L'interdiction faite aux syndicats de fonctionnaires de négocier directement avec les administrations des conventions et accords collectifs relatifs à leurs conditions de travail, notamment leurs salaires, est contraire à l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (
N° Lexbase : L6799BHB). C'est en ce sens que statue la Cour européenne des droits de l'Homme dans un arrêt en date du 18 février 2014 (CEDH, 18 février 2014, n° 38927/10, n° 47475/10 et n° 47476/10
N° Lexbase : A7808MEW).
Au cas présent, un syndicat représentant les intérêts des fonctionnaires avait négocié et conclu, avec certaines municipalités, des conventions collectives de travail portant notamment sur les salaires. Au titre de ces conventions, les municipalités versaient aux fonctionnaires, adhérents de ce syndicat, des allocations s'ajoutant au montant du salaire légalement défini.
Examinant ces conventions, la Cour des comptes turque, par plusieurs arrêtés, a dénié toute capacité des syndicats de fonctionnaires à conclure des conventions collectives visant à l'amélioration de leurs conditions de travail, spécialement salariales et, par voie de conséquence, a annulé les conventions collectives. Au soutien de sa décision, elle a, d'une part, rappelé que le statut des fonctionnaires était fixé par le législateur et, qu'à ce titre, ceux-ci ne pouvaient régulièrement percevoir d'autres revenus que ceux prévus par la loi. D'autre part, la Cour des comptes a aussi retenu que, si les syndicats de fonctionnaires pouvaient, à certaines conditions, engager des négociations collectives, il ne leur était pas permis, au contraire des syndicats représentant les salariés de droit privé, de conclure des accords d'application directe avec les administrations.
La Cour européenne des droits de l'Homme a été saisie par le syndicat, sur le fondement de l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, lequel consacre la liberté syndicale, de la légitimité de ces arrêtés. Le requérant faisait valoir que ces décisions, en démentant toute capacité effective de négociation, violaient le droit des fonctionnaires municipaux de fonder des syndicats et de s'y affilier pour la défense de leurs intérêts.
La Cour accueille sa demande, considérant la violation de l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales parfaitement caractérisée, et condamne le Gouvernement turc à verser au syndicat des dommages et intérêts au titre de son préjudice moral (cf. l’Ouvrage "Droit du travail"
N° Lexbase : E2224ETK).
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