Le Quotidien du 18 juillet 2025 : Droit financier

[Questions à...] Quelle actualité pour les produits structurés ? Questions à Philippe Glaser, avocat associé, Taylor Wessing

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le 18 Juillet 2025

Mots clés : produits structurés • bourse • épargne • marchés financiers • placements

Dans un marché boursier des plus volatils, ce que l’on appelle « produits structurés », qui permettent de profiter de la hausse d’un indice boursier, tout en limitant les pertes en cas de baisse, peuvent sembler une bonne affaire pour les épargnants en recherche de rentabilité et de sécurité. Mais reposant sur des techniques financières assez complexes et un système relativement opaque, ils peuvent aussi s’avérer un placement risqué. Pour un éclairage sur la question, Lexbase a interrogé Philippe Glaser, avocat associé, Taylor Wessing*.


 

Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler ce que recouvrent exactement les produits structurés ?

Philippe Glaser : Les produits structurés, encore appelés auparavant « fonds à formule », sont des instruments financiers non-côtés, plus précisément des titres de créances, qui sont conçus la plupart du temps par des sociétés spécialisées dans leur conception et émis par des institutions financières ou des banques.

Ils peuvent être souscrits directement (compte-titres, PEA…) ou au travers de contrats d’assurance-vie.

Ces produits combinent à la fois une composante obligataire et un ou plusieurs produits dérivés tels des actions, indices boursiers, matières premières, devises, crédits, …

Les produits structurés répondent à des objectifs précis d’investisseurs en matière de placement et de rentabilité sur une période le plus souvent relativement courte.

L’objectif principal est d’offrir à l’investisseur un profil de rendement/risque sur mesure, souvent différent de celui des placements plus traditionnels.

Ces produits sont soumis à une formule mathématique prédéfinie, ont une maturité fixée par avance, permettent le versement de coupons en cours de vie et offrent souvent une protection qui est partielle ou totale avec le plus souvent des seuils de protection.

Le Document d’Information Clé pour les investisseurs (DICI) fournit aux investisseurs les informations essentielles sur le produit, sa nature et ses caractéristiques.

Les produits structurés présentent des avantages non négligeables pour l’investisseur.

Outre qu’ils répondent comme nous l’avons indiqué à des objectifs particuliers (protection du capital…), ils permettent de dégager dans certaines situations un rendement supérieur aux placements traditionnels et peuvent encadrer les pertes éventuelles, notamment en cas de dépassement de certaines barrières.

Ils présentent cependant des risques non négligeables.

En effet, les pertes en capital sont souvent la contrepartie du rendement de ces produits.

En outre, il existe souvent des clauses prévoyant l’exposition de l’investisseur à un risque de crédit ou à un défaut de l’émetteur.

De la même manière, le « marché » de ces produits peut affecter leur revente avant l’échéance.

Lexbase : Par quelle règlementation sont-ils encadrés ?

Philippe Glaser : Cela dépendra du pays de commercialisation mais dès lors que le produit est distribué sur le territoire européen, il est soumis à des règles similaires dans chaque pays de l’Union.

Ainsi, la Directive « MIF II » (Directive (UE) n° 2024/790 du 28 février 2024 N° Lexbase : L9354MLZ) , intégrée en France dans le Code monétaire et financier, prévoit un dispositif de validation des instruments financiers, la définition d’un marché cible et prévoit que soient fournis aux distributeurs tous renseignements utiles sur les instruments financiers concernés ; ces règles s’appliquent par principe aux produits structurés.

Parmi les autres dispositions communautaires, on évoquera le Règlement « PRIIPS » (Packaged Retail Investment and Insurance-Based Products) (Règlement (UE) n° 2017/653 du 8 mars 2017 N° Lexbase : L7679LDR) prévoyant l’établissement par l’émetteur d’un Document d’Information Clés ; ce Règlement  est entré en vigueur le 1er janvier 2018.

Ces règles communautaires ont été intégrées au Code monétaire et financier et précisées par le Règlement général de l’AMF ; ces dispositions, qui concernent l’ensemble des instruments financiers, s’appliquent donc aux produits structurés (information des investisseurs, conditions de commercialisation, règles de publicité...).

Il convient ici de relever qu’en fonction des conditions de distribution des produits structurés, des règles particulières s’appliquent, notamment s'agissant de la nécessité ou non d’établir un prospectus soumis au visa de l’AMF pour les produits soumis à la réglementation relative à l'offre au public de titres financiers.

Le Règlement (UE) n° 2017/1129 du 14 juin 2017 N° Lexbase : L0645LGY, dit « Règlement Prospectus », entré en vigueur le 21 juillet 2019, décide ainsi que toutes les offres de titres financiers constituent à présent des offres au public, y compris les « placements privés », c’est-à-dire ceux proposés à des investisseurs qualifiés ou dans le cadre d’un cercle restreint.

Dans cette dernière hypothèse, la commercialisation des produits structurés ne nécessite pas la publication d’un prospectus (il s’agit des offres adressées à un cercle restreint de moins de 150 personnes de titres dont la valeur nominale unitaire s’élève au moins à 100 000 euros et qui acquièrent ceux-ci pour un montant total de 100 000 euros par investisseur et inférieures à 8 millions d’euros).

Lexbase : Sont-ils menacés par le contexte de marchés à la baisse que l'on observe depuis quelques mois ?

Philippe Glaser : En soi, ces produits sont particulièrement appréciés par les investisseurs et leur croissance en est le témoin ; en effet, de plus en plus d’investisseurs sont séduits par cette formule particulièrement adaptée aux besoins exprimés par les investisseurs.

Reste cependant qu'un marché baissier peut bien évidemment affecter la rentabilité du produit et « enfoncer » les barrières de protection que l'on trouve souvent pour protéger l'investisseur, ce qui peut entraîner une perte de capital ainsi que l'absence de versement de coupons.

Cela dépendra donc de la construction du produit, des actifs sous-jacents et des conditions de remboursement.

Bien évidemment, le risque d’illiquidité est accru dans ces circonstances.

Pour autant, de nouveaux produits sont émis en permanence et viennent s’adapter à la réalité des divers marchés.

Lexbase : Quel est le rôle exact des autorités en la matière ?

Philippe Glaser : Les autorités de régulation jouent un rôle essentiel pour s'assurer des conditions d’émission et de distribution de ces produits qui constituent des produits financiers et sont donc soumis à leur contrôle.

En France, les autorités de régulation sont l’AMF et l’ACPR.

Le partage des compétences se fait en fonction des conditions de commercialisation des produits structurés.

Lorsque le produit est commercialisé sous forme d’unité de compte, c’est l’ACPR qui est compétente ; elle peut effectuer des contrôles de la documentation commerciale et vérifier que l’assureur respecte les dispositions qui lui sont applicables au moment de la commercialisation de ces produits.

En revanche, lorsque le produit est commercialisé dans le cadre d’une offre au public (comptes-titres), c’est l’AMF qui sera compétente pour approuver le prospectus (du moins lorsqu’il est obligatoire) et de manière plus générale pour veiller aux conditions de commercialisation et au respect des règles qui gouvernent la matière (du producteur au distributeur).

Ainsi, l’AMF veillera en premier lieu aux conditions de publicité et de commercialisation de ces produits et s'assurera de ce qu'une information loyale, claire et non trompeuse est fournie aux investisseurs ; c’est le cas notamment du prospectus d’émission d’un titre soumis aux règles de l’offre au public qui sont particulièrement strictes.

Sur le fond, l'AMF doit en outre s'assurer du respect des conditions de commercialisation (« placement privé » ou offre au public avec visa) et contrôler les conditions dans lesquelles le profil des investisseurs a été fixé.

Les distributeurs – banques et conseillers en investissements financiers - sont ainsi surveillés et contrôlés afin de s’assurer que leurs obligations d’information (sur la nature, le risque et la rémunération afférents à ces produits) et de conseil au travers du rapport d’adéquation ont bien été respectées.

Les deux autorités ont l’habitude de collaborer ensemble, notamment au travers du Pôle Assurance - Banque - Épargne.

Elles ont ainsi, depuis 2010, adopté une doctrine similaire concernant ces produits (en matière notamment de gouvernance produit, de recueil des préférences de durabilité…).

*Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public

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