Jurisprudence : Cass. crim., 05-12-2023, n° 23-85.403, F-B, Cassation

Cass. crim., 05-12-2023, n° 23-85.403, F-B, Cassation

A727517L

Référence

Cass. crim., 05-12-2023, n° 23-85.403, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/102217193-cass-crim-05122023-n-2385403-fb-cassation
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Abstract

Il se déduit de l'article 706-71 du code de procédure pénale que, hors le cas prévu à l'article 706-71-1 de ce même code, lorsque le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle est envisagé devant la chambre de l'instruction statuant en matière de détention provisoire, l'avocat de l'intéressé doit en être avisé dans le délai et selon les formes prévus pour l'avis d'audience aux articles 197 et 803-1 du code de procédure pénale. Cette formalité, qui a pour objet de permettre à l'avocat d'assurer une défense effective de l'intéressé, en se trouvant à ses côtés s'il estime utile, est essentielle à la préservation des droits de la défense et doit être observée à peine de nullité de l'arrêt


N° E 23-85.403 F-B

N° 01510


SL2
5 DÉCEMBRE 2023


CASSATION


M. BONNAL président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 DÉCEMBRE 2023



M. [Aa] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 18 août 2023, qui, dans l'information suivie contre lui, notamment, des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive et association de malfaiteurs, a rejeté sa demande de mise en liberté.


Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [Aa] [S], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 décembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 31 mars 2023, M. [Aa] [S] a été mis en examen des chefs susvisés, et placé en détention provisoire par ordonnance du juge des libertés et de la détention du même jour.

3. Le 1er août 2023, M. [S] a déposé une demande de mise en liberté devant la chambre de l'instruction, en application de l'article 148-4 du code de procédure pénale🏛.

4. Le 10 août 2023, le demandeur et son avocat ont été convoqués à une audience fixée au 17 août suivant à 10 heures 30.

5. Le jour de l'audience, à 11 heures 54, l'avocat de M. [S] a été avisé que celui-ci comparaîtrait le même jour, à 14 heures, en visioconférence.

6. Il a alors adressé un mémoire demandant la mise en liberté immédiate de la personne mise en examen en raison d'une atteinte aux droits de la défense, ou, à titre subsidiaire, un renvoi de l'audience.

7. M. [S] a été avisé qu'il comparaîtrait par visioconférence à 13 heures 54.

8. L'audience s'est tenue à 14 heures, hors la présence de l'avocat de l'intéressé.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté « le moyen de procédure soulevé et la demande de renvoi », dit la demande de mise en liberté mal fondée, et l'a rejetée, alors :

«2°/ d'autre part qu'en matière de détention, l'avocat doit être convoqué au moins quarante-huit heures avant l'audience de la chambre de l'instruction, la convocation devant préciser le mode de comparution de la personne détenue, afin de permettre à l'avocat de se déterminer, en cas de recours à la visioconférence, sur le lieu où il pourra se trouver – auprès de la juridiction ou auprès de son client – lors des débats ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces de la procédure que Monsieur [S] et son conseil n'ont été convoqués en vue de l'audience de la Chambre de l'instruction du 17 août 2023 à 14 heures que le jour même respectivement à 13 heures 55 et 11 heures 54 ; qu'en affirmant, pour juger la procédure régulière, que Monsieur [S] et son conseil avaient été convoqués pour une audience devant se tenir à la chambre de l'instruction le 17 août 2023 à 10 heures 30 et que le mode de comparution de la personne détenue pouvait être modifié pour passer d'une comparution physique devant la juridiction à l'usage de la visioconférence sans délai avant l'audience, la chambre de l'instruction a violé les articles 197, 706-71, 591 et 593 du code de procédure pénale🏛🏛🏛🏛 ;

3°/ encore qu'en matière de détention, l'avocat doit être convoqué au moins quarante-huit heures avant l'audience de la chambre de l'instruction, la convocation devant préciser le mode de comparution de la personne détenue, afin de permettre à l'avocat de se déterminer, en cas de recours à la visioconférence, sur le lieu où il pourra se trouver – auprès de la juridiction ou auprès de son client – lors des débats ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces de la procédure que Monsieur [S] et son conseil n'ont été convoqués en vue de l'audience de la Chambre de l'instruction du 17 août 2023 à 14 heures que le jour même respectivement à 13 heures 55 et 11 heures 54 ; qu'en affirmant, pour juger la procédure régulière, qu'il appartenait à l'avocat de Monsieur [S] de « prendre soin d'indiquer suffisamment à l'avance s'il serait ou non auprès de son client », quand une telle diligence ne lui incombait pas dès lors qu'il avait été convoqué à une audience à laquelle son client devait comparaître physiquement, la chambre de l'instruction a violé les articles 197, 706-71, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

4°/ en outre qu'en matière de détention, l'avocat doit être convoqué au moins quarante-huit heures avant l'audience de la Chambre de l'instruction, la convocation devant préciser le mode de comparution de la personne détenue, afin de permettre à l'avocat de se déterminer, en cas de recours à la visioconférence, sur le lieu où il pourra se trouver – auprès de la juridiction ou auprès de son client – lors des débats ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces de la procédure que Monsieur [S] et son conseil n'ont été convoqués en vue de l'audience de la Chambre de l'instruction du 17 août 2023 à 14 heures que le jour même respectivement à 13 heures 55 et 11 heures 54 ; qu'en affirmant, pour juger la procédure régulière, que le changement de mode de comparution n'avait pas causé grief à Monsieur [S], dès lors que son avocat n'était pas présent à l'audience, quand la circonstance que le conseil de Monsieur [S] n'ait pas été présent à [Localité 2] à 10 heures 30 n'excluait pas qu'il ait pu, s'il avait été averti suffisamment à l'avance du recours à la visioconférence, qu'il puisse être présent aux côtés de son client à la maison d'arrêt de [Localité 1] à 14 heures, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 197, 706-71, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;


5°/ enfin que l'absence de convocation régulière de l'avocat à l'audience de la chambre de l'instruction devant se prononcer en matière de détention fait nécessairement grief à la personne détenue qui comparaît sans avocat ; qu'en affirmant, au cas d'espèce, qu'aucun grief n'était résulté pour Monsieur [S] des conditions dans lesquelles son conseil avait été convoqué à l'audience, dès lors que Monsieur [S] avait choisi de garder le silence et ne s'était pas opposé au recours à la visioconférence, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 197, 706-71, 802, 591 et 593 du Code de procédure pénale🏛. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 706-71 du code de procédure pénale :

10. Selon ce texte, en cas d'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle devant la chambre de l'instruction statuant en matière de détention provisoire, l'avocat de la personne mise en examen peut se trouver auprès de la juridiction ou auprès de l'intéressé.

11. Il s'en déduit que, hors le cas prévu à l'article 706-71-1 du code de procédure pénale🏛, lorsque le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle est envisagé devant la chambre de l'instruction statuant en matière de détention provisoire, l'avocat de l'intéressé doit en être avisé dans le délai et selon les formes prévus pour l'avis d'audience aux articles 197 et 803-1 du code de procédure pénale🏛. Cette formalité, qui a pour objet de permettre à l'avocat d'assurer une défense effective de l'intéressé, en se trouvant à ses côtés s'il estime utile, est essentielle à la préservation des droits de la défense et doit être observée à peine de nullité de l'arrêt.

12. Pour écarter le moyen de nullité et rejeter la demande de renvoi, l'arrêt attaqué énonce, notamment, que la comparution par visioconférence relève du pouvoir discrétionnaire de la chambre de l'instruction et que la loi n'a pas prévu de délai de rigueur pour l'utilisation de ce moyen de télécommunication.

13. Les juges ajoutent que l'avocat du demandeur n'était pas présent à l'audience à laquelle il avait été convoqué et qu'il lui appartenait d'indiquer suffisamment à l'avance s'il serait auprès de son client.

14. Ils relèvent enfin que M. [S] a choisi de garder le silence et n'a pas exprimé son refus de comparaître par visioconférence.

15. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus rappelés.

16. En effet, alors que l'avis d'audience ne mentionnait pas la comparution de la personne mise en examen par visioconférence, l'avocat de M. [S] n'a été avisé de cette modalité de comparution que le jour même de l'audience.

17. Il s'ensuit que, M. [S] ayant comparu sans son avocat, les droits de la défense ont été méconnus.

18. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner le premier grief.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 18 août 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille vingt-trois.

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