Le Quotidien du 18 juin 2025 : Licenciement

[Observations] Prescription de l’action en contestation de la rupture du contrat de travail : le délai de douze mois court à compter de la réception de la lettre de licenciement

Réf. : Cass. soc., 21 mai 2025, n° 24-10.009, FS-B N° Lexbase : B1636AAT

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N2448B33

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[Observations] Prescription de l’action en contestation de la rupture du contrat de travail : le délai de douze mois court à compter de la réception de la lettre de licenciement. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/120247544-observationsprescriptiondelactionencontestationdelaruptureducontratdetravailledelaide
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par Charlotte Maldacker, Avocate collaboratrice, cabinet Fromont Briens

le 17 Juin 2025

► Dans un arrêt du 21 mai 2025, la Cour de cassation clarifie la notion de « notification de la rupture », nécessaire à la détermination du point de départ de l’action en contestation de la rupture du contrat de travail, qu’elle fixe à la date de réception du courrier de licenciement par le salarié.

Prescription de douze mois pour intenter une action en contestation de la rupture. Selon l’article L. 1471-1 du Code du travail N° Lexbase : L1453LKZ, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

En l’absence de précision sur ce qu’il faut entendre par « notification de la rupture », la question se pose de savoir s’il s’agit de l’envoi de la lettre de licenciement par l’employeur ou bien la réception du courrier par le salarié.

La Cour de cassation y répond sans ambages dans un arrêt en date du 21 mai 2025.

Point de départ du délai de prescription. Dans cette espèce, un salarié embauché en qualité de chauffeur-livreur a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué dans le même temps à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Son licenciement pour faute grave lui a finalement été notifié par courrier recommandé, envoyé par l’employeur le 9 août 2019, puis remis au salarié par les services postaux le lendemain, soit le 10 août 2019.

Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Quentin de diverses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail par requête signée du 7 août 2020, laquelle n’a été réceptionnée au greffe du conseil de prud’hommes que le 10 août 2020.

La cour d’appel (CA Amiens, 2 mars 2023, n° 22/02326 N° Lexbase : A84439GS) a considéré que cette demande était prescrite. Elle estimait que la prescription avait commencé à courir le 9 août 2019, soit la date à laquelle l’employeur avait expédié la lettre de licenciement. Selon elle, le délai pour agir avait donc expiré le 8 août 2020 à minuit. La saisine du conseil de prud’hommes étant intervenue le 10 août 2020, l’action du salarié portant sur la rupture du contrat de travail et de ce fait l’ensemble des demandes relatives à la rupture étaient prescrites.

Au visa des articles L. 1232-6 et L. 1471-1 alinéa 2 du Code du travail, de l’article 668 du Code de procédure civile et des articles 2228 et 2229 du Code civil, la Cour de cassation casse la décision de la cour d’appel. Après avoir rappelé les dispositions de ces textes, elle en déduit que le délai de prescription de l’action en contestation de la rupture du contrat de travail court à compter de la date de réception par le salarié de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant la rupture.

Computation du délai de prescription. La Chambre sociale précise ensuite que « le jour pendant lequel se produit un évènement d’où court un délai de prescription ne compte pas dans ce délai », de sorte que le délai de prescription ne commence à courir que le lendemain de la notification du licenciement.

Elle se réfère pour cela aux articles 2228 N° Lexbase : L7213IAE et 2229 du Code civil N° Lexbase : L7214IAG, qui posent respectivement que la prescription se compte par jours, et non par heure, et qu’elle est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli.

Ce principe avait déjà été posé par la Chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc., 13 avril 2023, n° 21-14.479 FS-B N° Lexbase : A02419PM), dans le cadre de la prescription de cinq ans de l’action en contestation de la rupture du contrat de travail, applicable à l’époque des faits.

En l'espèce, la Cour de cassation a constaté que la lettre de licenciement avait été réceptionnée par le salarié le 10 août 2019, de sorte que le délai de prescription courait à compter du 11 août 2019 à 0 heure et jusqu'au 10 août 2020 à minuit, de sorte que l'action en justice introduite par le salarié le 10 août 2020 n'était pas prescrite.

La solution dégagée par la Cour de cassation doit être approuvée en ce qu’elle est conforme à la lettre de l’article 668 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6845H7N qui dispose que « la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre ».

À première vue, cette solution paraît logique dans la mesure où elle évite une situation dans laquelle le délai de contestation du licenciement commence à courir alors même que le salarié n’en a pas encore été avisé.

Elle suscite toutefois plusieurs interrogations, dont la Cour de cassation pourrait être saisie à l’avenir :

  • Quid si le salarié n’est pas présent lors du passage du facteur à son domicile puis ne va pas chercher la lettre au bureau de poste ? Faut-il alors retenir la date de première présentation du courrier au domicile du salarié ou bien considérer que le délai court à compter de l’expiration des quinze jours de mise à disposition du pli au bureau de poste ?

La Haute Cour s’est déjà régulièrement prononcée sur ces questions s’agissant de la régularité de la notification d’un licenciement. En effet, elle considère que le licenciement du salarié lui a été régulièrement notifié dès la première présentation de la lettre RAR à son domicile (Cass. soc., 23 juillet 1980, n° 80-60.233, publié N° Lexbase : A3691AGS).

Reste donc à savoir si la Cour de cassation appliquera ce principe pour déterminer le point de départ du délai de prescription dans une telle hypothèse.

  • Que se passe-t-il en cas de perte des justificatifs de réception ?

Ces questionnements mis à part, les enseignements à tirer de cet arrêt sont multiples.

Côté employeur, la référence à la notion de « réception » crée une incertitude l’obligeant à suivre attentivement le parcours du courrier recommandé et à faire preuve d’une grande rigueur dans la conservation des justificatifs de réception, et ce pendant toute la durée de la prescription. A noter que celle-ci peut aller jusqu’à 5 ans en cas d’action en nullité du licenciement fondée sur une discrimination ou une situation de harcèlement.

Côté salarié, il devra veiller à conserver le pli contenant la lettre de licenciement afin de s’assurer de la date effective d’expiration de son délai de contestation.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La procédure applicable au licenciement pour motif personnel, La convocation du salarié à l'entretien préalable, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E9065ESK.

 

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