Réf. : Cass. crim., 30 avril 2025, n° 23-83.051, F-D N° Lexbase : A75260QS
Lecture: 4 min
N2267B3D
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Matthieu Hy, Avocat
le 14 Mai 2025
Toute personne prétendant avoir un droit sur un bien saisi peut en solliciter la restitution à la juridiction de jugement qui statuera par jugement séparé sauf si la demande est faite conjointement par un prévenu et le tiers. L’irrecevabilité de cette même personne à se constituer partie civile ne fait pas obstacle à l’examen de sa demande de restitution en tant que tiers.
À l’occasion d’une procédure d’arbitrage opposant la République de Guinée Équatoriale à une société, cette dernière a désigné une consultante pour la gestion et le suivi de cette procédure. La sentence arbitrale ayant mis à la charge de la République de Guinée Équatoriale le versement de près de 70 millions d’euros, la société a mandaté un huissier de justice pour procéder en France à son exécution. Plusieurs protocoles transactionnels ont abouti à ce qu’une somme de 7,5 millions d’euros soit versée sur un compte par l’ambassade de la République de Guinée Équatoriale. Après une saisie de 4 millions d’euros sur le compte, le solde d’environ 3 millions d’euros déduction faite des frais dus à l’huissier de justice, a été versé sur un compte personnel de la consultante. Sur une plainte de la société, une information judiciaire a été ouverte des chefs d’escroquerie en bande organisée, faux et usage de faux. L’huissier et la consultante ont été renvoyés devant la juridiction de jugement. Le tribunal a, pour l’essentiel, déclaré les prévenus coupables, a reçu en leurs constitutions de partie civile la République de Guinée Équatoriale et la société, et a ordonné la restitution d’une somme saisie de plus de 4 millions d’euros à cette dernière. Devant la cour d’appel, sont intervenues volontairement la société prise en la personne d’un autre représentant légal ainsi qu’une seconde société et l’État du Cameroun, la procédure d’arbitrage ayant en effet été initiée à l’occasion de difficultés rencontrées par un groupe de droit camerounais et cette seconde société lors de la délivrance des agréments préalables à l’implantation d’une filiale en Guinée Équatoriale par l’intermédiaire de la première société susmentionnée. La cour d’appel a condamné la consultante et l’huissier, ordonné la confiscation de la somme saisie et déclaré irrecevables les interventions volontaires des deux sociétés et de l’État du Cameroun. Les sociétés et l’État camerounais se sont pourvus en cassation.
Au visa notamment de l’article 479 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9923IQL, la Chambre criminelle de la Cour de cassation énonce que « toute personne qui prétend avoir un droit sur les objets placés sous main de justice peut en demander la restitution à la cour d’appel saisie de la poursuite qui statue par une décision séparée sauf lorsque la demande émane conjointement du prévenu et du tiers » [1]. Elle constate que la cour s’est fondée, pour déclarer les interventions irrecevables, d’une part, sur l’absence de conformité de ces interventions aux articles 329, alinéa 2 N° Lexbase : L2005H4Z, et 122 N° Lexbase : L1414H47 du Code de procédure civile, et, d’autre part, sur le flou relatif au droit d’agir à la qualité de chacun des demandeurs se présentant de façon alternative avec des revendications alternatives au titre du même préjudice dans la mesure où les trois demandeurs avaient déposé des conclusions en tant que requérants « et/ou » intervenants volontaires « et/ou » parties civiles. Toutefois, selon la Haute juridiction, la cour d’appel devait répondre « aux demandes des parties intervenant à titre principal en qualité de tiers ayant des droits sur la somme saisie » bien qu’elles soient par ailleurs irrecevables à se constituer partie civile.
Dans cette complexe affaire, en premier lieu, la Chambre criminelle rappelle implicitement que les tiers propriétaires sont recevables à intervenir pour la première fois en cause d’appel [2]. En deuxième lieu, elle rejette les conditions fixées par la cour d’appel au regard du code de procédure civile pour ne retenir, au titre de la recevabilité, que le fait, pour le tiers, de prétendre avoir un droit sur le bien saisi. En troisième lieu, elle démontre que l’irrecevabilité de la constitution de partie civile d’une personne ne fait nullement obstacle à l’examen de sa demande de restitution en qualité de tiers prétendument propriétaire.
[1] Sur l’exigence d’un jugement séparé et son exception, déjà en ce sens : Cass. crim., 19 avril 1961, n° 60-91.765.
[2] Déjà en ce sens, Cass. crim., 15 janvier 2014, n° 13-81.874 N° Lexbase : A7831KT9.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:492267