Le Quotidien du 9 décembre 2024 : Fiscalité des entreprises

[Brèves] La liberté du choix de financement d’une entreprise à nouveau confirmé

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N1127B37

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[Brèves] La liberté du choix de financement d’une entreprise à nouveau confirmé. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/113523794-breves-la-liberte-du-choix-de-financement-dune-entreprise-a-nouveau-confirme
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par Denis Fontaine-Besset et Arnauld Spiner, Avocats, Couderc Dinh et Associés

le 06 Décembre 2024

La décision « Ingram Micro » [1] avait ému la communauté des fiscalistes : la reconnaissance du caractère abusif du financement d’une distribution des réserves par l’émission d’une ORA afin de permettre la déduction fiscale d’intérêt ne laissait, en effet, rien présager de bon sur l’exercice de la liberté de choix des moyens de financement entre dettes et fonds propres. Certes, les auteurs avaient souligné que cette décision était dictée par les circonstances particulières de l’affaire [2]. La circonstance que les ORA bénéficient d’un traitement fiscal hybride, permettant la déduction d’intérêts payés par une société française à une société américaine du même groupe exonérée d’impôt sur ces mêmes revenus, a exercé une influence certaine sur la décision prise avant que des dispositions n’empêchent plus spécifiquement la mise en place de transactions hybrides.

Pour autant, les commentaires rassurants formulés sur la portée de cette décision ne semblent pas avoir dissuadé l’administration de continuer à contester le choix du mode de financement des entreprises sur le terrain de l’abus de droit, comme en témoigne le cas sur lequel le Comité des abus de droit fiscal a récemment statué [3].

Dans le cas examiné, une société avait émis des titres participatifs sous forme d’obligations souscrites par une autre société du même groupe présentant les caractéristiques suivantes :

  • durée de 35 ans sans remboursement anticipé ;
  • rémunération fixe de 1 % majorée de 18 % du résultat comptable après impôt, hors part des minoritaires ;
  • au terme, conversion en actions ou remboursement en numéraire sur la base de la valeur de marché des actions équivalentes.

 

Pour s’opposer à la déduction des intérêts, l’administration a considéré que l’émission des obligations constituait un abus de droit, considération prise :

  • de leurs caractéristiques qui les assimilaient à un financement en capital ;
  • de conditions jugées défavorables à l’emprunteur ;
  • de la faible imposition prélevée en Allemagne où étaient imposés les intérêts versés.

 

La société mettait en avant que :

  • le prêt mis en place sécurisait une solution de financement à long terme en substitution d’un compte courant à court terme en cohérence avec les actifs de la société constitués de titres de participation ;
  • la note de crédit de l’emprunteuse s’était améliorée consécutivement à l’opération, révélant l’impact positif du financement contesté sur sa situation financière ;
  • l’opération répondait à des objectifs économiques réels, et ;
  • les contrats n’en présentaient pas un caractère artificiel.

 

Sur ces bases, le comité n’a pas suivi l’administration et a confirmé la liberté de choix du mode de financement d’une entreprise, dès lors que les opérations mises en place n’avaient pas un but exclusivement fiscal et avaient eu un effet positif sur la situation financière de la société emprunteuse. Le régime d’imposition particulier appliqué au créancier en Allemagne n’a pas été considéré comme un indice du caractère abusif du financement mis en place.

Pour autant, l’absence d’abus de droit ne dispense pas l’emprunteur de se conformer aux dispositions du Code général des impôts en matière de limitation du taux d’intérêt entre sociétés liées (CGI, art. 212, I, a N° Lexbase : L6215LUQ) et en matière de lutte contre les transactions hybrides (CGI, art. 205 B N° Lexbase : L5669MA9).

L’administration a décidé de se ranger à l’avis du Comité. Cette décision confirme les leçons qui pourraient être tirées d‘un précédent avis sur une situation similaire dans le contexte d’un financement intragroupe entre la France et les Pays-Bas [4].

 

[1] CE, 9e-10e ch. réunies, 13 janvier 2017, n° 391196, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0496S9A.

[2] Revue de Droit fiscal, n° 15, 13 avril 2017, comm. 254 ; Jean-Luc Pierre, Revue de Droit des sociétés, n° 4, avril 2017, comm. 73 ; Anne Iljic, Distributions de dividendes et émission d’obligations remboursables en actions : réflexions sur l’affaire SAS Ingram Micro, Chronique, Revue de Jurisprudence fiscale, 2017.

[3] CADF/AC n°2/2024, séance du 26 septembre 2024, aff. n° 2024-11.

[4] CADF/AC n°2/2018, séance du 9 mars 2018, aff. N° 2017-36.

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