Le Quotidien du 22 novembre 2024 : Discrimination

[Brèves] Harcèlement discriminatoire en raison de l’origine : régime probatoire et sanction

Réf. : Cass. soc., 14 novembre 2024, n° 23-17.917 F-B N° Lexbase : A54436GP

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[Brèves] Harcèlement discriminatoire en raison de l’origine : régime probatoire et sanction. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/112908622-breves-harcelement-discriminatoire-en-raison-de-lorigine-regime-probatoire-et-sanction
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par Joël Colonna et Virginie Renaux-Personnic, Maîtres de conférences à la Faculté de droit, Aix Marseille Université, Centre de droit social (UR 901)

le 20 Novembre 2024

► Il résulte des articles L. 1132-1 du Code du travail, 1er, alinéa 3, de la loi du 27 mai 2008 et L. 1134-1 du Code du travail que lorsque le salarié présente des éléments de fait relatifs à des agissements discriminatoires, il appartient au juge de rechercher si l’employeur prouve que les agissements discriminatoires invoqués sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Faits et procédure. Un salarié engagé en qualité d’agent de sécurité forme un pourvoi contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Dijon le 2 mars 2023 (CA Dijon, 2 mars 2023, n° 21/00305 N° Lexbase : A90349GP), retenant que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non nul comme il le demandait. En l’espèce, le salarié prétendait avoir fait l’objet d’une discrimination et invoquait, à l’appui de sa demande, l’absence de réaction de l’employeur à la dénonciation des propos racistes dont il avait fait l’objet et des reproches relatifs à sa vie privée qui lui avaient été adressés. Or, la cour d’appel avait rejeté sa demande au motif qu’il n’avait fait mention d’aucune mesure discriminatoire dont il aurait été victime, alors, selon le pourvoi, que le salarié qui soutient avoir fait l’objet de discrimination doit seulement faire état d’éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination. L’arrêt est cassé. 

Solution. Après avoir successivement rappelé les termes de l’article L. 1132-1 N° Lexbase : L0918MCY, de l’article 1er, alinéa 3, de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, selon lequel la discrimination inclut tout agissement lié à l’un des motifs discriminatoires subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant, et de l’article L. 1134-1 N° Lexbase : L2681LBW, la Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel. La Haute juridiction relève que les juges du fond ont constaté que le salarié avait écrit à son employeur pour se plaindre de propos racistes à son endroit tenus depuis des mois par ses supérieurs hiérarchiques sur son lieu de travail, qu’il soutenait que l’un d’entre eux saluait tout le monde sauf lui et qu’il se plaignait d’avoir été convoqué pour se voir reprocher une relation amoureuse avec une autre salariée. Elle en déduit que l’intéressé présentait des éléments de fait relatifs à des agissements discriminatoires, au sens de l’article 1er, alinéa 3, de la loi du 27 mai 2008, en raison de son origine, et qu’il appartenait dès lors au juge de rechercher si l’employeur prouvait que les agissements discriminatoires invoqués étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Transposé du droit de l’Union européenne (Directive 2000/43 du 29 juin 2000 N° Lexbase : L8030AUX, art. 2) par la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 N° Lexbase : L8986H39 (art. 1er, al. 3), la notion d’agissement lié à un motif discriminatoire est couramment désignée sous l’appellation de harcèlement discriminatoire.

S’il a été consacré par de nombreuses décisions du Défenseur des droits, voire par certaines cours d’appel (CA Rennes, 10 décembre 2014, n° 14/00134 N° Lexbase : A1404M77), le harcèlement discriminatoire n’avait encore jamais, à notre connaissance, été retenu par la Cour de cassation. C’est chose faite avec l’arrêt du 14 novembre 2024. Ainsi, les propos à caractère raciste dont un salarié fait l’objet ne sont pas seulement sanctionnés sous l’angle des injures racistes, mais sont susceptibles de recevoir la qualification de harcèlement discriminatoire. On mesure l’intérêt pour la victime de cette qualification. L’arrêt rappelle, en effet, que cette forme de harcèlement est juridiquement une discrimination, ce dont il résulte qu’il en suit le régime probatoire (C. trav., art. L. 1134-1) et que la victime peut obtenir la nullité de l’acte discriminatoire (C. trav., art. L. 1132-4 N° Lexbase : L0920MC3). Rendue en matière de harcèlement lié à l’origine, la solution est évidemment transposable à tous les motifs discriminatoires.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le principe de non-discrimination, Le harcèlement discrimination, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E190603Y.

 

 

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