Jurisprudence : Cass. soc., 21-05-2025, n° 24-10.009, FS-B, Cassation

Cass. soc., 21-05-2025, n° 24-10.009, FS-B, Cassation

B1636AAT

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2025:SO00534

Identifiant Legifrance : JURITEXT000051661450

Référence

Cass. soc., 21-05-2025, n° 24-10.009, FS-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/119487724-cass-soc-21052025-n-2410009-fsb-cassation
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Abstract

Il résulte des articles L. 1471-1, alinéa 2, du code du travail et 668 du code de procédure civile que le délai de prescription de l'action en contestation de la rupture du contrat de travail court à compter de la date de réception par le salarié de la lettre recommandée avec demande d' avis de réception notifiant la rupture. Selon les articles 2228 et 2229 du code civil, le jour pendant lequel se produit un événement d'où court un délai de prescription ne compte pas dans ce délai. La prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli. Doit en conséquence être censuré l'arrêt qui déclare l'action du salarié en contestation de la rupture de son contrat de travail irrecevable comme étant prescrite après avoir retenu comme point de départ du délai de prescription la date d'expédition par l'employeur de la lettre de licenciement et en comptant dans ce délai le jour de la notification du licenciement


SOC.

ZB1


COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 21 mai 2025


Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 534 FS-B

Pourvoi n° A 24-10.009

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [K].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 octobre 2023.


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 MAI 2025


M. [L] [K], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 24-10.009 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2023 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Kiloutou, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.


Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Maitral, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [K], de la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat de la société Kiloutou, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Maitral, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Barincou, Seguy, Mmes Ab, Ac, Brinet, conseillers, Mme Prieur, MM. Carillon, Redon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 2 mars 2023), M. [K] a été engagé en qualité de chauffeur-livreur le 2 avril 2012 par la société Kiloutou.

2. Licencié pour faute grave par lettre du 9 août 2019, réceptionnée le 10 août suivant, le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 10 août 2020, de demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire l'action en contestation de la rupture de son contrat de travail irrecevable comme prescrite, alors :

« 1°/ que l'action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture, entendue comme la date de réception de la lettre de licenciement par le salarié, date à laquelle ce dernier a connaissance des faits lui permettant d'agir ; que l'arrêt retient que la notification de la rupture est intervenue le 9 août 2019, date de l'expédition par l'employeur de la lettre de licenciement de sorte que M. [K] avait jusqu'au 8 août 2020 à 24 heures pour saisir le conseil de prud'hommes compétent ; qu'en prenant comme point de départ du délai la date de l'expédition, par l'employeur, de la lettre de licenciement et non celle de sa réception par le salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail🏛 ;

2°/ que le jour pendant lequel se produit un événement d'où court un délai de prescription ne compte pas dans ce délai ; que l'arrêt retient que la notification de la rupture est intervenue le 9 août 2019, date d'expédition par l'employeur de la lettre de licenciement de sorte que M. [K] avait jusqu'au 8 août 2020 à 24 heures pour saisir le conseil de prud'hommes compétent ; qu'en comptant dans le délai le jour de la notification du licenciement, la cour d'appel a violé l'article 2228 du code civil🏛. »


Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est contraire à la thèse soutenue en appel par le salarié qui a modifié à hauteur de cassation tant le point de départ que le jour à retenir pour l'introduction de son action.

5. Cependant, dans ses conclusions d'appel, le salarié, qui ne concluait pas sur le point de départ du délai de prescription, sollicitait la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes qui le fixait à la date du 10 août 2019 correspondant à la date de réception de la lettre de licenciement.

6. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 1232-6 et L. 1471-1, alinéa 2, du code du travail🏛, ce dernier dans sa version issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017🏛, l'article 668 du code de procédure civile🏛 et les articles 2228 et 2229 du code civil🏛 :

7. D'abord, aux termes du premier de ces textes, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec accusé de réception.

8. Aux termes du deuxième, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

9. Selon le troisième, la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition, et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de réception de la lettre.

10. Il en résulte que le délai de prescription de l'action en contestation de la rupture du contrat de travail court à compter de la date de réception par le salarié de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant la rupture.

11. Ensuite, selon les deux derniers, le jour pendant lequel se produit un événement d'où court un délai de prescription ne compte pas dans ce délai. La prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli.

12. Pour dire l'action du salarié en contestation de la rupture de son contrat de travail irrecevable comme étant prescrite, l'arrêt retient, d'abord, que la notification de la rupture est intervenue le 9 août 2019, date d'expédition par l'employeur de la lettre de licenciement au regard du cachet de la poste figurant sur l'accusé de réception produit, qui justifie en outre d'une distribution du courrier dès le lendemain. Il en déduit que le salarié, à qui le document a donc été délivré, avait jusqu'au 8 août 2020 à 24 heures pour saisir le conseil de prud'hommes compétent.

13. Il relève, ensuite, que le salarié a rédigé et signé sa requête le 7 août 2020, mais que celle-ci n'a été réceptionnée au greffe du conseil de prud'hommes que le 10 août 2020.

14. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la lettre de licenciement avait été réceptionnée par le salarié le 10 août 2019, ce dont elle aurait dû déduire que le délai de prescription avait commencé à courir le 11 août 2019 à 0 heure pour s'achever le 10 août 2020 à minuit, de sorte que l'action en contestation introduite le 10 août 2020 n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé les textes susvisés.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit l'action de M. [K] en contestation de la rupture de son contrat de travail irrecevable comme étant prescrite et en ce qu'il statue sur les dépens, l'arrêt rendu le 2 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne la société Kiloutou aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Kiloutou et la condamne à payer à la SARL Cabinet François Pinet la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le vingt et un mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.

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