Réf. : Cass. crim., 30 avril 2025, n° 24-80.795, F-D N° Lexbase : A74960QP
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N2259B33
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par Matthieu Hy, Avocat
le 13 Mai 2025
Statuant sur une requête en difficulté d’exécution déposée par le condamné et relative à une peine de confiscation immobilière, la juridiction n’a pas le pouvoir de restreindre ou d’accroître les droits que le jugement a consacrés et donc de modifier la chose jugée. La confiscation du sol entraîne la propriété du dessus et du dessous, dont les bâtiments, y compris s’ils ont été érigés postérieurement à la saisie pénale immobilière.
Dans le cadre d’une affaire de fraude fiscale, passation d’écritures comptables inexactes ou fictives en comptabilité, abus de biens sociaux, faux et usage, le tribunal correctionnel a condamné le prévenu notamment à la peine de confiscation d’un terrain lui appartenant qui avait été préalablement saisi dans le cadre de l’enquête. Une fois le jugement devenu définitif, ce dernier a déposé une requête en difficulté d’exécution tendant à ce que la confiscation soit limitée au seul terrain et ne soit pas prononcée en nature mais en valeur. En effet, postérieurement à la saisie pénale du terrain, le propriétaire avait poursuivi la construction d'un bâtiment devenu le logement familial de celui-ci.
Le tribunal correctionnel a déclaré irrecevable la requête. Sa décision a été frappée d’appel par le condamné. L’arrêt de la cour d’appel a fait l’objet d’un premier pourvoi en cassation qui a prospéré dès lors que « lorsque le tribunal ou la cour statue sur les incidents contentieux relatifs à l’exécution des décisions, la partie requérante ou son avocat doivent avoir la parole en dernier » [1].
Statuant sur renvoi de la chambre criminelle, la même cour d’appel, autrement composée, a rejeté la requête. Saisie d’un nouveau pourvoi, la Cour de cassation l’a rejeté.
D’une part, elle rappelle que statuant sur une requête fondée sur l’article 710 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2377M9W et portant sur la décision de confiscation, une cour d’appel ne peut restreindre ou accroître les droits qu’elle consacre [2] et modifier ainsi la chose jugée [3]. Le condamné, qui n’avait pas interjeté appel du jugement, ne pouvait dès lors demander la limitation de la confiscation au terrain ni solliciter la modification du fondement de la confiscation. Ce type de requête ne doit pas être confondu avec la requête en difficulté d’exécution, fondée sur la même disposition, permettant à toute personne non condamnée pénalement propriétaire d’un bien ayant été confisqué en son absence [4] d’en solliciter la restitution [5], sans que ne puisse lui être opposée l’autorité de la chose jugée.
D’autre part, la Haute juridiction expose que l’article 552 du Code civil N° Lexbase : L3131ABL prévoit que la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous de sorte que le bâtiment achevé postérieurement à la saisie pénale entrait nécessairement dans l’assiette de la confiscation. Rappelant cette seule règle, la chambre criminelle fait l’économie du débat ayant manifestement eu lieu devant la cour d’appel relatif au droit dont disposait le propriétaire du bien saisi de réaliser la construction. En effet, l’article 706-145, alinéa 1er, du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7241IM7 interdit de disposer du bien saisi tandis que l’article 706-143, alinéa 3, du même code N° Lexbase : L7243IM9 subordonne tout acte ayant pour conséquence de transformer, modifier substantiellement le bien ou en réduire la valeur à l’autorisation préalable du magistrat ayant ordonné la saisie. Quoiqu’il en soit, l’affaire posait moins la question de l’assiette de la confiscation que de sa valeur une fois le bâtiment construit et son usage à titre de logement familial. Néanmoins, l’incidence de cette nouvelle situation ne pouvait être débattue que lors de l’audience de jugement.
[1] Cass. crim., 30 juin 2021, n° 20-83.222 N° Lexbase : A20884YY.
[2] Déjà en ce sens, Cass. crim., 5 avril 2023, n° 22-85.904 N° Lexbase : A96401LM.
[3] Déjà en ce sens, Cass. crim., 15 septembre 2021, n° 20-85.404 N° Lexbase : A915744W ; Cass. crim., 6 décembre 2023, n° 23-84.279 N° Lexbase : A670017B.
[4] Voir néanmoins à propos d’un accusé acquitté dont un bien a été confisqué par la cour d’assises : Cass. crim., 10 avril 2019, n° 18-85.370 N° Lexbase : A7856Y8H.
[5] Cass. crim., 20 mai 2015, n° 14-81.741 N° Lexbase : A5397NIQ ; Cass. crim., 20 mai 2015, n° 14-81.147 N° Lexbase : A9723NHL ; Cass. crim., 5 octobre 2022, n° 21-86.870 N° Lexbase : A11828N4 ; Cass. crim., 4 septembre 2024, n° 23-82.769 N° Lexbase : A32355YH.
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