Réf. : Cass. civ. 1, 2 octobre 2024, n° 22-20.990, F-D N° Lexbase : A632058L
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par Jérôme Casey, Avocat au Barreau de Paris
le 08 Novembre 2024
► L'époux ayant alimenté, par des deniers communs, un compte personnel d'épargne de retraite complémentaire en doit récompense à la communauté (i) ;
L'indemnité d'occupation étant assimilée à un revenu accroissant à l'indivision, elle n'est plus due à celle-ci à compter de la date de la jouissance divise (ii) ;
En procédant d'office à la réparation d'une omission de statuer (s’agissant d’une demande d’évaluation de contrats d’assurance vie à une date la plus proche du partage) qui n'était pas demandée sur une prétention qui n'était pas discutée, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d’office, la cour d’appel a violé le principe du contradictoire (iii).
(i) « Selon l’article 1437 du Code civil N° Lexbase : L1565ABL, toutes les fois qu'il est pris sur la communauté une somme pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l'un des époux, celui-ci en doit récompense.
Pour rejeter la demande de récompense formée par Mme [V] à l'encontre de M. [I] au titre du financement, par la communauté, du contrat FIP Avenir jusqu'à la date des effets du divorce, l'arrêt relève que les sommes futures sur lesquelles l'assuré dispose d'un droit au titre d'un tel contrat d'épargne retraite constituent des biens qui ont un caractère personnel ou des droits exclusivement attachés à la personne, et que M. [Ac] est fondé à soutenir qu'il n'est tenu à aucune récompense envers la communauté à ce titre.
En statuant ainsi, alors que l'époux ayant alimenté, par des deniers communs, un compte personnel d'épargne de retraite complémentaire en doit récompense à la communauté, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
Sur le premier point, l’erreur de la cour d’appel était évidente. Le compte retraite litigieux était personnel au mari, de sorte que l’épouse n’aurait aucun droit dessus, la retraite venue. Le droit à récompense au profit de la communauté est donc certain (v. Cass. civ. 1, 31 octobre 2007, n° 06-18.572, F-P+B N° Lexbase : A2383DZB).
(ii) « Il résulte des articles 815-9, alinéa 2 N° Lexbase : L9938HNE, 815-10, alinéa 2 N° Lexbase : L9939HNG, et 829 N° Lexbase : L9961HNA du Code civil que, l'indemnité d'occupation étant assimilée à un revenu accroissant à l'indivision, elle n'est plus due à celle-ci à compter de la date de la jouissance divise.
Pour dire que Mme [V] est redevable à l'indivision post-communautaire d'une indemnité de 525 euros par mois, du 1er juillet 2020 jusqu'au partage définitif, au titre de l'occupation de l'immeuble de [Adresse 3] au Maroc, l'arrêt retient que l'intéressée s'est comportée en propriétaire et occupante exclusive des lieux.
En statuant ainsi, alors qu'elle avait fixé la date de jouissance divise au 2 juillet 2014 et attribué le bien en cause à Mme [Ad], la cour d'appel a violé les textes susvisés. »
Sur le deuxième point, l’erreur n’est pas moins nette. La cour d’appel fixe la date de la jouissance divise au 2 juillet 2014. Or, il ne peut y avoir d’indemnité d’occupation due pour la période postérieure, dès lors que l’occupante est attributaire du bien dans le cadre du partage. C’est l’évidence même : la jouissance divise fait cesser l’état d’indivision (par définition) de sorte qu’aucune indemnité d’occupation ne peut être due, puisque l’attributaire du lot est chez lui (v. dans le même sens : Cass. civ. 1, 16 décembre 2020, n° 19-17.456, F-D N° Lexbase : A69234AN).
(iii) « Aux termes de l'article 16 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1133H4Q, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Pour compléter le dispositif du jugement entrepris en rejetant la demande de Mme [V] tendant à ce que trois contrats d'assurance sur la vie soient évalués à une date la plus proche du partage autre que celle de la jouissance divise du 2 juillet 2014, l'arrêt retient que cette demande ne peut être accueillie et que, le premier juge ayant omis de statuer de ce chef, il convient de réparer cette omission en ce sens.
En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
Enfin, sur le troisième point, l’atteinte au principe de la contradiction est flagrante. Outre que relever d’office un moyen qui n’est pas d’ordre public est discutable en soi, cela devient inacceptable lorsqu’en plus la cour d’appel ne soumet pas ce moyen à la discussion contradictoire des parties. L’article 16 du Code de procédure civile est alors ouvertement violé. On notera aussi (à destination de la cour de renvoi) que la demande de Juliette visant à faire réévaluer les assurances-vie au jour le plus proche du partage est impossible juridiquement. En effet, la valeur de rachat d’une assurance-vie n’est pas un bien indivis. Certes, il faut bien porter cette valeur à l’actif de la communauté pour son montant à la date de dissolution de celle-ci, mais, ceci fait, cette valeur ne bougera plus, ni à la hausse, ni à la baisse (c’est l’autre enseignement, souvent méconnu, du célèbre arrêt « Praslicka » : v. Cass. civ. 1, 31 mars 1992, n° 90-16.343 N° Lexbase : A3162AC4 ; même sens, Cass. civ. 1, 15 mai 2013, n° 11- 25.364, F-D N° Lexbase : A5099KD9).
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