Le manquement de la société de bourse aux obligations d'information, de mise en garde et de conseil auxquelles elle peut être tenue à l'égard de son client prive seulement celui-ci d'une chance de mieux investir ses capitaux. Tel est le sens d'un arrêt rendu le 4 février 2014 par la Cour de cassation (Cass. com., 4 février 2014, n° 13-10.630, F-P+B
N° Lexbase : A9151MDB). En l'espèce, un investisseur a conclu, avec une société de bourse, une convention ayant pour objet l'ouverture d'un compte-titres destiné à lui permettre de réaliser des opérations de bourse ainsi qu'un contrat de conseil prévoyant que cette dernière acceptait de le conseiller dans le choix de ses investissements. Ayant enregistré des pertes, l'investisseur a recherché la responsabilité de la société de bourse pour manquements à ses obligations de conseil, d'information et de mise en garde. La Cour de cassation approuve, dans un premier temps, les juges du fond d'avoir retenu la responsabilité de la société de bourse : ayant fait ressortir que l'investisseur n'avait acquis une connaissance suffisante des risques encourus dans les opérations spéculatives sur ce type de marché, ni dès l'origine des relations contractuelles, ni avant l'apparition des pertes litigieuses, la cour d'appel, qui n'avait pas à se référer aux stipulations du contrat de conseil pour déterminer si l'intéressé avait la qualité d'opérateur averti, a légalement justifié sa décision. Mais sur la réparation du préjudice, la Cour régulatrice, énonçant le principe précité, casse au visa de l'article 1147 du Code civil (
N° Lexbase : L1248ABT), l'arrêt des juges d'appel qui, pour condamner la société de bourse au paiement de dommages-intérêts correspondant au montant des pertes financières subies, a retenu que, si le préjudice causé à l'investisseur du fait du manquement de cette société à ses obligations d'information, de mise en garde et de conseil s'analyse, d'un certain point de vue, en une perte de chance de ne pas initier d'opérations sur le marché à terme et d'échapper ainsi au risque de pertes inhérent au placement d'actifs sur le marché boursier, ce préjudice doit, s'agissant d'un opérateur profane ne maîtrisant pas les mécanismes complexes du marché à terme exigeant un savoir-faire spécifique, être déterminé en fonction de la totalité des pertes effectivement subies, lesquelles, compte tenu de l'inexpérience de cet opérateur, n'étaient affectées d'aucun aléa. Enfin, pour condamner la société de bourse au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral, la cour d'appel a jugé qu'en raison de l'importance des pertes subies, celle-ci a connu des conditions financières difficiles et a donc nécessairement subi un tel préjudice. La Cour casse, également au visa de l'article 1147 du Code civil, cette analyse : en statuant ainsi, alors que le préjudice moral ne pouvait se déduire des seules difficultés financières consécutives aux pertes subies par elle, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
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