' "elle soit directe ou indirecte, de souscripteurs ou d'acquéreurs". Cette seconde condition résulte de la première dans la mesure où la recherche de souscripteurs ou d'acquéreurs n'est effectuée que pour les besoins du service rendu à l'émetteur ou au cédant.

Seuls les prestataires agréés pour finir le service de placement peuvent le proposer. On précisera que, même après la création par la loi du 1er août 2003 de l'activité de conseiller en investissements financiers, ces derniers ne peuvent fournir un quelconque service de placement. Enfin, on soulignera que la fourniture de services d'investissements à des tiers sans agrément est pénalement sanctionnée de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende (11).

En l'occurrence, la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait considéré, après avoir constaté que le premier des contrats Finaltis présentait ce produit comme un fonds commun de placement (dont la société TIG était à la fois le promoteur, la société de gestion et le dépositaire des fonds) investi en valeurs mobilières internationales et produits dérivés, que cette société TIG avait collecté, en vue de les réinvestir dans diverses sociétés sous forme de prêts, opérations d'escompte, avances en compte courant et prises de participation, des fonds s'élevant à 51 886 803,11 euros. Sur cette masse collectée, près de 37 millions d'euros l'avaient été par l'entremise de la société BCRT laquelle bénéficiait d'une commission pouvant aller jusqu'à 4 % du montant des souscriptions et d'une commission d'encours d'environ 0,1 % portant sur l'ensemble des fonds investis par son intermédiaire. La cour d'appel relève encore que le conseil en gestion de patrimoine avait fait souscrire activement des contrats, présentés comme des instruments financiers spécifiques, dont le nombre et le montant étaient significatifs d'une activité habituelle. La société BCRT recevait de l'émetteur des commissions élevées au titre de cette activité.

Au vu de ces constatations, la cour d'appel avait donc considéré que le conseil en gestion de patrimoine avait reçu mandat du promoteur de recevoir des fonds destinés à être investis par celui-ci. Cette activité caractérisait une activité de placement pour le compte d'un émetteur d'instruments financiers laquelle constitue un service d'investissement soumis à agrément. Faute d'être agréée en tant que prestataire de service d'investissement habilité à exercer une activité de placement, la société BCRT ne pouvait être valablement assurée pour ce service.

La Cour de cassation rejette donc le pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ayant considéré que la compagnie d'assurance avait à juste titre refusé sa garantie dans le litige opposant la société BCRT aux investisseurs ayant souscrit par son intermédiaire au fonds d'investissement "Finaltis". La solution peut apparaître sévère pour ces derniers. Elle est en revanche irréprochable sur le plan de la stricte application du droit.

On regrettera que l'arrêt ne soit pas publié au Bulletin dans la mesure où son intérêt pédagogique est évident en ce qu'il rappelle aux acteurs de la distribution des produits financiers ainsi qu'aux investisseurs les conséquences particulièrement désagréables de l'exercice illégal d'une activité soumise à agrément.

  • Affaire dite "Marble Art Invest" sur la distribution d'un produit d'investissement en biens divers sans respecter la réglementation applicable (AMF, décision du 7 avril 2014, sanction N° Lexbase : L0161I3D)

La Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a rendu, le 7 avril 2014, une décision sanctionnant une vingtaine d'intermédiaires ayant distribué un produit d'investissement en biens divers sans respecter la réglementation applicable.

L'affaire est remarquable à plus d'un titre. Il s'agit d'une des rares décisions relative à l'intermédiation en biens divers.

Elle concerne un nombre conséquent d'intermédiaires lesquels ont été lourdement sanctionnés.

Le groupe Marble Art Invest comprenait deux sociétés : l'une de droit étranger constituée sous forme LLP Royaume-Uni, l'autre de droit français constituée sous forme de SAS au capital de 2 000 euros. Les sociétés se présentaient comme des courtiers en art, implantées à Paris, Londres, Moscou et Bruxelles proposant des services d'ingénierie patrimoniale. Plus particulièrement, le produit Marble Art Invest distribué en France par un réseau d'intermédiaires constitués de gestionnaires de patrimoine et d'agents commerciaux avait pour ambition d'être un produit de diversification patrimoniale artistique "[...] évoluant sur le marché de l'art contemporain à l'écart de toute morosité économique [...]". Défini comme un produit alternatif de diversification patrimoniale, l'investissement proposé par les sociétés Marble Art Invest (ci-après MAI) prenait la forme d'une souscription soumise à la conclusion d'un contrat de prestation de services proposé l'un par MAI LLP et l'autre par la SAS MAI. Aux termes de ces contrats, MAI s'engageait à sélectionner, acheter, valoriser et revendre des oeuvres d'art contemporain pour le compte des investisseurs. Une fois l'oeuvre d'art acquise pour le compte des clients, MAI envoyait un certificat d'authenticité constituant également le titre de propriété des oeuvres acquises pour le compte des clients et devant être revendues à l'issue d'un trimestre.

La plus-value dégagée lors de cette revente constituait le rendement attendu sur ce produit, lequel était garanti à hauteur de 4 % avant toute fiscalité et conduisait selon la documentation professionnelle à un "rendement des cycles de valorisation patrimoniale [atteignant] la somme cumulée de 16 % par an, du montant net investi, avant toute fiscalité".

Parallèlement à la signature du contrat de prestation de services, le client signait également une convention de séquestre amiable avec MAI, aux termes de laquelle il s'engageait à remettre la somme investie par chèque bancaire au nom de MAI ou d'un huissier intervenant comme séquestre.

Une somme totale de près de 11 millions d'euros a pu être ainsi créditée sur le compte de l'huissier ouvert à la Caisse des dépôts et consignations.

A la suite de plaintes de différents clients, une enquête a été ouverte par l'AMF qui a estimé à plus de 15 millions d'euros les montants investis par plus de 300 clients. Ces derniers avaient été sollicités par un réseau d'intermédiaires constitué de gestionnaires de patrimoine et d'agents commerciaux mandatés par les sociétés MAI.

Après enquête, l'AMF a décidé de notifier ses griefs au début de l'année 2013 aux intermédiaires distributeurs du produit ainsi qu'à l'huissier ayant accepté la mission de séquestre.

1 - Les griefs

Il était reproché aux personnes mises en cause d'avoir commercialisé le produit MAI, recueilli des fonds aux fins de faire acquérir des droits sur le produit MAI, ou procédé à la gestion de ce produit, en violation des obligations professionnelles applicables aux intermédiaires en biens divers. De fait, l'Autorité des marchés financiers a également pour mission de veiller au respect des obligations professionnelles auxquelles sont astreints les intermédiaires en biens divers (12).

Le régime des articles L. 550-1 (N° Lexbase : L7896IZH) et suivants du Code monétaire et financier n'a pas vocation à s'appliquer aux opérations déjà régies par des dispositions particulières telles que les opérations d'assurance ou les opérations de crédit différé. Mais elles fixent des règles précises que doivent respecter les intermédiaires en biens divers.

1.1 - Sur la qualification d'intermédiaire en biens divers

La Commission des sanctions relève que MAI proposait au client d'acquérir un droit de propriété sur des oeuvres d'art -droit sur des biens mobiliers-, dont elle assurait la gestion et s'occupait de renouveler le stock, et de reverser au client les plus-values réalisées à cette occasion, avec un rendement de 16 % par an avant fiscalité.

Elle en déduit que ces opérations, qui n'étaient pas régies par des dispositions spécifiques et ne donnaient pas lieu à l'attribution en propriété ou en jouissance de parties déterminées d'un ou plusieurs immeubles bâtis, sont constitutives d'opérations sur biens divers, au sens de l'article L. 550-1 du Code monétaire et financier, dans sa version alors en vigueur (13).

1.2 - Sur la qualité d'intermédiaire en biens divers

Ensuite, la Commission des sanctions rappelle que selon l'article L. 550-1 du Code monétaire et financier précité, est soumis au régime juridique des intermédiaires en biens divers toute personne qui, directement ou indirectement par voie de publicité ou de démarchage, propose à titre habituel des opérations sur biens divers, toute personne qui recueille des fonds à cette fin et toute personne chargée de la gestion desdits biens. Elle ajoute qu'il importe peu que l'intermédiaire ait lui-même investi dans les produits ainsi commercialisés.

Puis la Commission des sanctions relève que le fait de proposer "les produits en cause par voie de publicité" doit s'entendre de tout mode de commercialisation s'appuyant sur une publicité, ou l'utilisant dans la relation avec l'investisseur, que cette publicité ai été ou non conçue ou diffusée par chacun des intermédiaires en biens divers concernés. En l'espèce, le réseau d'intermédiaires commercialisant le produit MAI s'appuyait sur ou utilisait une publicité faite en amont, par voie de presse ou part tout autre moyen, notamment internet, présentant les caractéristiques du produit et proposant sa souscription.

Les premiers intermédiaires avaient été recrutés par l'initiateur du produit avant qu'ils ne constituent eux-mêmes un réseau de sous-agents, sous une forme pyramidale. Ainsi, vingt personnes sont qualifiées d'intermédiaires en biens divers malgré leurs contestations de cette qualification. Certains se livraient d'ailleurs à des actes de démarchage auprès des futurs investisseurs.

Mais, la Commission des sanctions ne se contente pas de retenir le critère résultant de la proposition à titre habituel d'opération sur biens divers. Elle utilise également celui tiré d'un recueil de fonds aux fins de faire acquérir des biens divers. Se fondant sur le 2 de l'article L. 550-1 du Code monétaire et financier, la Commission des sanctions relève que plusieurs intermédiaires ont réceptionné des chèques de souscription remis par leurs clients, certains les transmettant soit pour le compte des sociétés MAI, soit pour celui des intermédiaires ou personnes morales pour le compte desquelles ils intervenaient. Or, la simple collecte auprès de clients de chèque destinés à l'acquisition de droit sur biens divers suffit à caractériser pour l'ensemble des conseils de gestion de patrimoine ou agents commerciaux visés un recueil de fonds au sens du 2 de l'article 550-1 précité.

Enfin, la Commission des sanctions retient le critère résultant de la gestion des biens divers pour qualifier l'intermédiation.

C'est notamment le grief retenu à l'encontre de l'huissier ayant accepté une mission de séquestre à qui il est reproché de s'être personnellement impliqué dans la gestion des biens divers.

2 - Sur le respect des obligations applicables aux intermédiaires en biens divers

Après avoir qualifié les intermédiaires en biens divers, la Commission des sanctions s'attache à rechercher si ces derniers ont respecté les obligations mises à leur charge par les articles L. 550-2 (N° Lexbase : L7895IZG) à L. 550-5 du Code monétaire et financier dans leur version applicable au moment des faits.

En premier lieu, seules des sociétés par actions peuvent, à l'occasion des opérations d'intermédiation en biens divers, recevoir des sommes correspondant aux souscriptions des acquéreurs ou aux versements des produits de leurs placements (14). La Commission des sanctions relève que tel n'a pas été le cas pour certains intermédiaires qui n'étaient pas constitués sous forme de sociétés par actions mais avaient adopté pour le régime de l'auto-entreprenariat.

En deuxième lieu, la Commission des sanctions pointe le non-respect de l'obligation d'établir un document d'information dans des conditions déterminées par décret (15). Ce document doit être déposé auprès de l'AMF par tout intermédiaire en biens divers (16). En l'espèce, le document requis n'a été remis à l'AMF par aucun des mis en cause. Le manquement apparaît donc constitué.

En troisième lieu, le manquement tiré de l'absence d'établissement d'un inventaire des biens et d'un état des sommes reçues au cours de l'exercice pour le compte des titulaires de droits est stigmatisé.

3 - Sanctions

L'AMF prononce en définitive des sanctions d'un montant supérieur à 2.8 millions d'euros et ordonne la publication sur son site internet.

C'est la première fois, à notre connaissance, que l'AMF intervient pour mettre un terme et sanctionner des opérations d'investissement en biens divers d'une telle ampleur.

Comme à son habitude, la Commission des sanctions s'attache à faire preuve de pédagogie en décortiquant soigneusement les éléments constitutifs de la qualification d'opérations d'intermédiaires en biens divers.

Les modifications introduites par la nouvelle loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation (N° Lexbase : L7504IZX), aux règles applicables à l'intermédiation en biens divers ne font pas disparaître ledit régime, bien au contraire.

Son périmètre est élargi à toutes personnes qui proposent à un ou plusieurs clients ou aux clients potentiels d'acquérir des droits sur un ou plusieurs biens mettant en avant la possibilité d'un rendement financier direct ou indirect ou ayant un effet économique similaire. Des exigences en matière d'informations des clients ou des clients potentiels sont précisées. Les communications à caractère promotionnel doivent être clairement identifiables en tant que telles, présenter un contenu exact, clair et non trompeur et permettre raisonnablement de comprendre les risques afférents au placement. Un droit de communication est ouvert à l'AMF et à l'Autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation.

Ce régime particulier ne s'applique pas aux propositions portant sur des opérations de banque, des instruments financiers, des parts sociales, des opérations d'assurance ou l'acquisition de droits sur des logements et locaux à usage commercial ou professionnel ou des terrains à la construction de ces logements ou locaux.


(1) Cass. com., 19 janvier 2010, n° 09-10.627, F-D (N° Lexbase : A4780EQ4) ; cassation de CA Rouen, 25 octobre 2007, n° 06/02812 (N° Lexbase : A3834G3E).
(2) Cass. com., 9 novembre 2010, n° 09-71.065, F-D (N° Lexbase : A9071GG3).
(3) Le Larousse définit la spéculation comme le fait de "faire des opérations financières ou commerciales sur des valeurs négociables, afin de tirer profit des variations de leurs cours".
(4) CA Paris, Pôle 5, 7ème ch., 6 novembre 2012, n° 2011/06225 (N° Lexbase : A4020IWS).
(5) CA Paris, Pôle 5, 6ème ch., 20 décembre 2012, n° 11/03494 (N° Lexbase : A2842IZB).
(6) Cass. com., 2 février 2010, n° 08-20.150, F-D (N° Lexbase : A6034ERW) ; Cass. com., 13 avril 2010, n° 08-21.334, F-D (N° Lexbase : A0484EWT).
(7) CA Paris, Pôle 5, 6ème ch., 24 février 2011, n° 08/11148 (N° Lexbase : A2128G39).
(8) RG AMF, art. 335-5.
(9) C. mon. fin., art. L. 321-1 (N° Lexbase : L2983HZI).
(10) Position AMF n° 2012-08, 16 juillet 2012, Placement et commercialisation d'instruments financiers (N° Lexbase : L7507IT9).
(11) C. mon. fin., art. L. 573-1 (N° Lexbase : L5650IXK).
(12) C. mon. fin., art. L. 621-9, dans sa rédaction alors applicable (N° Lexbase : L7893IZD).
(13) L'article L. 550-1 du Code monétaire et financier, dans sa version applicable, prévoyait d'une part qu' "est soumis aux dispositions des articles L. 550-2, L. 550-3, L. 550-4, L. 550-5 et L. 550-8 : 1. Toutes personnes qui, directement ou indirectement, par voie de publicité ou de démarchage, propose à titre habituel à des tiers de souscrire des rentes viagères ou d'acquérir des droits sur les biens mobiliers ou immobiliers lorsque les acquéreurs n'en assurent par eux-mêmes la gestion ou lorsque le contrat offre une faculté de reprise ou d'échange et la revalorisation du capital investi ; 2. Toute personne qui recueillie des fonds à cette fin ; 3. Toute personne chargée de la gestion desdits biens. [...] Les personnes mentionnées au présent article sont soumises aux dispositions des articles L. 341-1 à L. 341-17 et L. 353-1 à L ; 353-5 lorsqu'elles agissent par voie de démarchage".
(14) C. mon. fin., art. L. 550-2 (N° Lexbase : L7895IZG).
(15) C. mon. fin. art., L. 550-3 (N° Lexbase : L7894IZE).
(16) C. mon. fin. art., L. 550-1 (N° Lexbase : L5155HCW).

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