Réf. : Cass. crim., 29 avril 2025, n° 25-81.004, F-B N° Lexbase : A45180QE
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par Helena Viana, Avocate au barreau de Paris
le 12 Mai 2025
Dès lors que la chambre de l’instruction constate qu’aucune information n’a été délivrée à l’intéressé quant à la possibilité de refuser le recours à la visioconférence pour le débat relatif à un éventuel placement en détention provisoire, elle est tenue de prononcer la nullité de l’ordonnance entreprise. Dans une telle hypothèse, les droits de la défense ont été méconnus et il ne peut en être déduit une quelconque acceptation implicite.
Dans cette affaire, une personne mise en examen dans un dossier d’instruction au tribunal judiciaire de Bordeaux est placée sous contrôle judiciaire quatre mois après avoir été initialement placée en détention provisoire.
Elle est de nouveau placée sous mandat de dépôt criminel un an et cinq mois plus tard, cette fois-ci dans une affaire d’infractions à la législation sur les stupéfiants instruite à Marseille.
Alors détenue pour autre cause, elle est interrogée par le premier juge bordelais en visioconférence depuis la maison d’arrêt quelques mois plus tard après la mise en examen dans le second dossier.
À l’issue de l’interrogatoire, le juge d’instruction saisit le juge des libertés et de la détention (JLD) aux fins de révocation du contrôle judiciaire.
Le JLD prononce le placement en détention provisoire du mis en examen le même jour, au terme d’un débat contradictoire, également tenu en visioconférence.
Procédure. Le mis en examen interjette appel de l’ordonnance de révocation du contrôle judiciaire et de placement en détention provisoire, en soulevant la nullité tirée du défaut d’information de son droit de s’opposer au recours à la visioconférence.
Cette ordonnance est confirmée en appel par la chambre de l’instruction, les juges du fond ayant estimé que, dès lors que ni la personne détenue ni son avocat ne s’étaient opposés au recours à la visioconférence, les droits de la défense n’avaient pas été méconnus.
Un pourvoi en cassation est formé contre cet arrêt.
Conclusion. La Chambre criminelle casse l’arrêt au visa de l’article 706-71 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L6581MGT, dont il se déduit que « lorsqu'il est statué sur le placement en détention provisoire d'une personne détenue pour autre cause, celle-ci doit être informée de son droit de s'opposer à l'utilisation de la visioconférence lors du débat contradictoire préalable s'il est envisagé de recourir à ce moyen de télécommunication audiovisuelle ».
Les juges du fond ne pouvaient, selon la Haute juridiction, déduire un consentement tacite en l’absence d’opposition au recours à la visioconférence ou de demande de renvoi formulée à l’audience par elle ou son avocat.
Il est de jurisprudence constante que seuls des risques graves de troubles à l’ordre public ou d’évasion peuvent permettre de passer outre le refus de la personne détenue d’utiliser un moyen de télécommunication audiovisuelle (Cass. crim., 11 octobre 2011, n° 11-85.602 N° Lexbase : A0513HZZ ; Cass. crim., 18 avril 2023, n° 23-80.661 N° Lexbase : A22679QZ).
Encore faut-il que la personne détenue ait été informée de la possibilité de manifester un refus du recours à ce procédé.
Cette solution fait également écho à une décision rendue en décembre 2023, dans laquelle la Chambre criminelle avait rappelé l’importance de l’information préalable sur le recours à la visioconférence, cette fois à destination de l’avocat convoqué devant la chambre de l’instruction. Les magistrats avaient considéré que cette formalité visait à garantir une défense effective de son client (Cass. crim., 5 décembre 2023, n° 23-85.403 N° Lexbase : A727517L).
À l’inverse, la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi fondé sur l’absence d’information préalable du détenu de ce qu’il comparaîtra par visioconférence, dès lors qu’il avait saisi la chambre de l’instruction d’une demande de mise en liberté sur le fondement de l’article 148-4 du Code de procédure pénale (Cass. crim., 2 mai 2018, n° 18-80.895 N° Lexbase : A4530XN4).
Si la décision du 29 avril 2025 s’inscrit dans une continuité jurisprudentielle relative à l’usage croissant de la visioconférence, elle rappelle la nécessité de respecter le cadre procédural strict qui l’entoure.
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