Le Quotidien du 18 juin 2025 : Avocats

[Brèves] Diffamation publique : la Cour de cassation rejette le pourvoi d’une avocate

Réf. : Cass. crim., 3 juin 2025, n° 24-81.678, F-D N° Lexbase : B0211AHB

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N2457B3E

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par Marie Le Guerroué

le 17 Juin 2025

Par un arrêt du 3 juin 2025, la Chambre criminelle de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par une avocate contre un arrêt de la cour d’appel de Paris l’ayant déboutée de sa demande en diffamation publique. En cause, un article satirique affirmant que l’intéressée ne réglait pas ses cotisations à la CNBF depuis six ans et à l’Ordre de Paris depuis un an.

 

Une avocate avait porté plainte et s'était constituée partie civile devant le doyen des juges d'instruction contre un directeur de publication en raison d'un article intitulé « Me [K] réduite à la manche » publié dans l'édition du 4 octobre 2017, comprenant les propos suivants : « Depuis six ans qu'elle a enfilé la robe noire, elle a oublié de régler ses cotisations à la caisse de retraite des avocats » ; « Elle ne paie pas non plus, depuis un an, ses cotisations à l'Ordre des avocats de Paris ». L’avocate forme un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 février 2024. Elle critique l'arrêt en ce qu'il a renvoyé le directeur de publication des fins de la poursuite du chef de diffamation publique envers un particulier,

 

Pour rejeter l'existence d'une faute civile commise par le prévenu, en raison de sa bonne foi, l'arrêt d’appel énonce notamment, par motifs propres et adoptés, que les propos poursuivis imputent à la partie civile, pour les premiers, de ne pas avoir payé ses cotisations sociales à la caisse nationale des barreaux français (CNBF), au titre de la retraite, à hauteur de 32 215 euros sur une période de six ans, pour les seconds, de ne pas avoir payé ses cotisations à l'Ordre des avocats de Paris sur une période d'un an. Les juges, après avoir rappelé que les critères de la bonne foi doivent s'analyser avec plus de rigueur lorsque l'auteur des propos diffamatoires est un journaliste qui fait profession d'informer, relèvent que les propos s'inscrivaient dans un débat d'intérêt général relatif à la problématique de la cohérence entre les valeurs professées par les hommes et femmes politiques et leur probité, à laquelle les citoyens sont particulièrement attentifs. Ils observent, s'agissant du premier passage poursuivi, qu'il ressort des quatre pièces initialement produites au titre de l'exception de vérité, ainsi que de la pièce n° 1 produite par la partie civile, que l’avocate était redevable de diverses cotisations sociales, recouvrées par l'URSSAF et la CNBF, pour les années 2016 et 2017 et notamment d'une dette d'un montant de 32 215 euros à titre de cotisations et contributions aux droits de plaidoiries dues pour l'année 2016.
Ils ajoutent, s'agissant du second passage poursuivi, qu'il résulte d’un témoignage qu'une source anonyme, travaillant auprès de l'Ordre des avocats de Paris, avait informé l'auteur de l'article de l'existence d'une dette de la partie civile, cette information étant confirmée par les communications dudit Ordre faisant état d'un échéancier, et donc d'une dette, négocié par l’avocate en septembre 2017.
Ils relèvent encore que, préalablement à la publication de l'article, la journaliste a voulu adresser un message à l’avocate afin de recueillir ses observations sur le défaut de paiement de ses cotisations à la CNBF, ce qui témoigne d'une démarche contradictoire, participant de la démonstration de sa bonne foi, même en l'absence de réception effective dudit message par la partie civile, pour des raisons manifestement techniques. Ils en concluent que ces éléments constituent une base factuelle sérieuse en lien avec les imputations formulées. Ils observent enfin, s'agissant de la prudence dans l'expression, eu égard aux éléments tangibles dont disposait la journaliste, de l'intérêt général s'attachant au sujet traité et enfin de la tonalité ironique de ce très court article, qui fait état « d'oubli », « d'étourderie » ou de « distraction » pour justifier les manquements imputés à l’avocate, conforme au mode d'expression satirique revendiqué par le journal, que les limites admissibles de la liberté d'expression, particulièrement étendue dans le cadre de la polémique politique, n'ont pas été dépassées.


Pour la Cour de cassation, en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision. En premier lieu, les juges du fond ont exactement retenu, en considération des éléments extrinsèques qu'ils ont souverainement appréciés, que les premiers propos diffamatoires poursuivis ne contiennent pas l'affirmation claire que la prévenue n'aurait pas payé ses cotisations pendant six ans. En second lieu, les juges du fond, saisis de la faute civile, ont exactement admis le prévenu au bénéfice de la bonne foi, dont la démonstration ne saurait être subordonnée à la preuve de la vérité des faits ni à une contradiction effective avec la personne visée par les propos diffamatoires, mais suppose que, comme en l'espèce, la journaliste ait vérifié les informations, avant leur publication, par un recoupement suffisant de plusieurs sources fiables et convergentes établissant ainsi, d'une part, l'existence de dettes en lien avec l'activité professionnelle de l’avocate et les obligations de cotisations qui en découlent, d'autre part, que cette dernière ne contestait pas l'existence de la dette puisqu'elle avait sollicité une compensation. La Cour rejette, par conséquent, le pourvoi.

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